« Refusez la dictature de l’open space », c’est l’alerte que lance Laurent Habart dans son ouvrage La nouvelle organisation apprenante. Nous prenons petit à petit conscience que l’open space a paradoxalement tendance à limiter les échanges : en raison du volume sonore et des difficultés à se concentrer qu’il génère, les collaborateurs s’isolent avec des casques et écouteurs, et ont finalement moins d’interactions que lorsqu’ils travaillaient dans des bureaux cloisonnés. Mais ça n’est pas son seul tort ! L’open space est globalement la forme d’espace de travail la moins satisfaisante, notamment pour des organisations qui veulent favoriser des opportunités d’apprentissage informel. Laurent Habart s’en explique ici :
« Selon une étude de Jungsoo Kim et Richard de Dear de l’université de Sydney, il s’agirait même de la forme d’organisation spatiale la moins satisfaisante. Le niveau sonore, l’intimité, le mobilier, la qualité de l’air, la température ou la luminosité sont plus vite sources de nuisances dans des espaces ouverts. La qualité des interactions entre collaborateurs n’est pas non plus meilleure dans un espace totalement ouvert – et pour cause : il a été montré que l’ouverture avait tendance à faciliter les conversations informelles et extra-professionnelles plus que formelles et directement utiles. Selon une autre étude, la transformation d’espaces de travail en open spaces diminue le nombre d’échanges en face-à-face au profit d’interactions numériques.
Enfin, dans une perspective plus spécifiquement apprenante, Gary Evans et Dana Johnson de l’université Cornell ont testé la capacité de deux groupes de jeunes femmes à résoudre des énigmes, le premier groupe après avoir travaillé dans des bureaux fermés et silencieux, et le second sur un plateau type open space. Il s’est avéré que les personnes du second groupe avaient manifesté moins d’entrain et avaient fourni moins d’efforts pour tenter de réaliser les exercices qui leur étaient demandés.
(…) Il est rare que l’on puisse révolutionner l’espace dont on dispose pour le rendre plus adapté ou simplement moins perturbant. En revanche, il est toujours possible de faire de cet espace un lieu où l’apprenance est privilégiée.
Comment ? Les pratiques lean par exemple ont montré l’intérêt du « management visuel». Il commence, chez Toyota, par un grand tableau situé en un lieu névralgique de l’atelier sur lequel les opérateurs retrouvent, présentés de façon claire et standardisée, les indicateurs clés de performance et les informations ou consignes essentielles à leur activité (ce tableau s’accompagne d’un point quotidien entre le chef d’équipe et ses opérateurs où sont, entre autres, soulevées les questions et difficultés du moment).
Pour se nourrir d’initiatives, voici quelques exemples d’exploitation pertinente des espaces de travail. Si vous souhaitez :
- Augmenter la fréquence et la variété des échanges : éloignez les toilettes des lieux de travail afin d’obliger les gens à marcher plus longtemps et à faire des rencontres ou à découvrir les bureaux des autres équipes, comme au siège de Pixar.
- Améliorer la concentration : créez des bulles de différentes tailles au centre et en périphérie des bureaux paysagers afin de permettre l’isolement seul, à deux ou en réunion, comme au siège de la SNCF.
- Accroître la sensation de sérénité : augmentez la proportion de meubles et de panneaux en bois dans les espaces de vie.
- Développer le goût de l’innovation : concevez un environnement lui-même riche en innovations, depuis les vitres (les plus larges du monde) jusqu’aux bureaux (dotés de deux boutons pour les incliner ou les relever) ou à la ventilation, comme au siège d’Apple.
- Donner un sentiment d’appartenance sociale : placez vos bureaux au cœur de la ville plutôt qu’en périphérie, comme le siège de Twitter.
- Infuser la culture d’entreprise : concevez un bâtiment qui incarne vos valeurs, par exemple en termes de respect de l’environnement et de facture énergétique, comme au siège d’Elithis, première entreprise à créer une tour à énergie positive au monde. »
Et vous, comment pouvez-vous assurer que votre espace de travail, et celui de vos équipes, soit propice au travail de fond mais aussi aux interactions ? Avec la marge de manœuvre dont vous disposez, comment pouvez-vous intégrer des éléments de management visuel ? Pouvez-vous aménager différents types d’espace qui conviennent soit aux réflexions collectives, soit au travail de fond soit aux appels téléphoniques ? La capacité de concentration et la qualité des interactions en sera probablement améliorée !