La commémoration de la fin de la Grande Guerre est un thème assez transversal qui a inspiré beaucoup de lieux. Aubagne n'a pas échappé à cette vague et on peut y voir quatre expositions, dont trois municipales, abordant chacune des aspects différents et complémentaires.Elle devait être la "der des der "mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Ce fut la première et pas du tout la dernière. Elle a laissé des souvenirs très violents que la ville d'Aubagne a décidé de célébrer comme beaucoup d'autres communes françaises, chacune à leur manière. Je vous parlerai bientôt des Sables d'Olonne qui ont préféré célébrer le talent d'Otto Dix.
Pour le moment nous irons à la Chapelle des Pénitents noirs. Nous traverserons la rue pour aller voir comment les aubagnais ont vécu la période. Puis nous poursuivrons dans un musée particulier puisqu'il est situé à la Légion étrangère qui est installée dans la ville depuis 1962.
Je vous invite en complément à écouter le podcast de l'émission que j'ai faite sur Needradio et qui comporte quelques interviews originales. Le lien figure à la fin de l'article.
Les éclaireurs du CielAubagne, c'est la ville où est né Marcel Pagnol, et on pense forcément à La Gloire de mon père. Elle dispose d'une Cité de l’art santonnier, puisque les santons sont une de ses "spécialités". Mais on sait moins que la ville a abrité des hangars où l'on a construit des dirigeables pendant la Première Guerre mondiale. Leur histoire, et les découvertes scientifiques, technologiques qui en ont découlé, rencontre les oeuvres de l'artiste plasticienne Véronique Duplan dans une exposition qui a lieu aux Pénitents noirs, connu également sous le nom de Centre d’art contemporain en proposant une lecture multiple.
Située sur les hauteurs de la vieille ville, la Chapelle des Pénitents noirs tient son nom actuel de la confrérie des Pénitents Noirs (fondée en 1551) à laquelle la commune cède partiellement l'usage de la chapelle. L'actuel bâtiment a évolué entre 1627 et 1728, et c'est en 1784 qu'il a été doté d'une façade néo-classique du XIX° siècle inspirée du Panthéon de Rome, ce qui ne l'empêcha pas, en 1793, de servir d'étable pour les animaux destinés au ravitaillement des troupes du siège de Toulon. Elle fut fermée trois ans en 2011 pour travaux.Le
cadre est propice à la présentation d'objets volumineux et à l'accrochage de très grandes oeuvres, comme celles de Véronique Duplan, une graveuse dessinatrice dont l'association avec le monde des dirigeables a de quoi étonner. Le défi est de faire comprendre que tout est lié dans une grande logique et les créations de cette artiste contemporaine sont en résonance avec la mémoire.C’est un contexte historique qui a permis l’avènement des dirigeables après les engins des Frères Montgolfier. Le terme "dirigeable" n'est pas familier. C'est pourtant un objet de conception assez simple si on songe qu'il suffit en quelque sorte d'ajouter un moteur de voiture à une montgolfière. Il y avait une barre pour monter et descendre, une autre pour aller de droite à gauche. Ils étaient noirs avant de prendre la couleur jaune, qui sont des couleurs respectées par la scénographie.
Au début de la guerre la France dispose de 5 dirigeables et 7 ballons captifs. Comme l'aviation n'offre que des possibilités restreintes au début de la Première Guerre Mondiale, les dirigeables vont alors jouer un rôle considérable puisque, par rapport aux avions, ils peuvent transporter plusieurs tonnes de bombes, et sur un rayon d'action largement supérieur. De plus de 200 mètres de long, ils fonctionnaient avec de l'hydrogène, un gaz plus léger que l'air mais très dangereux car inflammable. Les explosions en vol furent fréquentes jusqu'à ce qu'on trouve l'hélium.Ils étaient recouvert d'une toile légère, conçue pour que la pluie s’écoule facilement, qu'on appelle "déferlante". Ils furent même à l'origine armés mais ils ne furent pas utilisés longtemps pour l’offensif car les avions furent rapidement beaucoup plus performants.
Ils seront victimes de leur spécificité au fur et à mesure des progrès de l'aviation et de la défense anti-aérienne. Leur lenteur les rend vulnérables d'autant que leur volume en fait des cibles très repérables. Ils vont alors être cantonnés à la lutte anti sous-marine et à la détection de mines. Voilà comment la Marine héritera des dirigeables rescapés dès 1916. Cette même année, l'Etat major de l'armée française programmera néanmoins la construction d'une flotte de ballons dirigeables pour renforcer la surveillance des sous-marins allemands. La création de 12 centres d'aérostation sera ainsi décidée comme celle qui fut située dans la plaine de Coulin, entre Aubagne et Gémenos, et qui fut active de 1916 à 1922. L'exposition retrace le rôle de cette base dont les deux hangars ont disparu en 1988. Une vie très dynamique car le personnel au sol était en nombre conséquent. Il disposait d'une équipe de foot, d'une mascotte...
On est saisi par la blancheur des murs et par le volume intérieur de la chapelle. L’ambiance amène chaque visiteur à emprunter la piste de lecture et de découverte de son choix, historique, patrimoniale, scientifique, ou artistique, à se confronter au contexte militaire passé ou à des innovations technologiques de demain.
La directrice du centre d'art et commissaire, Coralie Duponchel, s'est passionnée par la collation de documents d'archives qui se révélèrent passionnantsUne quarantaine d’objets, affiches, photos et revues d’époque témoignent de l’engouement populaire pour le vol aérostatique depuis les premières montgolfières jusqu’aux années soixante qui intéresseront au premier plan les aubagnais. On constate que l’intérêt pour l’art de voler en dirigeable ne s’est jamais tari.
Car l'histoire ne s'arrête pas à la démolition de la base. On poursuit encore aujourd'hui en France leur développement pour assurer le transport de charges lourdes, de l'ordre de 60 tonnes à une vitesse de 120 km/h.Aérosculpture est une entreprise de spectacles aériens avec à sa tête un passionné, Jean Pierre David qui entretient le rêve, celui de faire voler à nouveau plusieurs dirigeables avec à leur bord des passagers.
Enfin de nouvelles générations de dirigeables ont vu le jour. Il s'agit de concepts de plateformes stratosphériques autonomes, capables de rester stationnaires à une altitude de 20 kilomètres (ce qui semble démesuré) pour effectuer des missions permanentes d'observation et de télécommunications en fonctionnant à l'énergie solaire.

