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Une année 2018

Publié le 31 décembre 2018 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

2018 aura été, comme 2014, une année d’émotions contradictoires. Et qui dit émotions contradictoires dit année d’écriture sur la musique assez pauvre.

Il faut dire qu’en 2018, comme en 2014, ont succédé un à projet assez dément – l’enregistrement de mon premier album – deux « drames » personnels. J’ai donc davantage écouté de la musique qu’écrit dessus. Ca m’a beaucoup aidé pour réfléchir au son que je voulais pour mon projet – qui reste extrêmement minimaliste –, mais aussi à me sortir des émotions négatives qui m’animent depuis juin.

2018 aura aussi été marqué par le peu de découvertes musicales – mis à part Greta Van Fleet, Vald et Aya Nakamura – et par un univers culturel s’appuyant sur des acquis – Star Wars et Bohemian Rhapsody au cinéma, Eco, Sattouf, Le Goff et Barthélémy en littérature… Bref, je deviens très chiante culturellement à 35 ans, preuve que j’ai largement dépassé l’âge adulte en termes de goûts. Malgré tout, le retour de certaines valeurs sûres dans mes oreilles comme dans mes lectures m’ont permis de ne pas péter complètement les plombs cette année.

Je vais donc reprendre une vieille formule pour faire mon bilan de l’année 2018.

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Janvier

En bref : Nous déplorons le décès de France Gall (le 7 janvier – 70 ans), Edwyn Hawkins (15 janvier – 74 ans) et Dolorès O’Riordan (46 ans – 15 janvier), ainsi que la longue déliquescence d’Eric Dieu Clapton, atteint de surdité et de neuropathie périphérique qui affecte son jeu à la guitare (No shit, Sherlock, en témoigne le désastreux I Still Do). Sinon, je m’éclate sur le Master Of Puppets qui m’a été offert à Noël par le cher et tendre et l’intégrale Michel Polnareff qu’il s’est offert. Force est de constater que redécouvrir Le Bal des Laze nettoyé de ses scories a été jubilatoire.

Petite explication : depuis 1973, il nous était parvenu un master ripé d’un master défectueux et le master original avait disparu. Ce qui fait qu’à deux endroits de la chanson – dans le solo et dans le 3e couplet –, l’auditeur avait l’impression que son support déconnait, alors que c’était la chanson qui était encodée de la sorte. Le nettoyage numérique de la chanson a pu permettre d’ « aplanir » ces scories de la bande. Nous nous sommes alors aperçus que la scorie du solo en était bien une, mais que la scorie du 3e couplet était en fait un pain de Polnareff à l’orgue qui a été maintenu sur la version finale. De la part d’un perfectionniste du son comme lui, cela nous avait beaucoup étonnés.

La chanson : Mark Knopfler – Postcards From Paraguay (Shangri-La, 2004)

A force d’écoutes intensives de Dire Straits, je me suis dit que je ne m’étais jamais intéressée à la carrière solo de Mark Knopfler. Je gueule sur les propositions aléatoires de Spotify que je trouve parfois fort peu à propos, mais j’avoue que j’ai été séduite quand cette chanson s’est glissée de manière facétieuse dans ma playlist. Que dire de cette chanson ? Que la voix burinée du bluesman anglais et son doigté évite qu’on prenne cette chanson pour une reprise de Ma liberté de penser de Florent Pagny ou qu’elle puisse être intégrée à l’album Charango de Yannick Noah. Preuve que le répertoire argentin/chilien/uruguayen/paraguayen n’est pas l’apanage des chanteurs français en exil fiscal.

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Février

En bref : Aucun point nécro, ni d’écoute d’album mémorable à signaler. Ambiance musicale entre les Rolling Stones, les Sparks et Elsö Emelet à la maison, ce qui équivaut à une certaine forme de routine qu’on reproche aux vieux couples. La seule blague du mois a consisté à ce que la saint Valentin tombe le même jour que le mercredi des Cendres et que l’ambiance sonore a navigué entre les chansons d’amour neuneu et les chansons d’amour de Dieu de la communauté de Taizé. Sinon, Doc Gynéco a tenté de revenir avec un album… comment dire… oubliable, où son flow s’est mêlé à de la musette. Avoue que ça sent le moisi.

Cette absence de sursaut musical durant ce mois de février 2018 m’a permis de faire une expérience musicale et littéraire. J’ai eu en effet à relire le roman d’été de Chloé Saffy, Soaring Blue. L’autrice a écrit ce roman en ayant en tête une bande-son assez électro-pop que je vous soumets ici (https://www.youtube.com/playlist?list=PLd888Fl-K2maEycfhUdkoTtmk–GumcIt), alors que j’ai eu l’impression de lire un autre roman à cause de ce que j’écoutais moi-même pendant la relecture. En effet, j’ai profité de la relecture pour me faire l’intégrale de Nick Drake. D’une histoire acidulée et formatée Cosmopolitan/Biba-compatible, j’ai plutôt ressenti la nostalgie et les atermoiements émotionnels que pouvait ressentir l’héroïne durant toutes ses péripéties. Deux salles, deux ambiances, mais un roman tout aussi bien écrit.

