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Wendell Berry – L’année se fait plus douce…

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Wendell Berry – L’année se fait plus douce…L’année se fait plus douce et, libéré
du travail, je gravis de nouveau
la pente où les vieux arbres sont en attente
depuis un temps immémorial. J’entends
les voitures en bas sur la route,
les moteurs là-haut au-dessus de moi.
Et puis un calme s’installe,
une fissure dans le temps, silence
du métal mis en branle par le feu ;
l’air se remplit de petites voix,
mésanges bleues et noires
qui mangent à la cime des arbres
parmi les petites feuilles nouvelles,
rappelant à l’esprit
la grâce des détails,
l’économie dominicale
en qui toute pensée est un chant,
tout travail une danse.
Le monde s’établit dans le repos,
dans une aisance solennelle.
J’entends l’ancien refrain
qui en sourdine est créateur de monde,
chanté par le torrent dans sa chute.
Là où un rondin qui pourrit
a ralenti le flot : un banc
de terre sombre, à plat
au-dessus de la pierre éboulée.
Des racines l’ont maintenu en place.
Il y demeurera un temps.
Ce qui le maintient là pourrit.
Une fécondité venue d’en-haut,
précipitée là, s’y maintient et tien bon
un temps dans le courant.
Tiges et feuilles y poussent.
Au risque de la mort, cela possède
une vie. Ainsi la chute est fondatrice,
la décréation crée le monde.

*

The year relents, and free
Of work, I climb again
To where the old trees wait,
Time out of mind. I hear
Traffic down on the road,
Engines high overhead.
And then a quiet comes,
A cleft in time, silence
Of metal moved by fire;
The air holds little voices,
Titmice and chickadees,
Feeding through the treetops
Among the new small leaves,
Calling again to mind
The grace of circumstance,
Sabbath economy
In which all thought is song,
All labor is a dance.
The world is made at rest,
In ease of gravity.
I hear the ancient theme
In low world-shaping song
Sung by the falling stream.
Here where a rotting log
Has slowed the flow: a shelf
Of dark soil, level laid
Above the tumbled stone.
Roots fasten it in place.
It will be here a while;
What holds it here decays.
A richness from above,
Brought down, is held, and holds
A little while in flow.
Stem and leaf grow from it.
At cost of death, it has
A life. Thus falling founds,
Unmaking makes the world.

***

Wendell Berry (né en 1934 à à Henry County, Kentucky)This Day: Sabbath Poems Collected and New 1979-2013

(Counterpoint, 2013) – Nul lieu n’est meilleur que le monde
(Arfuyen, 2018)
– Traduit de l’américain par Claude Dandréa.

Découvert ici


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