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(Anthologie permanente) Jean Daive, Crocus

Par Florence Trocmé

CrocusJean Daive publie Crocus aux éditions Flammarion.
Crocus regroupe cinq séquences qualifiées par l'auteur de présentations, qui évoquent celles des patients autrefois dans les hôpitaux - ou de l'enfant à sa famille (selon l'ancienne tradition) sur laquelle le livre se clôt, après un tombeau de Robert Creeley ( américain dont Jean Daive a traduit plusieurs ouvrages). Ce sont pourtant des scènes mentales d'une étonnante densité que le livre traverse avant tout, ramenant au jour le monde imaginaire, cruel et émerveillé de l'enfance, où la splendeur semaine souvent à l’effroi.

La présentation
3
Robert Creeley
(tombeau)
2016
Qui a crié plus fort que toi
presque (qui ?) en toi a crié
plus épouvanté que toi de l’humain
s’appelle ou personne ou pensant
est un son ?
Ce n’est plus qu’un désastre, ce n’est plus qu’une idée.
Tu parais tel – un alphabet défait
en aboiement
avec cette idée qui en tremble encore.
Bouche est un son. Voix est
un son. Bouche de moulage
est un son. Voix de moulage est un son et
non-réponse – parce que
ce qui aboie sous les voyelles
résonne en infini.
Un jour est un jour est une chambre est une ombre
est une femme est un chien est un lit est une lampe
est même toi.
Chaque son sort d’une terreur.
En réchappe-t-il ?
L’alphabet (écrire donc) ressemble bien à de
l’épouvante devant tant de souffle
ou tant de mémoire et rien de toi ou
ce que tu perds de toi
comment tu ne parles pas, comment tu ne réponds pas
comment tu n’écris pas, comment tu n’avances presque pas
à l’endroit, comme tu ne vois plus les fantômes
ou comment tu les vois partout ou
comment tu n’envoies plus qu’un
presque pas à l’endroit veut dire –  tu retournes
à la source, tu retournes aux résonances
pourquoi à la fin tu rampes sur une paroi et
sur les mains ?
Tout est si hors de – (tu ne marches pas
comme un crabe, mais comme
un fraisier).
Est-ce que j’arrive, est-ce que tu y
arrives ?
Arriver comme
je longe un mur sans rideau. Arriver
comme tu y arrives
avoir dans les maisons près du soleil
celles que je longe aussi
aux rideaux toujours écartés
des femmes derrière des fenêtres aux rideaux tirés
elle s’affairent
et tu dis :
« elles sont des fantômes. Je les distingue. »
Jean Daive, Crocus, Flammarion, 2018, 131 p., 17€ ; pp., 79 à 82.
Quatrième de couverture
Depuis Décimale blanche (1967), Jean Daive est l’auteur d’une œuvre énigmatique et dense, qui a marqué le champ poétique contemporain. Crocus succède à Une femme de quelques vies, Onde générale et Monstrueuse, accueillis ces dernières années dans la collection Poésie/Flammarion.


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