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Bob Dylan le poète

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam
Bob Dylan le poète

bob Dylan pyxabay

En 2016 le prix Nobel fut décerné à Bob Dylan « pour avoir créé dans le cadre de la grande tradition de la musique américaine de nouveaux modes d’expression poétique ». Cette distinction ne fait en réalité que rendre hommage à un des plus grands poètes de notre époque. D’une façon générale la mélodie l’emporte sur le texte, dans le cas de Bob Dylan texte et musique s’accordent pour former une cohésion indissociable. Grâce à des adaptations françaises de Hugues Auffray et de Graeme Alright, il est possible au public francophone de juger par lui-même de l’immense talent de poète de ce chanteur.
Il ne s’agit ici nullement de porter un jugement sur le chanteur, pas plus qu’il ne s’agit de
juger si ce Nobel est mérité ou non.

Années 60, la seconde belle période ?

L’histoire de Bob Dylan est avant tout celle des années 60 et du protest songs. C’est une décennie bien particulière par sa situation historique de période de  l’après-guerre. Les enfants de la Seconde Guerre mondiale devaient avant tout panser les blessures, reconstruire ce qui fut détruit. Les enfants des années 60 avaient des préoccupations différentes de celles de leurs parents, avec pour conséquence une rupture de la continuité entre ces deux générations. Mais surtout apparition de nouveaux engagements, et ils étaient vraiment nombreux et très différents dans leur nature. C’était une décennie du mouvement, de protestation, de grandes causes et de sacrifices. On peut dans une certaine mesure considérer la décennie 60, comme une enclave particulière dans un siècle qui a connu des moments merveilleux (Belle Époque jusqu’à 1914), des moments horribles (les deux guerres mondiales la crise de 1929), des moment de mutations sociale et de crise (années  1970 et suivantes)  .
La première cause dans laquelle se sont engagés les jeunes fut celle des droits civiques. Les jeunes d’aujourd’hui sont loin d’imaginer ce que fut le terrible sort des noirs dans cette décennie. Ségrégation raciale, les noirs ne pouvaient pas fréquenter les mêmes endroits que les blancs, ils étaient obligés de céder leur place assise aux bancs dans les bus. De cette période va naître l’un des plus beaux hymnes de liberté : we shall overcome, qui sera magnifiquement interprété par Joan Baez.
Durant cette décennie va naître également le discours les mythiques,  I have  dream  de Martin Luther King.
Il faut bien comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une bande de copains faisant la fête, les choses étaient réellement infiniment dangereuses et les militants risquaient réellement leur vie. Voici  un témoignage  très évocatrice de ce risque :

Le second grand engagement fut celui de la guerre du Vietnam. C’est engagement contre cette guerre va rassembler des jeunes de tous bords et s’étendre au-delà des frontières et des nations. C’était un fait exceptionnel.
C’est de ces deux conflits,  que va naître l’un des mouvements légendaires de l’histoire de la chanson : le Protest Song. Il s’agissait d’un ensemble de chanteurs qui vont dénoncer toutes les injustices de leur société. Parmi les grands chanteurs de ce mouvement on peut citer Joan Baez, Tom Paxton, est évidemment Bob Dylan.
La carrière de chanteur sera fulgurante avec la chanson Blowing in the Wind. Les textes des chansons de Bob Dylan étaient non seulement engagés politiquement, mais également merveilleux poétiquement.

Bob Dylan le poète

l’une des grandes caractéristiques de la poésie de Bob Dylan, et que contrairement à ce qui se faisait habituellement, ils n’abordent  pas de façon directe les sujets, mais de façon allusive, interrogative, voire suggestive. Il ne décrit pas le problème il y fait allusion. Il pose des questions auxquelles il ne fournit aucune réponses a. Il nous laisse le soin de le faire.
La poésie de Dylan devient de cette façon intemporelle et s’adapte à toutes les situations sans même en changer les mots.
Pour s’en rendre compte examinant dans un premier temps les textes d’une chanson célèbre de Tom Paxton où il dénonce la guerre du Vietnam. Dans ce texte Tom Paxton décrit la guerre, la nomme, donne les noms de Lyndon Johnson.
Extrait de la chanson : Lyndon Johnson told the nation de tom Paxton)

Lyndon Johnson told the nation
Have no fear of escalation
I am trying everyone to please
Though it isn’t really war
We’re sending fifty thousand more
To help save Vietnam from the Vietnamese

Traduction :
Lyndon Johnson a dit à la nation
Ne pas avoir peur de l’escalade
Je tente tout pour plaire
Bien qu’il soit pas vraiment la guerre
Nous envoyer cinquante mille plus
Pour aider à sauver le Vietnam du vietnamien.
Le texte de cette chanson est évidemment lié à la guerre du Vietnam au président Lyndon Johnson.

