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L'usage délicat des croyances

Par Marc Gauthier

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Le sujet des croyances est très vaste à explorer. Il n’est qu’à voir l’imposante littérature développée sur ce thème pour s’en convaincre. Et je ne parle pas ici des croyances religieuses, mais seulement de celles dont les livres emplissent les rayons « développement personnel » de nos librairies. Les deux ont des similarités fortes évidemment, mais la première relève me semble-t-il d’abord de la foi, qui est un autre sujet. Le type de croyance qui m’intéresse ici est celui du deuxième type : est une croyance toute inclination de notre esprit de nature à influencer notre comportement (ou nos pensées pourrait-on ajouter, mais dans cela à mon sens revient au même, puisque nos pensées trouvent toujours un relai dans nos comportement). Il s’agit donc de nos valeurs, et aussi de nos préjugés.

Nos croyances se forment au fur et à mesure des expériences que nous vivons, selon les émotions que nous ressentons alors. Nous rattachons alors ces émotions à ces expériences. C’est ce mécanisme qui constitue la plus grande part sans doute de notre apprentissage de la vie. Lorsque nous sommes bébé par exemple, nous apprenons que lorsque nos parents nous tiennent dans leurs bras, nous sommes heureux, alors que leur absence prolongée nous est douloureux. Les répercussions de ces expériences d’enfances, en particulier celles de la très petites enfance, sont immenses je crois (et les livres qui en parlent sont très nombreux). Un enfant qui n’aura pas reçu de tendresse et n’aura pas été pris dans les bras par ses parents étant petit pourra ainsi former le raisonnement suivant : « lorsque je pleure, ou même en temps normal, personne ne vient à mon aide et personne ne s’intéresse à moi », d’où découle plus tard la croyance : « dans la vie, on ne peut compter que sur soi-même ! », croyance qui va influencer lourdement nos comportements : tendance à s’isoler, méfiance envers les gens et le monde en général, pensées négatives sur ce que l’on peut attendre de la vie, etc.

A contrario, un bébé qui recevra l’affection et l’amour de ses parents grandira avec des émotions positives et une plus grande confiance en lui et en ce que le monde extérieur peut lui apporter. Cela lui paraîtra normal d’être protégé par ceux qui sont à la place de le faire, d’oser affirmer ses convictions devant les autres, etc. Dans Le cri primal, Arthur Janov, découvreur de la thérapie primale, explique même qu’une personne qui aura reçu l’amour de ses parents lorsqu’il était bébé, l’aura intégré à son expérience personnelle comme un élément tellement normal et naturel qu’il ne se posera même pas la question de savoir ce qu’est l’amour ou encore comment l’obtenir. Un enfant grandissant dans un tel climat aimant ne se poserait pas plus de questions existentielles, avance-t-il. Pas besoin de s’inquiéter de la vie et de ce qu’elle apporte lorsque nos croyances nous amènent à considérer naturellement, instinctivement je dirais même, que le bonheur va de soi.

Dans L’homme qui voulait être heureux, un livre très apaisant que je recommande, Laurent Gounelle présente plusieurs aspects de l’influence de nos croyances sur nos comportements. Il note en particulier que celles-ci nous font progressivement transformer la réalité conformément à ce que nous croyons qu’elle est. Par exemple, quelqu’un dont la croyance sera que le monde d’une manière générale lui est hostile, qu’il faut se méfier des gens et de ce qui nous entoure, par son comportement, va effectivement pour partie transformer son environnement proche et le faire devenir ce qu’il croit qu’il est.

Un exemple pourra éclairer ce point.

Si je crois que le monde autour de moi me menace et que je dois m’en méfier, comment vais-je me comporter ? Et bien je vais avoir une attitude défiante vis-à-vis des gens, je me mettrais probablement plus en retrait lorsque des groupes se formeront, je ne dirais pas tout de peur qu’on l’utilise contre moi, etc. Comment les gens vont-ils réagir à ce comportement ? Et bien ils vont percevoir cette méfiance que j’ai vis-à-vis d’eux, se dire que je ne suis pas franc avec eux, pas ouvert, bref ils vont ressentir eux aussi de la méfiance en retour. Et ce qui est terrible, c’est qu’avec mon schéma de pensée je me dirais alors : « leur comportement vis-à-vis de moi est bien la preuve que j’ai raison ! » Ma croyance s’auto-alimente ainsi et renforce des comportements négatifs.

Au contraire, si je vis en percevant le monde de façon positive, je serais naturellement ouvert aux autres, confiant dans mes relations. Les autres le ressentiront et seront donc à l’aise pour s’ouvrir à moi en retour et me donner leur confiance. Là aussi la croyance s’auto-alimente, mais de façon positive.

