
Il a, à juste titre, un public dans chacun de ces endroits où il s'est déjà produit, et c'est légitime parce qu'il appartient à cette catégorie d'artistes, à la fois chanteurs, compositeurs et interprètes qui aiment la scène.
Découvert aux Francofolies en 2010 ce n'est pas un hasard s'il a été nominé aux Victoires de la musique en 2015 comme "révélation scène de l'année" où il interpréta Silbo que l'on a entendue aussi ce soir.
On entendra aussi Darwin avait raison qui était le titre phare de son premier album, La vie cajun (enregistré à 23 ans, sorti bien plus tard, en 2010).
Féloche, né en 1973, est le petit-fils de de Charles Le Bars, artiste-peintre et sculpteur. Son père, Hugues Le Bars fut un grand compositeur de musiques de film, de ballets de Maurice Béjart et d'histoires pour enfants (Collection Père Castor), célèbre pour avoir souvent inséré des voix dans ses compositions, notamment celles d'André Malraux, Eugène Ionesco, Sonia Rykiel ...
Au début des années 1970, Hugues Le Bars s'était installé au vert dans un petit village de l'Aisne qu'il finit par quitter pour habiter près de Montfort-l'Amaury. Il réinstalla alors son studio non loin des lions et des girafes de la réserve africaine de Thoiry. où il résida une vingtaine d'années avec sa compagne et leurs enfants. est-ce qu'avoir entendu les cris des lions a conditionné Féloche et lui a soufflé l'inspiration pour écrire Crocodile ?
Le clip de cette chanson a été tourné par Yolande Moreau, qui est une a
ctrice et réalisatrice, à l'univers extraordinaire. On se souvient de son interprétation très sensible dans Séraphine, et de la sensibilité de son second film Henri. Ils avaient depuis longtemps le projet de travailler ensemble car elle devait déjà faire le clip de On va ouH! Pour Crocodiles elle a dirigé Féloche en lui suggérant d'être le plus sobre possible, ce qui allait à l'encontre du tempérament bouillonnant qu'il révèle sur la scène mais qui procure un résultat très intéressant.
La pochette, conçue par Lisa Rose est magnifique, composée de papiers découpés enrichis de feuilles d'or qui lui confèrent un aspect marbré. La couleur jaune citron évoque aussi le soufre de l'acide sulfhydrique dont tout chimiste connait l'odeur par coeur.
Plus on l'écoute et plus on aime cet album où Féloche creuse encore plus loin les sillons qu'il a pris l'habitude d'explorer, l'enfance, la mémoire et l'amitié. Il a fait appel à des amis, L. Nico et à Christophe Alexandre pour écrire la plupart des titres et pourtant l'album reste dans une tonalité personnelle. Il est très représentatif de son formidable appétit de vivre que l'on pourrait supposer être un cadeau de naissance. Le musicien semble être un homme heureux et cela se sent en concert.
Il est entouré sur la scène par deux jeunes femmes talentueuses, Sabrina Boudaoud (basse) et Iya Duclos (percussions, ukulélé, voix, danse).

Jusque là guitariste, Féloche a été mis à rude épreuve par les
8 cordes de cet instrument originaire d’Italie, mais qui lui a fait découvrir des gammes nouvelles. C'est avec elle qu'il a composé La vie cajun, en gamme pentatonique, et plus de vingt ans plus tard la mandoline continue de l’accompagner dans toutes ses créations. Elle est devenue au fil du temps un composant majeur de sa carte d’identité sonore. Son rêve serait d'apprendre maintenantla mandoline classique au sein d'un orchestre.Le miroir (piste 1) et Je crie (piste 11) ne figurent pas dans le show. Ces deux titres, très personnels, justifient la dédicace de l'album au fils et au père. Dans le miroir il explique "quand j'étais tout petit, j'voyais tout en grand / Et maintenant qu'huis grand, je me vois tout petit". On y entend une de ses filles, Rosalie. Et dans Je crie, c'est la voix parlée d'un autre le Bars, Ulysse, qui rend hommage au papa de Feloche, tombé dans le désert.
Le musicien revendique la filiation. Il a été bercé par la musique, et se souvient de la façon que son père avait de faire les sons, en particulier les bandes à l'envers. Il cherche à transmettre
le plaisir du son, la magie de l'enregistrement et glissera toujours, dans chacun de ses albums, des sons ou des accords que seul son papa pourrait comprendre. Chimie vivante ne déroge pas à cette règle et on peut dire que c'est un disque sur la transmission.

Il y a ceux qui brûlent en enferPour l’éternité dans les flammes éternellesEt ceux qui s’en grille une p’tite dernièreSur le balcon en slip et qui se les gèlent

J'avais eu la chance de recevoir cet artiste dans Entre Voix sur Needradio (le replay figure à la fin de l'article) et je me souviendrai longtemps de sa bonne humeur, de son large sourire, de son énergie très communicative et de la douce folie (c'est un compliment) qu'il met dans tout ce qu'il fait de bon coeur. Il n'est peut-être pas que "heureux" mais il sait donner aux autres le goût de la jubilation.
Il faut aller le voir sur scène ... pour l'entendre encore mieux et finir par croire qu'après la mer y'a l'Eldorado !

Nouvel album Chimie Vivante, chez Silbo Records depuis le 14 septembre 2018
En concert au Pédiluve (Chatenay-malabry-92) le 20 Décembre, et en tournée