Examinant la chanson au blowing in the wind in the wind the bob Dylan

How many roads must a man walk down
Before you call him a man?
How many seas must a white dove sail
Before she sleeps in the sand?
Yes, ‘n’ how many times must the cannon balls fly
Before they’re forever banned?
The answer, my friend, is blowin’ in the wind
The answer is blowin’ in the wind

Traduction

Combien de routes un homme doit-il parcourir
Avant que vous ne l’appeliez un homme?
Oui, et combien de mers une colombe doit-elle traverser
Avant de s’endormir sur le sable?
Oui, et combien de fois doivent voler les boulets de canons
Avant d’être interdits pour toujours?
La réponse, mon ami, est soufflée dans le vent,
La réponse est soufflée dans le vent.

Le texte ici ne fait référence à aucun fait historique, de telle manière qu’il peut s’adapter à toutes les situations du conflit. De plus Bob Dylan pose des questions auquel ils n’apportent pas de réponse, c’est au lecteur d’apporter ses propres réponses. Il fait plus allusion à une situation qu’il ne la décrit. C’est le style allusif.

Who Killed Davey Moore?

Examinons un second texte qui fait référence à un problème bien particulier celui de la mort d’un boxeur.

Who killed Davey Moore,
Why an’ what’s the reason for?

« Not I,  » says the referee,
« Don’t point your finger at me.
I could’ve stopped it in the eighth
An’ maybe kept him from his fate,
But the crowd would’ve booed, I’m sure,
At not gettin’ their money’s worth.
It’s too bad he had to go,
But there was a pressure on me too, you know.
It wasn’t me that made him fall.

Ce texte est une suite d’interrogations et de réponses où chacun décline sa responsabilité. Bob Dylan n’accuse personne en particulier, et inversement personne en particulier ne se sent coupable. En fin de compet chacun décharge sac conscience, Ne dites pas qu’j’l’ai tué, et après tout C’est le destin, Dieu l’a voulu.
Cette série d’interrogations interpelle les lecteurs qui se posent à son tour la question, en quoi suis-je responsable de la mort Davcey Moore.
Les interrogations à propos de circonstance qui ont conduit à la mort de Davy Moore, sont les mêmes que pour toute victime d’un système qui échappe à notre contrôle malgré notre bonne volonté. Ce texte peut donc s’adapter n’importe quelle situation, même celle ne concernant pas la boxe, sans en changer le moindre
Vous pouvez écouter cette chanson dans la splendide interprétation en langue française qu’ en fit Graeme Allwright

Qui a tué Davy Moore ?Album: Le jour de Clarté

Qui a tué Davy Moore ?
Qui est responsable et pourquoi est-il mort ?

C’n’est pas moi, dit l’arbitre, pas moi
Ne me montrez pas du doigt !
Bien sûr, j’aurais peut-être pu l’sauver
Si au huitième j’avais dit « assez ! »
Mais la foule aurait sifflé
Ils en voulaient pour leur argent, tu sais
C’est bien dommage, mais c’est comme ça
Y en a d’autres au-d’ssus de moi
C’est pas moi qui l’ai fait tomber
Vous n’pouvez pas m’accuser !

Qui a tué Davy Moore ?
Qui est responsable et pourquoi est-il mort ?

C’n’est pas nous, dit la foule en colère
Nous avons payé assez cher
C’est bien dommage, mais entre nous
Nous aimons un bon match, c’est tout
Et quand ça barde, on trouve ça bien
Mais vous savez, on n’y est pour rien
C’est pas nous qui l’avons fait tomber
Vous n’pouvez pas nous accuser !

…………………..
Qui a tué Davy Moore ?
Qui est responsable et pourquoi est-il mort ?

……………………………….
Qui a tué Davy Moore ?
Qui est responsable et pourquoi est-il mort ?

C’n’est pas moi, dit son adversaire, lequel
A donné le dernier coup mortel
De Cuba il a pris la fuite
Où la boxe est maintenant interdite
Je l’ai frappé, bien sûr, ça c’est vrai
Mais pour ce boulot on me paie
Ne dites pas qu’j’l’ai tué, et après tout
C’est le destin, Dieu l’a voulu.

Qui a tué Davy Moore ?
Qui est responsable et pourquoi est-il mort ?

Ballad of Hollis Brown.

Dans ce texte Dylan décrit la misère et la détresse de Hollis Bronw et de sa famille,  sa femme et ses six enfants. Détresse et misère qui vont conduire Hollis Brons à se suicider en même temps que les autres membres de sa famille.
À la fin de ce poème de Dylan nous informe froidement que huit personnes vont mourir dans cette ferme du Sud du Dakota, en même temps quelque part dans le monde 8 autres personnes vont naître. Comme si Hollis Bronw n’avait jamais existé. C’est triste, tragique, poignant et nous renvoie à notre propre culpabilité et surtout à notre propre indifférence.