La reproduction de photos en moyen format et de grandes images imprimées (200 x 140 cm) contribuent au sentiment d’immersion du visiteur au cœur du centre d’aérostation maritime d’Aubagne à cette époque.Certaines pièces historiques sont émouvantes. Comme le portrait de Jean du Plessis de Grenédan, un officier de marine français, né à Rennes le 15 janvier 1892, décédé le 21 ou 22 décembre 1923 en tant que lieutenant de vaisseau, commandant du dirigeable Dixmude.
On peut être surpris qu'un officier de marine qui, bien entendu n’était jamais monté dans un avion devienne pilote puisque les dirigeables étaient placés sous le commandement de la Marine, car ils survolaient la mer. Que c’est beau l’avenir avait dit ce jeune homme, en pleine guerre après avoir eu la fierté de prendre un zeppelin en battant des records de vitesse. Il s’est hélas abattu en mer quelques années plus tard près de la Sicile... il n’avait que 31 ans.
La série de photos s’achève par la démolition du dernier hangar dans les années 1980, avec en surplomb un dirigeable de 7 mètres de long nommé "aéroplume" qui dans d’autres conditions peut permettre à un enfant de se déplacer.



Il n’a pas été nécessaire de faire une commande spéciale car cette artiste plasticienne travaille sur la trace. Le fond de son oeuvre, concentré sur la trace des humains sur terre, s'accordait parfaitement au thème. C'est une artiste qui est toujours en création et un nouvel accrochage aura lieu à partir du 8 janvier avec une oeuvre nouvelle, mais qui n'a pas été créée spécialement.
Cette infirmière de métier qui a accompagné beaucoup de personnes en fin de vie, vit sur un bateau avec pour musique les cris de mouettes. Elle parle de manière très touchante et tous ceux qui sont passés dont on n'a aucune mémoire, aucune trace.








Toutes les expositions des Pénitents peuvent être visitées en compagnie d'un médiateur qui donnera des clés de lecture et des pistes d'analyse afin que l'art soit plus accessible. Le public scolaire est accueilli de la crèche à l’enseignement supérieur.
Des conférences-rencontres, des ateliers, des concerts, eux aussi gratuits, ponctueront l'exposition.

ou quand l'histoire de la base du dirigeable d'Aubagne rencontre les oeuvres de l'artiste Véronique Duplan
Centre d’art contemporain Les Pénitents Noirs
Les aires St-Michel - BP 41 465 - 13785 Aubagne cedex
Tél. 04 42 18 17 26
Du samedi 13 octobre 2018 au 26 janvier 2019
Fermeture du 25 décembre au 2 janvier inclus
Visite guidée tous les samedis à 15h
Du mardi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h
Entrée libre et gratuite
Catalogue disponible à partir du 11 novembre
Les Aubagnais dans la Grande Guerre
Sans avoir été une zone de combats, la ville a subi la guerre comme toutes les communes de France. C'est ce que démontre l'Espace Art et Jeunesse qui est situé en face des Pénitents noirs.







