"à mon père"
J’ai soif. J’ai froid. Mais je n’ai pas le droit de le crier sur tous les toits.C’est une loi… orale et non écrite, morale mais qui ne tient pas à ce que je l’ébruite…
La loi secrète ou muette de ma ch'tite famine… Elle ne veut surtout pas déranger en disant qu’elle n’a rien à manger…
Je ne me vois pas assimiler ma faim à la fin du monde… parce qu’il y a dans ce bas monde encore plus immonde : l’État de celui qui ne sait toujours pas ce que c’est que la faim. Il nous offre du vin pour nous dispenser de pain.
Mais il n’a pas encore saisi, ni compris notre véritable demande. Il ne mérite plus d’être aux commandes.
Tous ceux qui le contestent, le manifestent encore aujourd’hui… encore un samedi…
Et même si je me déteste en gilet jaune, la rue me murmure que c’est tout ce qu’il me reste… choisir de ne pas choisir entre le choléra et la peste… entre la nausée et la risée… entre Sartre et Camus… car on ne peut, me dit-on, briser les chaînes qui nous ont brisé. Même si on efface de nos tablettes, les fameux Champs Élysées…
Mais je me dis que ma faim ne veut rien détruire. Elle veut juste vous instruire : ma ch'tite famine se nourrit de sa faim d’autrui… Elle aurait même pu écrire ou prescrire cette épitre : « Celui qui prétend être dans la lumière tout en haïssant son frère est encore dans les ténèbres. Celui qui aime son frère demeure dans la lumière et il n’y a en lui aucun motif de chute »
A bas les murs… et tout l’orgueil qui perdure. Nous devons nous aimer les uns, les autres.
C’est tout ce que réclame le peuple : une vraie nourriture, un monde plus sûr avec des fruits plus mûrs !