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Jorge Luis Borges – Nuages

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Pas une chose au monde qui ne soit
Nuage. Nuages, les cathédrales,
pierre imposante et bibliques verrières,
qu’aplanira le temps. Nuage l’Odyssée,
mouvante, comme la mer, neuve
toujours quand nous l’ouvrons. Le reflet
de ta face est un autre, déjà, dans le miroir
et le jour, un labyrinthe impalpable.
Nous sommes ceux qui partent. Le nuage
nombreux qui s’efface au couchant
est notre nuage. Telle rose
en devient une autre, indéfiniment.
Tu es nuage, tu es mer, tu es oubli.
Tu es aussi ce que tu as perdu.

*

Nubes

No habrá una sola cosa que no sea
una nube. Lo son las catedrales
de vasta piedra y bíblicos cristales
que el tiempo allanará. Lo es la Odisea,
que cambia como el mar. Algo hay distinto
cada vez que la abrimos. El reflejo
de tu cara ya es otro en el espejo
y el día es un dudoso laberinto.
Somos los que se van. La numerosa
nube que se deshace en el poniente
es nuestra imagen. Incesantemente
la rosa se convierte en otra rosa.
Eres nube, eres mar, eres olvido.
Eres también aquello que has perdido.

*

Clouds

There is nothing that is not essentially
a cloud. Cathedrals reared of massive stone
and biblical stained glass time will throw down
are clouds. And so too is the Odyssey,
which changes like the ocean: something different
each time we open it. Your aging face
is now a different face in the looking glass,
and each day is a nebulous labyrinth.
We are the ones who drift away. The host
of evening clouds dispersing in the west
is our very image. Without pause or rest
the rose changes into another rose.
And you are cloud, ocean, oblivion’s mist.
And you are also all that you have lost.

***

Jorge Luis Borges (1899-1986) – Los Conjurados (1985)Les Conjurés

(Gallimard, 1988) – Traduit de l’espagnol (Argentine) par Claude Esteban – Translated by Richard Barnes and Robert Mezey.


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