Les Aubagnais dans la Grande Guerre
Espace Art et Jeunesse
170 chemin Saint-Michel - 13400 Aubagne
Tel : 04 42 18 17 17
Du samedi 13 octobre 2018 au 26 janvier 2019
Du lundi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h.
Visite commentée le samedi à 14h30
Entrée libre et gratuite
Enfin, le Musée de la Légion étrangère propose, mais seulement jusqu'au 6 janvier 2019, des regards croisés entre un peintre et un écrivain, tous deux engagés dans les rangs de la Légion étrangère pendant la Première Guerre mondiale.
Zinoview - Cendrars : Deux légionnaires dans la Grande Guerre
Beaucoup des engagés volontaires qui se sont sacrifiés pour la France, dans les rangs de la Légion étrangère, étaient d'origine étrangère. Et beaucoup furent des artistes : Frantisek Kupka, Moïse Kisling, Jacques Lipchitz, Ossip Zadkine ... et Zinoview et Cendrars pour qui s'engager est un choix courageux et radical qui leur fait quitter leur vie d'artiste.




Si l'exposition met leur parcours en parallèle il n'est pas sur qu'ils se soient croisés, même si la fille de Blaise Cendrars est persuadée que oui, l'ayant reconnu dans un des tableaux peints par Zinoview. Le peintre était assez connu dans les milieux parisiens avant la guerre. Se sentant menacé suite au changement de régime en Russie il s'engage dans la Légion. Il continuera à peindre pendant la guerre, tout en étant soldat.
On peut dire de lui qu'il peint la guerre pendant la guerre alors que Blaise Cendrars écrira beaucoup plus tard, d'après ses souvenirs, et à Aix en Provence, en particulier dans "La main coupée", publiée chez Denoël en 1946. Cet homme fut un guerrier aguerri, avec Kupka sous son commandement. Après son accident il sera hospitalisé au lycée Lakanal de Sceaux 92) transformé en hôpital.

Ce qu'on connait moins c'est le nom du second signataire, un ami de Blaise, qui s'appelait Ricciotto Canudo (1879-1923), critique de cinéma italien, qui fut l'inventeur de l'expression "7ème art". Cendrars deviendra cameraman et écrira un des premiers livres critiques sur Hollywood. Un de ses meilleurs amis, Fernand Léger, servira dans l'aviation.

Quelques uniformes sont montrés comme celui-ci, ayant appartenu à un légionnaire du 2ème Régiment de Marche du 1er régiment Etranger en tenue de campagne pendant l'hiver 1914 sur le front de l'Aisne. La ceinture bleue figure autour d cela capote. Cependant pour des raisons de visibilité, le képi a été recouvert d'une coiffe en toile bleu foncé tout comme le pantalon garance a été remplacé par un pantalon-salopette en toile, également bleu foncé. le fusil est dit Lebel modèle 1886, modifié 1893, avec l'épée-baïonnette 1886 à guillon recourbé.
Cette tenue témoigne qu'il ne faut plus être visible comme c'était le cas auparavant. Les combats ont changé avec l'invention fin XIX° de la poudre explosive. Il devient capital d'être invisible. La Première Guerre Mondiale changera le regard du citoyen sur la guerre qui pour la première fois et sale, mutilante, parce que le soldat vit dans une tranchée et ne galope plus sur un cheval.
Néanmoins un des premiers dessins de Zinoview montre un soldat au pantalon rouge :










Elle rassemble dans ses rangs plus de 150 nationalités différentes, venant de tous les continents.
On voit dans cette vitrine la toile de tente, roulée sur le sac qui évoque un boudin blanc, et qui pourrait être à l'origine de la chanson de la marche officielle de la Légion étrangère. Elle est cadencée à 98 pas minute, ce qui va caractériser le "pas légion", un pas si lent que c'est la Légion qui clôt tous les défilés à pieds quand plusieurs régiments y participent ... sinon les soldats qui marcheraient derrière finiraient vite par bousculer les légionnaires.
Il y a aussi une anecdote historique. Le roi des Belges, Léopold II, avant que la guerre éclate en 1870 contre la Prusse avait souhaité que les belges ne se battent pas contre les prussiens et qu'ils adoptent la neutralité. Seuls les Alsaciens, les Lorrains et les Suisses ont eu droit au boudin, ce qui autorise à chanter que "pour les belges y en a plus".
Le musée a une très vieille histoire. Il a été créé à Sidi-bel-Abbés en 1842 où la Légion était installée. Lorsqu'elle quitte l'Algérie en 1962 pour Aubagne, le musée est recréé et inauguré en 1970 par Pierre Mesmer, lui-même ancien légionnaire. Il fut agrandi en 2013.




Commissaire - Commandant Yann Domenech de Cellès
Musée de la Légion étrangère
Chemin de la Thuilière - 13400 Aubagne
04.42.18.10.96
Jusqu'au 6 janvier 2019
Du mardi au dimanche de 10h à 12h et de 14h à 18h
Entrée libre et gratuite pour tous les publics
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