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Mon expérience de correspondante locale de presse

Par Tinalakiller

Cela fait des années que je traîne sur le Net à lire des articles et autres types de papier très différents. Je ne suis quasiment jamais tombée par hasard sur des témoignages de jeunes correspondants locaux de presse. Je ne dis pas qu'ils n'existent pas, juste qu'ils ne sont pas aussi visibles alors qu'ils pourraient certainement intéresser certains lecteurs et lectrices.

J'étais correspondante locale de presse pour un célèbre journal quotidien du Sud de la France en 2015-2016. Ma mère, qui savait que je voulais mettre les pieds dans le journalisme (à l'époque où il me faisait de l'oeil), m'a montré une annonce : notre quotidien recherchait une plume qui habitait une petite ville en particulier (je ne la cite pas par anonymat). J'ai alors envoyé ma candidature dans la journée. J'ai décroché l'entretien deux mois après et j'ai su tout de suite que j'avais été retenue pour le job. Dès ce moment passé avec l'équipe, on m'a annoncé quelques règles " administratives " :

  • L'activité de correspondant local de presse est exercée à titre accessoire par rapport à une autre activité professionnelle.
  • Un correspondant local de presse n'est pas un journaliste, ni un pigiste, même si le travail effectué peut être similaire. Ainsi, avant sa publication, chaque papier d'un CLP est vérifié par un journaliste professionnel.
  • Le CLP n'est pas un salarié de l'entreprise, sauf cas exceptionnels.
  • Il ne touche pas non plus une allocation aide au chômage.
  • Aucune formation spécifique n'est obligatoire pour devenir CLP.
  • Le CLP perçoit une rémunération par honoraires et remboursements de frais.
  • Le CLP doit rester dans sa zone de résidence.
  • Enfin, à partir d'un certain plafond d'honoraires, le CLP doit obligatoirement cotiser à l'Urssaf. Afin d'éviter ce phénomène, le CLP ne doit pas dépasser les 400 euros d'honoraires mensuels.

Je vous confirme effectivement ces quelques points :

  • Parallèlement à cette activité de CLP, j'étais étudiante en recherche (ce qui explique pourquoi je trouvais du temps à me rendre sur place pour les événements puis écrire mes articles) tout comme j'avais également à côté un job étudiant. La correspondante locale que j'avais remplacée était une quarantenaire mère au foyer. Donc, oui, tous les profils sont ouverts. Il faut avant tout être un " témoin " de l'actualité de votre petite ville (donc connaître un minimum là où vous allez travailler) et relayer cette information pour le plus grand nombre.
  • Pour toucher les fameux 400 euros d'honoraires mensuels, il faut en écrire des articles, encore et encore ! Et selon votre zone géographique, vous avez beau avoir beaucoup de volonté pour trouver des idées de papiers, vous n'allez pas non plus les multiplier à tout bout de champ. De plus, même si la rédaction (en tout cas la mienne l'était) reste plutôt ouverte aux différentes propositions, il faut tout de même faire face à quelques petits obstacles. Tout d'abord, le correspondant local de presse a un côté bouche-trous : ses papiers permettent au journal d'enrichir son contenu et de parler au plus grand nombre. Mais son travail n'est pas non plus la priorité de la rédaction en dehors de quelques événements exceptionnels ou partenariats. Par conséquent, si le journal est débordé par une actualité locale voire même nationale plus importante, votre article ne sera pas toujours publié tout de suite (en tout cas s'il ne traite pas d'une information demandant à être traitée de manière immédiate). Surtout, il faut aussi faire attention à certaines dérives. Réaliser des portraits est toujours intéressant mais il ne faut pas par exemple faire de la publicité déguisée pour certaines enseignes. Or, parfois la limite peut être floue et on ne s'attend pas toujours à se faire refuser un papier. Bref, tout ça pour vous dire que je touchais globalement une petite centaine d'euros par mois. Je schématise : 2 euros par brève, 4 euros par article taille moyenne, 8 euros pour un grand article. La rémunération dépendait aussi du nombre de photos retenus sur la page. Enfin, on me remboursait les frais de déplacement et téléphoniques. Bref, vous n'allez clairement pas devenir CLP pour remplir des masses votre compte bancaire.
  • Quand on vous parle de zone de résidence, vous devez couvrir uniquement les événements liés à votre ville. Vous n'allez pas vous amuser à aller ailleurs même si un citoyen de votre petite ville organise éventuellement un événement ailleurs. A ce moment-là, vous contactez votre rédaction pour présenter l'information afin qu'elle puisse contacter le bon CLP.

