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Fleuves : entre danses et traditions bretonnes

Publié le 16 décembre 2018 par Efflorescenceculturelle
Fleuves : entre danses et traditions bretonnes

S'il y a des ritournelles qui restent en tête après cette 40e édition des Trans Musicales de Rennes, ce sont celles du groupe Fleuves. Le moteur de leur musique : un lien étroit entre danses et traditions.

Émilien Robic (clarinette), Romain Dubois (claviers) et Samson Dayou (basse) forment Fleuves en 2013. Avec leur jazz nappé de clarinette et de subtiles teintes électro, le groupe allie habilement art du fest-noz et touche personnelle. En résulte des sonorités atypiques dévoilées en 2016 sur l'album éponyme Fleuves, sorti chez Coop Breizh. En concert à l'Étage de Rennes lors des 40 èmes Rencontres des Trans Musicales, Émilien et Romain se confient sur cette approche singulière à revisiter une musique à la fois proche du cœur et loin des oreilles.

Efflorescence Culturelle : Vous venez tous les trois d'horizons musicaux différents. Comment harmoniser ces divergences pour en faire une identité ?

Romain Dubois : Le point commun, et ce qui nous lie tous les trois, c'est la danse. On travaille beaucoup avec elle comme moyen de communication entre nous et ce qu'elle permet de nous dire.

Émilien Robic : Premièrement on cherche à faire danser les bretons sur une musique issu de ce terroir. Il faut aussi qu'il y ait une ouverture absolue. On ne doit pas se fermer de portes en étant trop précis. Là où il faut l'être en revanche, c'est sur la danse.

R.D : on est conscient d'une image assez " cliché " de la danse bretonne et de ce qu'elle reflète. Donc cela nous permet de réfléchir plus amplement ensemble sur ce que cela implique.

Cela passe par quoi ? Des concertations communes ? Ou une réflexion propre à chacun ?

É.R : C'est un peu de tout au final. Romain par exemple s'est basé sur ce qu'il ressentait en regardant des danses bretonnes. " Voilà ce qu'il se passe à tel moment, il y a ça à faire par-dessus, je vois telle sonorité, écoute. "

R.D : C'est vrai. Je ne suis pas du tout issu de ce milieu traditionnel, de cette culture bretonne à la base. Mais quand on commence à composer sur la danse, on devient musicien breton, là est tout le lien selon moi. J'ai essayé de comprendre en fait, de voir ce qui la constitue, ce qui l'agence. Tout ça en totale lien avec Émilien et ses retours. C'est là où il y a une volonté de décortiquer la musique folklorique, ses traditions. De dépasser les clichés qui l'entourent.

Comment on les perçoit justement ces " clichés " et codes sociaux que vous évoquez ?

R.D : Eh bien je me suis bougé dans les festnoz. J'ai fouillé, creusé, analysé...

Comment un travail de chercheur en somme.

R.D : C'est ça oui.

É.R : Tu peux aussi le faire avec un regard de simple curieux, avec une envie de découvrir et de s'approprier les choses.

R.D : Je suis de Renens à la base. Je me rends compte que je ne connais pas du tout cette culture locale, qui est tout à fait proche de nous. Il y a juste à faire quelques kilomètres et tendre les oreilles.

Il y a une part de numérique dans vos morceaux, notamment sur Hanter Dro. Comment faites-vous en sorte que cela ne prenne pas trop le pas sur cet aspect " traditionnel " que vous évoquez ?

R.D : Là est justement toute la complexité. Il faut toujours percevoir des micros détails qui vont entrer en compte sur l'ordinateur. Cela passe par de minuscules mélodies à peine perceptibles et, tout simplement, une approche subjective à un moment donné. C'est tout cela qui est assez fin à retrouver.

É.R : Romain connaît mieux tout cela. Il nous permet d'aller plus loin dans cette approche que tu énonce. Moi j'ai juste mon bagage de musique de Festnoz, et donc une meilleure appréhension de la manière dont le public va le percevoir. Je suis un peu un...

R.D : Un garde fou ?

É.R: Ouais voilà c'est ça ! Un " garde fou " qui quand il voit que cela va trop loin dans ce détachement de l'esprit traditionnel, ce sera mal accueilli.

R.D : En fait on garde toujours en tête qu'on joue pour les gens, pas que pour nous. Le propre du travail est encore une fois de faire cela pour la danse. C'est le public que l'on prend en compte. On est au service des danseurs, donc le public est redevable des musiciens, et non l'inverse. On va puiser notre énergie et nos sonorités de ce qu'eux dégagent. Le danseur est directement acteur de notre musique. C'est même arrivé que les danseurs nous doublent ! Que l'on s'efface totalement au profit de ce qu'eux font et pas nous.

Qu'est-ce que l'on se dit à ce moment là ?

R.D: Ben pas grands chose, puisque que l'on entend plus rien ! Je me souviens d'un moment où l'on ne s'entendait tout simplement plus par ce que les danseurs faisaient plus de bruit que nous ! Ce qui n'existe nulle part ailleurs je pense. C'est tout cet aspect qui nous intéresse.

" C'est tout le rapport entre origine
et originalité que l'on souhaite questionner "
- Romain Dubois, claviste de Fleuves.
Vous avez un album en préparation pour 2019. Est-ce qu'il y a une volonté de s'affranchir de cette tradition, ou on peut espérer entrevoir de nouvelles expérimentations ?

R.D : L'idée est de garder cette contrainte de la danse en fil rouge. Mais on souhaite la pousser assez loin pour qu'elle ne ressemble plus à de la musique bretonne. C'est tout le rapport entre origine et originalité que l'on souhaite questionner. La grosse contrainte étant que cela continue de passer par le public. Il va de 7 à 77 ans, même plus ! Et tout ce que l'on souhaite, c'est continuer de parler avec ces gens là.

É.R : Une partie du public qui vient nous voir ce soir est un public de fest-noz, on les connaît bien. On pense toujours à eux en premier lieu.

R.D : Mais il y a aussi des gens qui n'y connaissent rien ! Il y a peut être des liens historiques, mais on se demande si ce n'est pas refoulé. Il y a une proximité locale à creuser, de " consommer local " en gros.

É.R : Et c'est là qu'on a un garant fort d'identité. Le public cherche juste selon nous à payer sa place pour aller boire un coup et passer un bon moment. C'est un échange spontané en somme.

R.D : On a voulu se questionner pour les Trans : comment ouvrir le champ d'écoute et définir ce qu'on peut entendre par le terme " populaire " ? Qu'est-ce qui défini les communautés d'écoute et comment les rapprocher en gros. En jouant aux Trans, on espère que cela permettra de donner des éléments de réponse.

Est-ce que vous pourriez pousser cette vision des choses hors des terres bretonnes ?

R.D : Il faut savoir qu'on ne joue quasiment jamais à Rennes. Mais par contre, on nous a déjà proposé d'aller jouer en Chine, en Irlande, aux Émirats Arabes Unis, à Nouméa, en Allemagne aussi... Donc c'est une musique comme une vision des choses qui ne doit pas avoir de frontières.

É.R : Ce qui serait super, ce serait de faire danser n'importe quel public partout dans le monde. Mais on n'en a pas non plus la prétention. Est-ce que c'est réellement utile d'aller à l'autre bout du monde pour faire cela ? Il se passe des choses si intense proche de chez nous, que ce n'est pas la peine de voyager.

Le prochain album de Fleuves est attendu pour le printemps 2019. Il ne fait aucun doute que le groupe prendra son envol.


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