En 1986, encore jeune et vibrionnant, j'ai découvert le formidable Tim Buckley grâce au spicilège que vous pouvez admirer au beau milieu de cette photographie (à gauche c’est ma main gauche, à droite c'est un Matisse). Voilà un disque qui dégotté au débotté chez le diffuseur de produits culturels du coin aura mine de rien et quoique je puisse en dire ouvert mes oreilles de l'époque (qui étaient assez bouchées, il faut bien le dire). La texture de la pochette était toute bizarre, le carton plus dur que d'ordinaire, et le disque de vinyle était enveloppé dans une sorte de fourreau en celluloïd qui laissait s'échapper une électricité pour le moins statique. Tout cela était bien intrigant, la musique enregistrée sur le disque l'était tout autant. Des plaintes folk rock flottantes et énigmatiques, des trucs quasis élisabéthains et des machins pleins de vibraphones et frôlant le jazz compliqué. Bref écoutant tout ce toutim j'étais penaud, ravi par ma découverte et bien loin de Cabaret Voltaire, Throbbing Gristle et Bananarama (…)
Tiens pendant que je suis encore un peu là permettez moi de me souvenir du dernier disque de Tim Buckley : Look At The fool, De la variété morne loin des expériences et du caractère flottant de ses deux premières manières. Un drôle de gâchis, une inspiration rabougrie dans une mauvaise soul blanchie par trop de lavages successifs. Chose presque bouleversante, dans ce disque-là l'ami Buckley ne peut même plus se raccrocher à sa voix qui semble céder petit à petit et se résumer à la portion congrue, comme si le filtre sur lequel tout était basé n’agissait plus… triste fin.(...)
Ah oui ne m'en veuillez pas, mais je me souviens aussi du Tim Buckley, moins éthéré, moins aérien, plus dans la boue du charnel… du Tim Buckley découvrant qu’il a un corps et donc peut-être un sexe, c’est dans l’album de 1972 Greetings From LA. Dedans il faut surtout écouter un titre : Nighthawkin, une colline de stupre inspirée.