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Les Etoiles s’éteignent à l’aube

Publié le 07 décembre 2018 par Adtraviata

Les Etoiles s’éteignent à l’aube

Présentation de l’éditeur :

Lorsque Franklin Starlight, âgé de seize ans, est appelé au chevet de son père Eldon, il découvre un homme détruit par des années d’alcoolisme. Eldon sent sa fin proche et demande à son fils de l’accompagner jusqu’à la montagne pour y être enterré comme un guerrier. S’ensuit un rude voyage à travers l’arrière-pays magnifique et sauvage de la Colombie britannique, mais aussi un saisissant périple à la rencontre du passé et des origines indiennes des deux hommes. Eldon raconte à Frank les moments sombres de sa vie aussi bien que les périodes de joie et d’espoir, et lui parle des sacrifices qu’il a concédés au nom de l’amour. Il fait ainsi découvrir à son fils un monde que le garçon n’avait jamais vu, une histoire qu’il n’avait jamais entendue.

Les Etoiles s’éteignent à l’aube est un récit de passage, un double passage : celui d’un très jeune homme qui n’a jamais connu sa mère,  élevé par un vieil homme qui n’est pas son père parce que le vrai père est plutôt aux abonnés absents – passage à l’âge adulte de Franklin qui ne le deviendrait pas pleinement si son père ne lui révélait pas l’histoire de ses origines ; passage d’un homme vers la mort, Eldon, ravagé par l’alcool et qui, même s’il n’a jamais été proche de la nature, veut être enterré dans la montagne comme ses ancêtres ojibwés.

Qui dit récit initiatique dit aussi parole, transmission et celle-ci est à la fois douloureuse et libératrice pour le père et le fils : le premier n’a jamais su exprimer ses émotions, ses sentiments et a noyé ses doutes, sa colère, son silence dans l’alcool, le second est naturellement taiseux, attitude renforcée par sa déjà longue proximité avec la nature. Il y aura de la douleur, de l’inconfort, mais aussi de l’attention, de la dignité et de l’apaisement dans ces mots transmis entre père et fils.

Une grande place est accordée à la nature évidemment : forêts, rivières, animaux, voûte céleste étoilée, traces, chasse et pêche respectueuses, écoute, observation, partage des fruits du travail, un art de vivre que le vieil homme a transmis au jeune Frank et qui va lui permettre sans doute de garder son équilibre intérieur face aux révélations de son père et à l’agonie de celui-ci. (C’est cela aussi sans doute – avec le bon sens instinctif du jeune homme – qui m’a permis de m’accrocher à ce beau roman car le thème de l’alcoolisme est un thème assez rédhibitoire pour moi).

Richard Wagamese est malheureusement décédé assez jeune en 2017, à l’âge de 61 ans. J’espère que d’autres romans que celui-ci et Jeu blanc seront traduits en français.

« Il entendait les symphonies du vent sur les crêtes, et les cris stridents des faucons et des aigles étaient pour lui des arias ; le grognement des grizzlys et le hurlement perçant d’un loup contrastait avec l’œil impassible de la lune. Il était indien. Le vieil homme lui avait dit que c’était sa nature et il l’avait toujours cru. Sa vie c’était d’être seul à cheval, de tailler des cabanes dans les épicéas, de faire des feux dans la nuit, de respirer l’air des montagnes, suave et pur comme l’eau de source, et d’emprunter des pistes trop obscures pour y voir, qu’il avait appris à remonter jusqu’à des lieux que seuls les couguars les marmottes et les aigles connaissaient. » (p. 11)

« Pour le garçon, le vrai monde c’était un espace de liberté calme et ouvert, avant qu’il apprenne à l’appeler prévisible et reconnaissable. Pour lui, c’était oublier écoles, règles, distractions et être capable de se concentrer, d’apprendre et de voir.  Dire qu’il l’aimait, était alors un mot qui le dépassait, mais il finit par en éprouver la sensation. C’était ouvrir les yeux sur un petit matin brumeux pour voir le soleil comme une tache orange pâle au-dessus de la dentelure des arbres et avoir le goût d’une pluie imminente dans la bouche, sentir des odeurs du Camp Coffee, des cordes de la poudre et des chevaux. C’était sentir la terre sous son dos quand il dormait et cette chaleureuse promesse humide qui s’élevait partout. C’était sentir tes poils se hérisser lentement à l’arrière de ton cou quand un ours se trouvait à quelques mètres dans les bois et avoir un noeud dans la gorge quand un aigle fusait soudain d’un arbre. C’était aussi la sensation de l’eau qui jaillit d’une source de montagne. Aspergée sur ton visage comme un éclair glacé. Le vieil homme lui avait fait découvrir tout cela. » (p. 43)

« – Jimmy disait tout le temps que nous étions un Grand Mystère. Tout. Il disait que les choses qu’ils faisaient, ces Indiens d’autrefois, c’était rien d’autre que d’apprendre à vivre avec ce mystère. Pas le résoudre, pas s’y attaquer, pas même chercher à le deviner. Juste être avec. J’crois que j’aurais aimé apprendre le secret qui permet de faire ça. » (p. 173)

Richard WAGAMESE, Les Etoiles s’éteignent à l’aube, traduit de l’anglais (Canada) par Christine Raguet, Editions Zoé, 2016

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