Ainsi, pour être CLP, il faut...

  • Etre bon en orthographe, ou en tout cas, toujours vérifier vos papiers avec un dictionnaire avant de les envoyer au journaliste qui va les corriger. Cela signifie aussi savoir respecter les règles typographiques élémentaires.
  • Avoir un bon appareil photo. Et n'essayez pas de duper vos correcteurs avec une photo prise par un portable. La qualité sera toujours moins bonne. Et même sans leur avouer la tricherie, la rédaction saura directement si la photo est issue d'un téléphone.
  • Ouvrir son réseau. Au début, trouver des idées d'articles, en dehors des événements au coeur de la ville / du village, ne paraît pas évident. Petit à petit, au fil de vos rencontres, on va de plus en plus vous appeler ou vous contacter par mail : soit parce que les gens appellent directement votre rédaction et cette dernière leur file vos coordonnées, soit parce qu'ils arrivent à obtenir vos coordonnées par le bouche-à-oreilles. Donc soyez toujours disponible, souriant et sociable, même si vous faites un petit reportage sur la fête du pois chiche. Le but est de vous faire connaître par un grand nombre de personnes susceptibles d'élargir votre travail. Contactez également directement la mairie et l'office de tourisme de votre ville / village afin d'ouvrir ce réseau qui vous servira à élargir votre contenu.
  • Eviter d'être timide. Et c'est une timide qui vous dit ça. N'hésitez pas à échanger avec les gens afin d'obtenir les infos qu'il vous faut. Ne vous gênez pas non plus pour vous déplacer au premier rang durant un meeting ou un spectacle, à vous mettre debout, parterre ou autre position improbable ou qui vous semble " humiliante ". Je n'aime pas non plus avoir ce sentiment d'embêter les gens. Je sais que ce n'est pas toujours facile de passer le cap selon notre personnalité ou par rapport au déroulé de certains événements mais si c'est pour signer un bon papier dont vous serez fier plus tard, vous verrez que ça vaut vraiment la peine de surmonter cette petite crainte.

Avant d'être correspondante je ne faisais pas grand chose dans la zone que je couvrais. J'allais juste à l'école maternelle et primaire, j'allais parfois chez le médecin et au cimetière, j'y faisais aussi quelques activités extra-scolaires. Ce travail m'a permis de sortir de ma zone de confort et de mieux découvrir cet endroit que je pensais connaître. Commerçants, artisans, gendarmes, bibliothécaires, historiens, instituteurs, chasseurs, politiciens, artistes, maîtres-chiens, héros de la Seconde Guerre Mondiale et j'en passe... J'ai multiplié les rencontres dans différents lieux. Alors oui, on me dira que je ne suis pas non plus allée à Miami rencontrer Monica Bellucci après avoir sauté en parachute, j'en ai bien conscience. Ce que je veux dire, c'est qu'on pense connaître des choses alors que ce n'est pas forcément le cas. Or, on peut énormément apprendre rien qu'à cette petite échelle. Toutes les choses, même celles qui ont l'air ordinaires, sont toujours utiles et instructives. Bon, par contre, je ne vous raconte pas comment j'ai failli être tuée par une armée de brebis lors d'une transhumance, je tiens trop à ma dignité.

Peu importe l'opinion que j'ai dessus sur cet endroit (ce n'est pas la question), j'ai eu le sentiment d'avoir joué pendant quelques mois un rôle social. Certes petit, mais il existait bien, j'étais identifiable par rapport à cette fonction. Et c'est pour ça que la correspondance locale peut également être une expérience très enrichissante pour des profils différents de celui du futur journaliste. Diverses personnes auront besoin de s'impliquer dans une association ou plus globalement être active dans une communauté, la correspondance peut finalement jouer un rôle similaire sur certains points. On vous demande évidemment de garder vos opinions pour vous, vous devez rester neutre dans vos articles, cela va de soi. Ce que je veux dire, c'est que vous allez sans cesse rencontrer un certain nombre de gens, vous allez même parfois nouer un réel lien parmi ces quelques individus. En sachant que vous n'allez pas non plus être correspondant local toute votre vie, ces contacts peuvent être importants, aussi bien juste pour vous que pour d'autres projets qui demandent à faire appel à une collectivité.