La chanson : Yoko Ono – Hard Times Are Over (Double Fantasy, 1980)

On peut « rigoler » sur le fait que ce soit la dernière chanson de Double Fantasy – quand on sait ce qui s’est passé, cela peut passer pour de l’ironie. Mais au vu de ce qu’a traversé le Mari en 2017 et ce qui s’est passé pour lui à partir du mois de mars, je pense que j’avais plutôt bien vu la fin de sa période difficile au 14 février. Bon, il se trouve que cette chanson est ensuite devenue un vœu pieu par la suite pour ma situation personnelle, mais je la poste comme un espoir fou auquel je me rattache.

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Mars

En bref : Mars est toujours l’occasion d’un #30DayMusicChallenge pour faire le compte à rebours jusqu’à ce vendredi saint improbable où j’ai dû porter le deuil du président Salengro pour mes 35 ans. Parmi mes pérégrinations, j’ai aussi fait la connaissance un  soir certain sur Arte de Ginger Baker, batteur de jazz/rock de renom assez cinglé pour tabasser au débotté le journaliste et assez culte pour servir de référence au groupe Smile (le proto-Queen) pour embaucher Roger Taylor. Le line up de ReS 2018 a été révélé, et entre PNL et Maklemore, l’Internet tout entier a crié au foutage de gueule. Enfin, j’ai eu la session karaoké la plus jouissive de ma vie à la Cantada : quel pied de chanter du Rammstein et du System Of A Down au lieu de Céline Dion <3.

La chanson : Michel Fugain et la Compagnie – Le chiffon rouge (Un jour d’été dans un havre de paix, 1977)

Cette chanson écrite par Maurice Vidalin m’était revenue en mémoire lors du 8 mars 2017 où j’ai manifesté avec mon orchestre en faveur de l’égalité hommes-femmes à Montfermeil. Même si c’est une chanson de revendication qui s’attache davantage à la condition ouvrière, je me la suis appropriée dans mes revendications féministes lorsque j’ai vu le T-Shirt qui avait été fabriqué pour l’occasion. J’ai donc décidé, en même temps que de conserver le t-shirt, d’ajouter cette chanson à ma playlist du 8 mars.

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Avril

En bref : Rose Laurens (30 avril – 64 ans) et surtout Jacques Higelin (6 avril – 77 ans) quittent la piste aux étoiles. C’est l’occasion pour Arthur H. de chanter une dernière fois son amour pour son père en narrant à nos oreilles son Passage, tel une mélopée où s’entremêlent le murmure du moribond et les gongs qui ponctuent le cheminement de l’âme quittant la sphère terrestre. C’est aussi l’occasion d’aller voir l’idole du Mari en concert à l’Olympia – cela ne ferait que la troisième fois qu’il assiste à un concert de Noel Gallagher en trois ans. Et ce concert a été animé, entre crise d’hystérie quand il entonne notre marche nuptiale, fans qui trollent en chantant Live Forever sporadiquement durant le concert – chanson interprétée par Liam lors de son passage au Zénith – et reprise d’All You Need Is Love qui se termine par un mash-up avec Love Life des Rutles.

La chanson : Tony Esposito – Kalimba De Luna (Il grande esploratore, 1984)

One hit stand du percussionniste italien Tony Esposito et du chanteur Gianluigi di Franco, il était d’abord inclus dans la compilation Un disco per l’estate avant d’intégrer l’album du percussionniste. Même si ce titre connut beaucoup de succès en Europe, c’est sa reprise en août de la même année par Boney M qui en a fait la postérité. Une version par Dalida, toujours enregistrée en 1984, est également disponible. Pourquoi ce choix de chanson ? Parce qu’elle tournait en rotation lourde sur Nostalgie en ce début de printemps et que j’avais la réminiscence de la version de Boney M.

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Mai

En bref : Claudine Luypaerts, dite Maurane (7 mai – 57 ans) nous dit adieu seulement quelques jours après avoir repris la scène suite à un souci de santé. Sinon, ce mois de mai signe la concrétisation du grand projet musical qui poireautait depuis 16 ans dans mon esprit/mon ordinateur/ma paroisse d’origine. Ce fut l’occasion de faire un certain bilan de ma vie, notamment de ma vie musicale. Où en suis-je après 30 ans de pratique ? J’ai composé la plupart de mes titres entre 20 et 28 ans, suis-je encore légitime de les chanter à 35 ans ? [SPOILER : oui.] Il a fallu que je me réconcilie avec ce que je suis devenue et surtout NE PAS HURLER pour faire de cet album ce que j’en rêvais. Sinon, en branchant ma radio, j’ai cru que Led Zeppelin avait sorti un nouvel opus. Mais non, ce n’est que Greta Van Fleet, un groupe de trois frères de Chicago qui a déjà été adoubé par Robert Plant et qui est clairement NOTRE sensation de 2018.