Susan Jeffers, dans son livre « Tremblez mais osez » raconte une expérience menée fréquemment avec ses groupes de thérapie. Elle sélectionne parmi les personnes présentes un homme plutôt fort pour faire l’expérience. Elle lui demande de se tenir droit et de lever le bras devant lui et de le maintenir ainsi fermement. Il faut préciser que Susan Jeffers est une femme normale, pas bodybuildeuse pour un sou, et que sa force naturelle est bien inférieure à celle de ces hommes qu’elle sélectionne pour leurs muscles. Elle leur demande alternativement de se répéter dans leur tête d’abord qu’ils sont forts, puis qu’ils sont faibles. Après quelques instants où l’homme s’est répété « je suis fort, je suis fort », Susan Jeffers tente de leur faire abaisser le bras. En s’aidant du sien. Elle pousse, appuie, insiste. Mais rien n’y fait. Ils restent de marbre. Mais lorsque dans la deuxième phase de l’exercice elle intervient après qu’ils se soient répété en eux « je suis faible, je suis faible », miracle, elle parvient à leur faire abaisser le bras. Ce résultat est tout de même marquant, d’autant plus qu’elle rapporte dans son livre qu’il est systématique et qu’elle n’a pas observé d’exception. Pour corser l’affaire elle propose même de sortir de la pièce lorsque l’homme se répète son mantra, sans qu’elle sache celui qu’il choisit, pour faire en sorte aussi qu’on ne croit pas qu’elle effectue un effort différent dans un cas et dans l’autre. Et quand elle revient pour faire baisser le bras du costaud, invariablement si elle y arrive c’est qu’il s’est répété qu’il était faible, et si elle n’y arrive pas c’est qu’il s’est répété qu’il était fort.

Mais l’impact des croyances va encore plus loin. Non seulement nos croyances peuvent influencer notre environnement extérieur en le transformant en ce que nous croyons au départ qu’il est, mais elles peuvent même changer les personnes elles-mêmes ! Toujours dans L’homme qui voulait être heureux, Laurent Gounelle relate une expérience menée auprès d’élèves qui avait tous le même QI. Ceux-ci ont été séparés en deux groupes, et présentés différemment auprès du même professeur qui devait les suivre pendant une année scolaire complète. Lorsqu’on amena à ce professeur les élèves du premier groupe, on lui indiqua pour information, que ces élèves étaient plus intelligents que la moyenne. Mais inversement, lorsqu’on lui présenta les élèves du second groupe, on lui indiqua que ceux-ci présentaient un QI inférieur à la moyenne. A la fin de l’année scolaire, les élèves des deux groupes firent à nouveau un test de QI, et on constata que les élèves du premier groupe avaient vu leur QI augmenter, alors que ceux du second groupe avaient un QI en baisse.

Autre exemple encore, et qui va lui aussi encore plus loin si l’on y songe bien (décidemment jusqu’où nous emmène-t-il vous dites-vous alors que le suspens est franchement à son comble ?) : les placebos. Lorsqu’un médicament est fabriqué, pour démontrer son efficacité, il est nécessaire de réaliser des tests cliniques dont l’objectif est de détecter une efficacité notable du médicament par rapport notamment à un placebo. Si l’effet du médicament est effectivement supérieur à celui du placebo, alors son efficacité est prouvée. Cela permet parallèlement de constater l’effet des placebos, et l’impact qu’ils peuvent avoir sur la guérison de personnes dont les maladies sont parfaitement réelles. Globalement aujourd’hui, on considère que le taux d’efficacité des placebos se situe autour de 30%. C’est ce que j’ai lu dans le livre de Laurent Gounelle, mais on peut retrouver ce chiffre également chez d’autres sources (http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/pharmaco/placebo.htm).

Il faut comprendre que puisque les placebos ne sont pas des molécules actives, ce qui intervient le plus dans leur efficacité est la croyance du malade qui l’ingère quant-à son efficacité. Ainsi donc, dans 30% des cas, le seul fait de croire qu’une substance peut nous guérir, alors que celle-ci est parfaitement neutre, suffit à nous faire effectivement guérir. Si l’on y songe bien ce chiffre est tout de même étonnant, surtout si l’on considère que les maladies qui sont parfois guéries ainsi ne sont pas que de simples rhumes mais sont parfois des maladies lourdes comme le cancer.

Nos croyances donc peuvent nous servir positivement pour influer sur nos vies. En développant des croyances positives, que ce soit sur nous-mêmes, sur nos capacités, sur les autres et d’une manière générale l’environnement qui nous entoure, nous pouvons nous donner de meilleures chances d’être heureux. Cependant, les croyances peuvent aussi être un élément de fragilité lorsqu’


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