Magazine Cinéma
«Seul le crime nous a réunis», tel est le point de départ du film de Hirokazu Kore-eda qui a remporté la Palme d'Or pour cette fable dénonçant les failles de la société japonaise. Ce cri d'alarme se révèle aussi un magnifique plaidoyer pour témoigner de l'indéfectible besoin d'amour et de tendresse de l'être humain qu'il soit moral ou amoral. Mais point de grands sentiments dans ces premières images du film. Déconcertés, et même rebutés par une cellule familiale dont on ne comprend guère les liens de parenté, nous assistons à des scènes intimistes dans une sorte de cabane où cohabitent 5 personnes dans le désordre et la précarité. On y survit grâce à des magouilles, des rapines, des mensonges.
La confusion fait très vite place à la tendresse; la famille a recueilli une petit fille maltraitée, affamée et laissée à l'abandon. Yuri va attendrir chacun et leur faire ressentir le besoin de se serrer mutuellement les coudes, d'abord pour se protéger car ils vivent sous la menace d'une dénonciation d'enlèvement mais aussi par ce que l'amour pour Yuri leur rend une vulnérabilité aux sentiments qui avait été émoussée par la dureté de leurs conditions de vie: le père accidenté du travail n'est pas indemnisé pendant son arrêt maladie, la mère blanchisseuse est licenciée, sa jeune sœur de 15 ans travaille dans un peep-show...
Le jeune ado Shota, non-scolarisé, «dressé» à voler, devient malgré lui au centre de la narration. S'il accepte finalement d'appeler Yuri «Petite sœur», on commence à s'interroger quand il accepte aussi d'appeler le père «Papa». Le scénario ensuite s'emballe et surtout nous submerge d'émotions, jusqu'à la toute dernière image.