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Prendre la plume et inventer une histoire, commencer par la première phrase; tout de suite un paysage se dessine dans mes yeux, c'est la lumière d'une fin d'après-midi et nous roulions à vélo, ne pensions qu'à la vitesse et au vent; les bateaux et la rivière étaient à nous, la vie était infinie, le temps éternel.
Alors, je me disais que je ne voulais pas grandir, pourquoi la journée devrait-elle finir, tout était parfait; je n'avais ni regrets ni soupirs, je n'avais que la joie d'être présent et bondissant, le matin déjà me paraissait une contrée lointaine, je ne m'en souciais guère, la seule chose qui comptait c'était le plaisir d'aller vite et d'ouvrir grand le regard, d'ouvrir grand mon âme et de comprendre le monde qui m'entourait, le comprendre dans son absolue immédiateté, sublime et farouche, il était là en trois dimensions, et il n'était que cela, nu et vital, il m'offrait la simplicité de l'image première, l'image essentielle, l'image sans fard.
Les copains et moi on roulait à vélo, en équilibre, on n'avait peur de rien, on respirait et on criait, et on ne se posait pas de questions.