 

Hollis Brown
He lived on the outside of town
Hollis Brown
He lived on the outside of town
With his wife and five children
And his cabin fallin’ down

You looked for work and money
And you walked a rugged mile
You looked for work and money
And you walked a rugged mile
Your children are so hungry

………………………….

………………………….

Your eyes fix on the shotgun
That’s hangin’ on the wall

Your brain is a-bleedin’
And your legs can’t seem to stand
Your brain is a-bleedin’
And your legs can’t seem to stand
Your eyes fix on the shotgun
That you’re holdin’ in your hand

There’s seven breezes a-blowin’
All around the cabin door
There’s seven breezes a-blowin’
All around the cabin door
Seven shots ring out
Like the ocean’s pounding roar

There’s seven people dead
On a South Dakota farm
There’s seven people dead
On a South Dakota farm
Somewhere in the distance
There’s seven new people born

Voici les paroles françaises. Cette chanson est interprétée par Hugues Auffray  sous le titre la ballade de Hollis Brown

Hollis Brown habitait un coin perdu
Loin de la ville
Hollis Brown habitait un coin perdu
Loin de la ville
Avec sa femme et ses six gosses
Dans un bidonville

Les rats mangent ton pain
Et l’angoisse ronge ton cœur
Les rats mangent ton pain
Et l’angoisse ronge ton cœur

Y a t’ il seulement quelqu’un qui ait pitié
De ton malheur?

Il prie le seigneur de lui envoyer un ami
Il prie le seigneur de lui envoyer un ami
Si tu n’as pas d’argent tu ne peux pas
Avoir d’ami.

………………………….

………………………….

Autour de la baraque on entendit
Huit coups de vent
Autour de la baraque on entendit
Huit coups de vent
Et puis huit coups de feu comme
Ces claques d’ouragan

Huit personnes sont mortes dans un taudis
Au Dakota
Huit personnes sont mortes dans un taudis
Au Dakota
Et au même moment huit enfants sont nés
Loin de là…

Girl From the North Country

Avec ce texte Bob Dylan va écrire l’un des plus beaux textes jamais écrits sur l’amour qu’un homme peut porter à une femme jadis aimée. Bob Dylan ne decrit pas de l’amour qu’il porte a cette personne dont on ne connait même pas le nom. C’est travers les questions qu’il pose a un voyager qui vas passer par la région du ord ou habite sa bienaimée, qu’il nous laisse la liberté d’imaginer toute l’immensité de cet amour. Se souvient elle encore de lui, porte-t-elle un manteau et un châle pour bien la réchauffer. Le poète n’a jamais oublié cette personne puisque dans l’obscurité de la nuit et tous les jours il prie pour elle. Habituellement on prie pour le salut de quelqu’un. Ici la prière devient une ode à l’amour. Nous ne sommes plus dans la déclaration d’amour, mais dans la tendresse ultime . C’est charmant, tendre, touchant et terriblement émouvant.

Girl From the North Country Paroliers : Bob Dylan

If you’re travelin’ in the north country fair
Where the winds hit heavy on the borderline
Remember me to one who lives there
She once was a true love of mine

If you go when the snowflakes storm
When the rivers freeze and summer ends
Please see if she’s wearing a coat so warm
To keep her from the howlin’ winds

Please see for me if her hair hangs long
If it rolls and flows all down her breast
Please see for me if her hair hangs long
For that’s the way I remember her best

I’m a-wonderin’ if she remembers me at all
Many times I’ve often prayed
In the darkness of my night
In the brightness of my day

So, if you’re travelin’ in the north country fair
Where the winds hit heavy on the borderline
Remember me to one who lives there
She once was a true love of mine

Hugue Auffray en fit une interprétation en français, d’une rare intensité et pleine d’émotion

La Fille Du Nord

Si tu passes là-bas vers le Nord
Où les vents soufflent sur la frontière
N’oublie pas de donner le bonjour
À la fille, qui fût mon amour

Si tu croises les troupeaux de rennes
Vers la rivière à l’été finissant
Assures-toi qu’un bon châle de laine
La protège du froid et du vent

A-t-elle encore ses blonds cheveux si long
Qui dansait jusqu’au creux de ses reins
a-t-elle encore ses blonds cheveux si long
C’est comme ça que je l’aimais bien

Je me demande si elle m’a oublié
Moi j’ai prié pour elle tous les jours
Dans la lumière des nuits de l’été
Dans le froid du petit jour.

Si tu passes là-bas vers le Nord
Ou les vents soufflent sur la frontière
N’oublie pas de donner le bonjour
À la fille, qui fût mon amour


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