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Nos lectures un reflet de ce que nous sommes…

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam

Nous traversons notre époque avec nos réalisations, ce que nous aimons, mais également avec ce que nous lisons et écoutons. Nos lectures, les musiques que nous écoutons, sont en partie le reflet de ce que nous sommes si nous les choisissons avec un élan affectif. Mais est-ce toujours le cas ?
Sommes-nous toujours libres de nos choix ? Nos goûts ne sont-ils pas forcés ou dirigés ?
Existe-t-il une bonne et une mauvaise littérature ?
Les débats sur  la littérature, le cinéma et la musique suscitent des passions, des frustrations voire de la violence. C’est souligner combien il est très délicat d’aborder ces activités humaines non nécessaires à la survie.

Nos goûts littéraires, musicaux, une affaire d’époque ?
Dans les années cinquante, les meurtrissures de la guerre étaient encore présentes et il fallait reconstruire une société nouvelle. Dans les années soixante on a continué la reconstruction de la société, et si la Seconde Guerre s’éloignait, une autre  commençait. Celle du Vietnam avec ses chansons de contestation. Bob Dylan, Joan Baez… Dans les années soixante-dix, les hommes et les femmes étaient déjà différents avec l’érosion de la morale chrétienne et l’épuisement de la contestation avec parfois son inversion même, puisqu’apparaissait un patriotisme plus favorable à la guerre. On lisait Sagan pour ses romans et Sartre pour sa philosophie à laquelle du reste on ne comprenait  rien, mais également salut les copains et Mademoiselle âge tendre. Je ne sais si de nos jours le nom de Sagan fait rêver, mais celui de « Salut les copains » le fait encore plus de cinquante ans après. Pourtant il ne s’agissait nullement de revue littéraire. Et que dire de cette tournée des idoles qui porte le nom âge tendre. Les années soixante ont marqué des hommes et des femmes a jamais et rare ceux et celles de cette époque qui peuvent écouter Donovan et Joan Baez chanter en duo  « Colors » sans verser une larme.

On lisait de même des photo-romans d’amour, qui étaient plutôt un produit méprisé par les littéraires. Pour information pour les plus jeunes d’entre nous, les photos-romans étaient une sorte de bandes dessinées, mais avec des photos. Les histoires qu’on y racontait étaient en général très simples, un homme aime une femme et vice versa. Ces photos-romans d’amour ont appris aux hommes le respect des femmes, et aux femmes le respect des hommes. Il était fréquent que les femmes glissent des mots doux à l’intention des hommes dans ces romans, et inversement. Si par un pouvoir magique on pouvait imprimer toutes ces déclarations  d’amour, on aurait une œuvre naïve, pas très littéraire,  mais certainement  pas un produit. En réalité, ce serait simplement le témoignage des sentiments qui unirent hommes et femmes. Adamo ne chantait-il  pas à  cette même époque  « quand les roses fleurissaient, sortaient  les filles »

Les grandes dépressions humaines propices aux chansons tristes ?

Les raisons pour lesquelles une œuvre connait un succès phénoménal et assez déroutant et traduit probablement l’emprise de l’événement historique sur les esprits humains. On ne peut expliquer cela par la seule beauté de la l’œuvre.
La chanson « Sombre dimanche » marqua la société de 1933, à tel point  qu’on l’interdît, car on craignît  qu’elle ne pousse les gens au suicide. Elle est retombée dans l’oubli à l’inverse de Lili Marlene presque contemporaine, qui a traversé les sociétés et les époques et que l’on écoute encore dans la version chantée par Marlene Dietrich. Quelle fut la littérature de cette période et dans quelle mesure a t-elle contribuée   à cette dépression collective.
Le succès du livre de John Steinbeck « les raisins de la colère » , des chansons de  Woody Guthrie   I ain’t got no home, de Hezekiah Jenkins : The Panic Is On Lyrics, du films « Notre pain quotidien », sont en fait  un aperçu de ce que furent nos ancêtres et de ce que nous risquons de devenir. Ces œuvres parmi tant d’autres, nous apprennent que souvent il ne faut pas dissocier lecture, cinéma et chanssons.