Je pense justement que j'ai appris énormément appris des gens en exerçant cette activité. Cela m'amusait toujours d'être vue comme " La Dame du Journal " (j'avais parfois l'impression qu'ils me voyaient comme Elise Lucet, je vous le jure qu'il y avait ce petit côté absurde dans certaines situations) non pas parce qu'ils ne savaient pas que je n'étais pas journaliste (et ne pouvaient pas forcément le savoir si on ne leur explique pas), mais parce que certains voulaient leur moment de gloire. Je ne dis pas que c'est mal, c'est une réaction tout à fait humaine, même s'il y avait des gens plus narcissiques que d'autres. Mais bon, on n'est pas plus à ça près, surtout à l'ère des réseaux sociaux. J'ai également été en contact avec l'équipe politique de la ville et il faut admettre que c'est un monde vraiment à part ! Globalement, les gens que j'ai rencontrés étaient souvent adorables et polis, passionnés par ce qu'ils voulaient me transmettre. J'étais vraiment ravie de pouvoir relayer leurs histoires et leurs projets qui leur tenaient à coeur.

J'ai préféré arrêter pour me consacrer davantage à mon avenir professionnel et certainement aussi pour ne pas me lasser. Mais comme vous l'avez compris, j'en retiens que du positif. Même les moments les moins " sympas " m'ont toujours permis d'en retenir quelque chose d'utile, que ce soit personnellement ou professionnellement.

  • Etre correspondant local de presse est une expérience à valoriser sur un CV, notamment pour les étudiant(e)s qui souhaitent se lancer dans le journalisme. En effet, pour entrer dans une des écoles reconnues françaises, il est fortement conseillé de connaître déjà le milieu dans lequel on souhaite évoluer. La correspondance locale en fait partie. En plus, cela peut peut-être aussi vous détacher de plusieurs candidats qui auront fait des stages : c'est un autre moyen de mettre ses chances de son côté. Enfin, on a beau dire qu'un correspond local de presse n'est pas journaliste (et il faut bien le répéter, histoire qu'il n'y ait pas de confusion), vous êtes tout de même sur le terrain au coeur de l'information et surtout vous êtes en contact avec des professionnels : il n'y a rien de mieux pour apprendre encore et encore sur ce métier qui continue de faire rêver de nombreux jeunes !
  • J'ai décidé de m'éloigner de mes envies de journalisme pour me consacrer à une autre branche professionnelle (plus stable). Mais honnêtement, j'en retiens encore quelques leçons que je continue d'appliquer dans un autre domaine. Ainsi, écrire rapidement et efficacement en un temps parfois très limité selon les événements, choisir les bons angles pour photographier ou encore sélectionner alors les meilleures images qui correspondraient le mieux à l'article font partie des tâches qui s'imposent durant votre travail de CLP. A partir de là, je m'adapte plus facilement dans des situations stressantes (c'est une éternelle angoissée qui vous cause). C'est vrai que je vous ai dit plus haut que les articles qui ne demandent pas d'être publiés immédiatement ne seront jamais prioritaires pour la rédaction si cette dernière est trop préoccupée par d'autres informations bien plus importantes. En revanche, il y a des fois où il faut vraiment bouger son popotin car l'information doit circuler très vite. Et là, ça demande de bosser dans l'urgence. Je me sens donc plus réactive et astucieuse. De plus, l'écriture et la photographie sont toujours un bon moyen de continuer à développer notre créativité. Je suis persuadée qu'on peut être artiste sans s'autoproclamer écrivain, musicien, réalisateur ou autre. On peut être créatif tous les jours, peu importe son boulot.
  • On m'a aussi appris à photographier, c'est-à-dire jouer avec les effets optiques pour donner l'impression qu'il y a une grande foule, ou à faire attention à la luminosité pour ne citer que ces exemples. Je ne prétends pas être douée dans ce domaine (même si j'aimerais tellement continuer à apprendre quelques techniques dans d'autres situations) mais j'ai remarqué que j'avais effectué quelques réels progrès en photographie.
Pour ceux et celles qui ont envie de tenter l'expérience, je ne peux que vous encourager à vous lancer si vous en avez l'occasion !

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