La chanson : Catherine Lara – La Rockeuse de diamants (La Rockeuse de diamants, 1983)

Si mon album est clairement orienté vers des sonorités folk, blues voire jazz, il fallait pour que j’enregistre m’entourer de sons pour me calmer (Ry Cooder – Paris Texas) ou pour me galvaniser, comme ce grand tube de la trop rare Catherine. Résultat : me prendre pour Catherine Lara en studio a fait qu’il m’a fallu du temps pour prendre la juste mesure de mon effet de voix qui a d’abord été criard.

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Juin

En bref : Yvette Horner (11 juin – 95 ans) s’est faite enterrer en robe Jean-Paul Gauthier (du moins, je suppose). Pour des questions de droits sur les textes, je dois jouer les prolongations en studio, ce qui me permet d’affiner deux-trois petites choses à laquelle je n’aurais pas pensé. Comme tous les étés, les associations demandent mon orchestre à prix d’or, je suis donc en tournée mondiale dans toute la petite couronne. Pour cause d’arrêt de travail, je me délecte des références musicales barrées que glisse Jean Teulé dans Entrez dans la danse. Enfin, pour cause de Coupe du monde, j’ai remplacé l’écoute de Oüi FM par l’écoute d’Europe 1 et RMC, d’où un apport peu prolifique en termes de musique.

La chanson : Tangerine Dream – Le Parc (Le Parc, 1985)

Parmi la prolifique production de ce groupe allemand multi-facettes en activité depuis 1967 – au point que son fondateur Edgar Froese (mort en 2015) a divisé la carrière du groupe en périodes dynamiques à l’instar de Pablo Picasso –, on retrouve cette production new-wave qui puise son inspiration dans divers parcs naturels au monde. Pourquoi nous sommes-nous extasiés spécifiquement sur cette composition ? C’est tout simplement parce qu’elle a été « remixée » pour donner le générique de Tonnerre mécanique (1985), que le Mari comme moi-même regardions sur la Cinq étant petits.

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Juillet

En bref : les chansons étant mises en boîte, il fallait préparer la sortie du disque. C’est donc tout un processus administratif qui prend corps et qui me mine un peu mes vacances. Qui dit presque vacances dit barbecues, coups dans les bars, pique-niques dans les parcs et par conséquent références musicales renouvelées, et qui dit route des vacances dit Nostalgie en rotation lourde. Pour ma part, mon début d’été a encore une fois été très brésilien et ça n’a pas été pour me déplaire. Par contre, pour une raison qui m’est inconnue, ma fin juillet a été rythmée par les génériques de La maison de Mickey, Tchoupi et autres Oui-Oui.

La chanson : Clara Nunes – Feira de Mangaio (Esperança, 1979)

Cette chanson a été écrite au début des années 1970 par le multi-instrumentiste Sivuca et son épouse Glorinha Gadelha, lors de leur séjour à New-York. L’autrice de la chanson raconte que la chanson lui est venue pendant un cours d’anglais et qu’elle s’est rendue au McDo du coin pour la finir. Il ne lui manquait qu’un(e) interprète pour en faire un classique de la musique forro, et c’est Clara Nunes, chanteuse et danseuse très populaire à l’époque qui l’enregistrera en premier lieu lors du retour du couple au Brésil.

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Août

En bref : Alors qu’Aretha Franklin (15 août –76 ans) rejoint d’autres cieux, je rejoins l’organisation du traditionnel festival dans mon village. Au menu de cette édition : Gilbert Montagné, Magic System et un tribute band de Boney M. Le fait que les Bleus aient gagné la Coupe du monde en reprenant Magic In The Air a permis un record de fréquentation assez conséquent. Et puis la rentrée, la reprise de l’écoute matinale de la radio et l’espérance que l’écoute massive de musique sud-américaine va arranger cette fin d’été.

La chanson : Vegedream – Ramenez la coupe à la maison (2018)

Alors oui, ça fait plaisir vingt ans après, mais était-ce nécessaire ?

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Septembre

En bref : Qui dit mois émotionnellement difficile pour cause de convalescence douloureuse ou de deuil dit comfort music. Ce sentiment est d’autant plus exacerbé que je suis en plein dans la finition de mon album et que je n’ai pas repris les sessions d’orchestre. Bref, un mois pas reposant. Point nécrologie : Rachid Taha nous quitte le 12 septembre, juste avant ses 60 ans.

