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Marc Tourneboeuf, lispoète éphémère

Publié le 14 janvier 2019 par Morduedetheatre @_MDT_

Marc Tourneboeuf, lispoète éphémère

Critique du Récit poétique mais pas chiant d’un amoureux en voyage, de Marc Tourneboeuf vu le 11 janvier 2019 au Théâtre du Marais
Avec Marc Tourneboeuf, dans une mise en scène de Grétel Delattre

Je n’ai pas l’habitude de critiquer des seuls en scène. J’en vois peu, c’est, comme qui dirait, « pas ma came », et c’est difficile à chroniquer par-dessus le marché. Mais c’est une connaissance qui m’a parlé de celui-ci et je faisais confiance à son jugement ; me voilà donc dans le théâtre de feu Jacques Mauclair, en plein coeur du Marais, dans une ambiance de OFF qui me met en appétit, pour découvrir un certain Marc Tourneboeuf. Le nom me fait sourire, il en rira lui aussi dans le spectacle. Cet esprit-là me plaît.

Dans son spectacle, Marc Tourneboeuf nous fait revivre son histoire d’amour avec une jeune portugaise, rencontré dans une soirée parisienne. Une histoire somme toute assez banale qui se transforme en excuse pour évoquer sa vie de parisien, caser quelques critiques de cette société qu’il décrit à merveille, puis parler du Portugal, de ses différences avec la France, et de son premier voyage dans le pays de Pessoa. Un voyage haut en couleurs… et en rires ! Loin des ficelles du stand up que je redoutais, Marc Tourneboeuf se rapproche plutôt de Michael Hirsch en proposant un spectacle à la fois dynamique et remue-méninges.

Récit poétique mais pas chiant d’un amoureux en voyage. Ici, ce n’est pas la taille qui compte, mais bien plutôt la véracité de ce titre : poétique, certes, mais surtout pas chiant du tout. Ce gars-là vous embarque dans son histoire en moins de temps qu’il ne faut pour lire le titre en entier. L’aspect poète, on l’aimerait d’ailleurs parfois plus développé car il fonctionne plutôt bien : c’est vrai, certaines transitions sont peut-être un peu abruptes, mais on sent qu’il vient des tripes, peut-être davantage que certaines blagues qui semblent « rajoutées », plus faciles, le genre de blague dont on est sûr qu’elle provoquera le rire.

Mais un rire un peu plus gras, un peu moins élégant que celui auquel nous convie Marc Tourneboeuf dans l’essentiel de son récit que j’ai suivi avec grand plaisir. Je pinaille, mais il y a vraiment dans ces deux rires quelque chose de très différent : ils ne provoquent pas la même satisfaction. Lorsqu’il entame sa partie sur le voyage, je me dis : « Pas de chance, je connais bien le Portugal et je ne te laisserai pas enchaîner les clichés sur la poilousie ! » Seulement voilà, si quelques clichés parsèment le tout, le plat qu’il nous sert est celui d’un grand observateur dont l’écriture est déjà très affutée. De même que ses réflexions de normand qui débarque à Paris, et qui soulèvent la salle de manière unanime, parisiens comme provinciaux !

Si la plume est déjà douée, c’est surtout le comédien qui m’a bluffée. Il y a sa maîtrise parfaite des ruptures de rythme et des changements de ton, dont il est à mon avis parfaitement conscient. Il y a le dynamisme, voire le pile-électricisme – canaliser un peu cette énergie pourrait être bénéfique pour la suite – mais c’est une énergie transmissible, cette énergie totalement aspirée par les spectateurs grâce à une réaction chimique que j’ignore, mais qui m’a permis de sortir de cette salle revigorée alors même que j’y entrais somnolente. Alors oui, il y a beaucoup à dire sur ces éléments techniques. Mais pas que. En plus de ça, j’ai aussi voyagé. À travers son récit, il nous fait véritablement vivre son histoire. Seul sur scène, il construit son décor avec des mots et tout se retrouve sous nos yeux : alors oui, peut-être que ça parle spécialement à la lisboète qui sommeille en moi, mais quel plaisir de retrouver ces pavés glissants et ces pasteis à foison, dont on sent presque l’odeur. Il n’y a plus qu’à suivre le guide !

Un comédien à suivre !

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