Un seul succès, le reste suivra ?

Peut-on affirmer qu’il suffit de lancer un premier succès et que les suivants seront acquis.
Les Beatles connaissent un succès depuis des décennies parce que leurs chansons sont des chefs d’œuvre : Yesterday, Penny lane , For no One, Eleonar rygby, et tant d’autres. Mais on ne leur pardonnait certainement pas leurs navets, on y faisait l’impasse.
Dans les années soixante et par réaction, on a construit un groupe de façon artificielle, les Monkees avec leur chanson I’m Beliver. Cette chanson qui au départ ne fut qu’un pur produit rencontra un succès qui dure encore, car elle est très belle. Le produit devient une marque. Toutefois leurs autres chansons ne furent pas aussi appréciées. Le succès de la première ne contribua pas au succès des suivantes.
En littérature malgré le succès de Vipère aux poings, les autres livres d’Hervé Bazin ne profitèrent pas de la célébrité de l’auteur. Cependant ce qui est vrai pour une époque ne l’est forcément pas pour une autre.
Les Moddy Blues, les Procol Harum n’ont connu le succès que grâce a une unique chanson. Ce sucée de ne leur permit pas de placer leurs autres tubes. Nous étions à l’époque très attentifs à la qualité artistique.

Phénomène de mode ou de mimétisme

Un phénomène de mimétisme peut aussi expliquer le succès de certaines œuvres. Dans les années soixante, il y avait le phénomène des bibliothèques en bois et de couleur marron que l’on trouvait dans les salons de beaucoup de foyers. On y mettait des livres classiques «  Tolstoï, Dostoïevski », à côte des disques 33 tours, en général les neuf symphonies de Beethoven, et de l’encyclopédie. Mais on ne lisait pas ces livres, pas plus qu’on n’écoutait ces symphonies. On se contentait de les admirer dans leur belle robe en simili cuir et en écriture dorée. Cela faisait partie d’un snobisme qui parait à notre époque désuet, mais les personnes qui achètent à la gare un livre pour le jeter à la poubelle à la fin du voyage, ne font-elle pas aussi preuve d’une autre forme de snobisme et de mimétisme ?
Concernant les livres dits d’auteurs (Flaubert, Stendhal, etc..) ne sont ils pas eux-mêmes maintenus en vie par une institution quasi ecclésiastique,  dont l’Académie française est le clergé, le prix Goncourt la canonisation et la béatification par le Nobel.
Les professeurs qui nous expliquent avec ardeur les pensées d’un auteur, ne sont-ils pas en réalité  les curés de cet ordre. Le fait que ces œuvres fassent obligatoirement partie du programme scolaire n’est-il pas une forme de prosélytisme déguisé.
Autrement qui lirait Thérèse Desqueyroux.

Noël, produits et bons sentiments

Noël est la période des bons sentiments avec les lectures de livres qui mettent en valeur la générosité, le pardon. Si le livre « a Christmas Carol » est un classique de lecture, d’autres œuvres moins éblouissantes sont pourtant lus même si on sait parfaitement que ce ne sont que des produits de consommation. Noël est le reflet de ces sentiments que nous voudrions avoir, de ce que nous aurions voulu être, mais que nous ne serons jamais. Ces livres, bons ou mauvais remplissent ce rôle de colmatage de ces blessures que nous accumulons tout au long de notre vécu.

Pulp, produit et littérature au rabais ou chefs d’œuvre ?

Durant la première moitié du siècle dernier au USA , on lisait énormément de magazines à bas prix dont le papier était de qualité médiocre. Parmi ces magazines on peut citer le mythique Weird Tales avec ses couvertures très explicites. Voici donc le genre d’écrits que l’on pourrait qualifier de sous littérature populaire. Toutefois le succès présent de nos jours de Lovecraft qui rappelons-le ne publia en dehors de ce magazine, aucun roman de son vivant. Cet auteur est devenu actuellement un mythe et son immense talent reconnu internationalement. On peut également citer parmi les auteurs de cette revu, Asimov, Philip k Dick, Robert E Howard « Conan le barbare », Arthur C. Clarke.

