Deux années après The Healing Component, Mick Jenkins revient un second album et ce n'est jamais une mince affaire quand on a séduit un public difficile à satisfaire. Le rappeur de Chicago avait mis la barre tellement haut avec son premier chef d'oeuvre que la tâche s'annonçait compliquée. Et pourtant il l'a fait, avec Pieces of a Man, Mick a amené le jazz-rap au niveau supérieur, tout en continuant son bonhomme de chemin.
Tout de suite, Mick Jenkins nous met bien, créant une atmosphère chaleureuse. Un petit speech de présentation, ses musiciens derrière lui, un clin d'oeil à Gil-Scott Heron, comment donner cette illusion de lancer un mini-concert à la maison. Magique. Les lumières se tamisent sur " Stress Fracture" , mariage idéal entre beat hip-hop et Rhodes, avec ce petit quelque chose de familier, pareil sur " Gwendolynn's Apprehension " avec sa mélodie électronique aux influences de J Dilla. Le point commun entre ces deux titres : Black Milk. À en juger le résultat, ces collaborations entre ces deux éminents artistes de Chi-Town s'est faite dans d'excellentes conditions. À se demander pourquoi ils n'ont pas travaillé ensemble plus tôt tellement leur symbiose est au point. Outre les Them People, Mick retrouve Kaytranada qui laisse de côté l'électro pour se mettre à faire du hip-hop et il en devient méconnaissable. On leur doit " Understood" , qui sample " Be Alright " de Zapp & Roger Troutman (déjà utilisé pour feu 2Pac et son très touchant " Keep Ya Head Up" ), et surtout " Padded Locks " qui ne pouvait pas avoir meilleur candidat que Ghostface Killah pour ce sample classieux. Puis l'entendre rimer " Fuck your fake chain blingin', autotune singin'/ I'm a killer bee straight out the hive and I'm stingin' ", dans notre tête on se dit " MAIS OUAAAAAAAIS ". Merci pour ce moment les gars !
Mick Jenkins tenait à apporter du ' food for thought' et sa poésie de mange comme un fruit charnu. C'est tellement tentant, en particulier " Soft Porn" , sur lequel il dénude la vérité. Sa musique ne cherche pas non plus à utiliser de vieux pots pour ses recettes, et même si c'est le cas, on ne se prive pas d'un tel nectar (" Reginald" , " Barcelona" , " Ghost" ). Mick n'a pas peur d'y mêler des influences trap, elles sautent aux oreilles sur " Graces & Mercy " (produit par le duo Nez & Rio), et on en retrouve ailleurs sur le très beau " Plain Clothes" . Même salle, plusieurs ambiances et à aucun moment Mick Jenkins ne laisse filer notre intérêt. Il convie la douce Corinne Bailey Rae sur " Consensual Seduction " et entendre sa voix qui se mêle au timbre de crooner de Mick, quel couple ils forment. Mon coeur devient tout à coup fondant comme du chocolat. Même un titre très dur comme " U-Turn" , du genre avertissement avant règlement de compte, il prend un énorme coup, le coeur, avec un instrumental nocturne adoucit par des Rhodes de nouveau et quelques notes d'orgue. La vibe jazzy idéale pour gamberger. On aurait bien vu ScHoolboy Q sur cet beat-là. Last but not least, Mick conclut sur une note très musicale en compagnie des garnements de BadBadNotGood pour " Smoking Song " , comme pour si notre plaisir n'était pas suffisamment comblé.
Que dire de Pieces of a Man à part que c'est une pure merveille. Comme dit dans l'introduction, Mick Jenkins a à lui seul élevé le jazz-rap, une fusion qu'il avait repris en main avec The Healing Component, en étant moins expérimental cette fois. Il mélange les deux genres parent-enfant de différentes manières, avec une très grande intelligence, en apportant sa vision personnelle et quelle vision mes amis ! Chaque chanson sont comme les épisodes d'une série dont on n'arrive pas à décrocher, avec des palpitations à chaque fois. Vivement le troisième opus.