La chanson : Dire Straits – Brothers In Arms (Brothers In Arms, 1985)

Speechless.

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Octobre

En bref : J’ai décidé de me lancer dans le défi #Inktober2018 en me donnant une autre contrainte que le mot annoncé : celui d’associer le mot annoncé à une chanson. Moi qui m’étais toujours dit que je dessinais comme une merde, je me suis surprise à prendre soin de ce que je dessinais et à en être satisfaite. Alors oui, je ne sais toujours pas dessiner avec des proportions parfaites, mais j’ai franchi une nouvelle étape de confiance en moi, et vu le contexte, ce n’est pas rien. Sinon, un géant musical d’1m60 nous quitte ce 1er octobre : Charles Aznavour tire sa révérence à 94 ans.

La chanson : Killing Joke – Love Like Blood (Night Time, 1985)

Au détour du mariage d’un ami, le Mari a dansé comme jamais sur cette chanson qui lui rappelle ce qu’il aime tant dans la musique britannique des années 1980. Issu du 5e album du groupe, ce single marque un tournant propret et commercial de ce groupe oscillant entre new wave et post punk qui mettait en avant les guitares lourdes avant de se faire produire correctement comme ici.

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Novembre

En bref : À la maison, il y a deux éléments d’impatience : le film Bohemian Rhapsody et la réédition de l’album blanc des Beatles avec les démos d’Esher enfin promises. En attendant, le Mari calme son impatience en achetant compulsivement tout Greta Van Fleet et A Kind Of Magic. Tandis que moi, alors que l’ambiance générale de ma fin d’année ne s’y prêtait pas du tout, j’ai décidé de faire tourner mes hits de Noël très tôt, à base de Graeme Allwright, Dean Martin, Chuck Billy et Fedor Moussorgski. L’album blanc étant arrivé en fin de mois, nous nous sommes jetés sur les démos d’Esher comme la vérole sur le bas-clergé. Conclusion : si le Mari n’a pas reconnu certains morceaux du fait d’un mix différents de certaines parties instrumentales, nous saluons le travail de nettoyage de Giles Martin qui a fait de ces séances de travail des petits bijoux de musique acoustique.

La chanson : Clara Luciani – La grenade (Sainte-Victoire, 2018)

La jeune fille de Martigues a commencé en collaborant avec la Femme sur Psycho Tropical Berlin (2013). Mais sa carrière en solo débute en 2017, quand elle fait la première partie de Benjamin Biolay et enregistre avec Ambroise Willaume (Revolver, SAGE) et Benjamin Lebeau (The Shoes) son EP Monstre d’amour. Sainte-Victoire est sorti au mois d’avril et La grenade a été en rotation très lourde sur Oüi durant cette deuxième moitié de 2018.

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Décembre

En bref : Organiser un karaoké au mois de décembre, c’est avoir l’assurance qu’on te réclame Mariah Carey dans ta playlist. J’ai cru y échapper, mais la vie est une pute borgne qui vous soufflette d’un revers de sa main gantée de lambeaux de cuir bon marché. En bons fans de Queen, nous avons ENFIN vu Bohemian Rhapsody. Si je reste philosophe par rapport à la doxa qui entoure les préjugés des gens sur Freddie Mercury, j’ai fait face à la colère du Mari qui ne supporte pas qu’une œuvre de fiction puisse prendre des libertés chronologiques ou factuelles. Enfin, Noyel est arrivé et si je n’ai pas reçu de petites nouveautés discographiques – malgré ma circonspection à l’ouverture d’un paquet contenant Mon pays, c’est l’amour de Johnny Hallyday qui était en fait destiné à ma sœur –, notre discothèque s’enrichit d’un best of Creedence Clearwater Revival, du Dark Side Of The Moon de Pink Floyd pour les soirées déconne et En amont d’Alain Bashung pour les soirées tristes.

La chanson : John Francis Wade – Peuple fidèle/Adeste fideles (1743)

Si la musique n’est pas attribuée au compositeur anglais réfugié à Douai – diverses origines musicales remontant au XVIIe siècle sont accolées sans aucune certitude –, c’est lui qui en a fixé les paroles latines. Les paroles françaises varient selon les obédiences, catholiques ou protestantes, et ont été fixées entre le début et le milieu du XIXe siècle. Toujours est-il qu’après des années de service à la paroisse, je sais que ce ne sera pas Noël si tu n’as pas le combo Douce nuit/Les anges dans nos campagnes/Peuple fidèle/Il est né, le divin enfant durant la messe de minuit.

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Joyeuse année 2019. Qu’elle soit prospère malgré les difficultés et musicale à souhait.


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