Aujourd’hui Mussot , levy et Mary Higgins Clark

Mussot, Levy et les autres ne sont que les descendants de Guy Descars qu’on surnomma à l’époque de façon désobligeante Guy des Gares et les collatéraux de Dallas et dynastie. Qu’en  est-il de Guy Descars de nos jours. Apparemment il suscite encore quelques nostalgies chez lecteurs qui le proposent dans les sites spécialisés.
Le succès Mussot et Levy est là de façon inconstatable, mais leur valeur est à juger sur le long terme. Leurs œuvres sont elles en accord avec notre société ? Un futur observateur
pourra-t il juger notre époque en se basant sur leur écrit ? Il est difficile de connaitre la réponse  car notre société semble traverser une mutation dans la façon de lire et écrire. SMS, Whatsap, Facebook… Par contre, il serait intéressant maintenant que l’on a du recul, d’évaluer le succès des livres écrits par les stars de la télévison : Teulé, Laborde, etc.
quel impact ont laissé ces auteurs sur leur lecteurs ?
Tout semble montrer qu’ils sont déjà oubliés. En sera-t il de même de ces autres auteurs ?

Le lectur, toujours lui, mais il est autre il n’est pas nous.

Emile zola a dit à propos du succès des livres de Jules Vernes,  » Les alphabets et les paroissiens se vendent eux aussi à des chiffres considérables. » Il y a quelques décennies, à la sortie de Rocky un critique marocain eut ce commentaire. « Film médiocre pour spectateurs médiocres ». Quelques autres décennies plus tard, ce film « médiocre » est toujours là. J’ai apprécié Rocky à l’époque et je l’apprécie encore.
Ce critique a commis une erreur de jugement  fréquente, celle de considérer  les spectateurs comme une extension de soi-même. Il faut se garder de pareille erreur  dans la critique  des œuvres littéraires. Le lecteur n’a pas forcément les mêmes tendances littéraires que nous même.  Mais gardons-nous surtout de porter un jugement sur leurs lecteurs, car ils ne sont pas nous, ni même une extension de nous. Ils sont tout simplement autres avec des goûts différents.

Auto édition, écriture un phénomène récent qui va durer

L’auto-édition est un phénomène récent avec cette espérance qu’elle puisse rapprocher les humains. Espoir qui ne fut pas tenu par la télévision. A ces débuts, tous les observateurs pensaient qu’elle allait rapprocher les humains. Tam Tam des temps modernes
disait-on d’elle. Ce ne fut qu’une triste illusion, car quelques décennies après, la télévision contribua plus au cloisonnement des sociétés, quelle ne les rapprocha.
Ce n’est pas la recherche du succès facile et éphémère des auteurs auto édités qui inquiète, c’est là, somme toute une espérance  bien humaine. Ce qui fait peur c’est que l’autoédition ressemble aux réseaux sociaux, c’est-à-dire un spectacle pas toujours réjouissant ni du reste glorieux. Ce qui terrorise, est qu’elle contribue comme la télévision, plus à la séparation des sociétés qu’à leur rapprochement.
Après toutes ces années que reste-t-il de mes lectures. Je lis un Conan Doyle ou un Exbrayat  avec plaisir. Je lis ces œuvres  par attachement et affection.  Je ne lis pratiquement plus  les œuvres dite littéraires. Et quand c’est le cas c’est par contrainte ou nécessité. Mais j’ai également envie de lire un photo-roman d’amour des années soixante ou une bande dessinée de Pim Pam Poum. Pourtant je ne le fais pas, car j’ai peur que l’un ne fasse plus chavirer mon cœur et l’autre ne plus me faire rire aux éclats. Car si c’était le cas cela me ferait mal et même très mal.


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