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Denez à La Passerelle Saint-Brieuc, le 18 janvier 2019

Publié le 20 janvier 2019 par Concerts-Review
Denez à La Passerelle Saint-Brieuc, le 18 janvier 2019

Denez à La Passerelle Saint-Brieuc, le 18 janvier 2019

Pour le premier concert 2019, La Passerelle Scène Nationale de Saint-Brieuc programme Denez Prigent, considéré comme le prince de la gwerz, la quintessence du chant en langue bretonne, essentiellement basée sur des complaintes à caractère tragique.

Denez vient d'enfanter d'un neuvième album baptisé 'Mil hent - Mille chemins' , l'enfant du Finistère, amoureux de son pays de Roscoff , y chante l'écume, les oiseaux magiques, la mort, le froid, la désolation, les fêtes... en mixant sonorités celtiques et bourrades electro, une fusion de prime abord surprenante qui, à l'écoute, se révèle judicieuse.

Il est 20:30', le récital devrait débuter, seulement les avenantes hôtesses d'accueil ont toutes les peines du monde à diriger les sempiternels retardataires vers leur siège numéroté, il faudra patienter une dizaine de minutes avant l'extinction des feux plongeant le théâtre Louis Guilloux dans une obscurité totale.

Sur scène, les nombreux musiciens prennent place en tâtonnant, un faible halo bleu leur permet de retrouver leurs instruments.

Ils sont neuf à se recueillir pendant près de 90 secondes: deux violons ( Jonathan Dour et Floriane Lepotier), une celliste (Gaëlle Sara Branthomme ), une contrebasse ( Jérôme Séguin) et une guitare acoustique ( Antoine Lahay), à gauche ( pour nous), un batteur/percussionniste, abonné au Télégramme ( sans doute Thomas Ostrowiecki) et James Digger (Arnaud Herry) derrière ses platines, séquenceurs, analog drum computers et autres gadgets electro, au centre, et enfin, Maëlle Vallet à la harpe ou kanoun et le multi-instrumentiste Cyrille Bonneau ( cornemuse, flûtes,bombarde,biniou, duduk...), à droite.

Le kanoun de Maëlle est le premier à entrer en action, les résonances ethniques font place à des teintes plus celtiques lorsque la flûte de Cyrille se joint à l'instrument ottoman, Denez apparaît, vêtu d'une gabardine noire et d'une chemise blanche, il évoque un chef Chouan échoué au 21è siècle et entame la partie chantée du traditionnel 'An Hini A Garan'.

La voix est ample, majestueuse, le ton mélancolique, tragique, impose un silence monacal, la salle, fascinée, retient son souffle avant d'applaudir à tout rompre au terme des derniers accords.

Un onzième personnage se montre, Ronan Le Bars, armé de ses uilleann-pipes et flûtes, l'équipe amorce "An hentoù splann - Les chemins merveilleux ", une fisel devenu marche impérieuse, terminée en scratch rocambolesque.

'Ar groazig aour - La petite croix d'or', la plage ouvrant l'album, narre la sombre histoire d'une jeune fille assassinée dans un bois alors qu'elle se rendait à un fest noz.

Le chantre se fait mystique après que les cordes aient introduit la plainte déchirante.

Mesdames, messieurs, écartez tables et chaises, nous amorçons une gavotte des montagnes, 'Ar rodoù avel' (Les Roues à vent), non dépourvue d'effets de sorcellerie, ce qui facilite l'état de transe.

Afin d'inviter la salle à se manifester, l'aède breton entame quelques pas de danse sautillants.

La harpiste et Ronan Le Bars, au repos pendant le ton kentañ, réintègrent le groupe qui attaque ' Al labous marzhus (L'oiseau prodigieux)', un zozio qui ramène or et argent à son propriétaire jusqu'au jour où un malintentionné ne le dérobe, il le regrettera!

Ce conte moral aux résonances balkaniques séduit, notamment, par l'apport des pipes de Ronan.

Le nerveux 'Krediñ 'Raen' ouvre l'album de 2015 , 'An enchanting garden', Denez descend de scène pendant un bridge instrumental, il encourage Saint-Brieuc à battre des mains, des premiers rangs jusqu'au balcon, le public rythme la danse agitée.

La seule plage, réaliste, solfiée en français a pour titre 'Dans la rivière courante', c'est dans ce cours d'eau que la jeune fille de 15 ans a jeté son nouveau-né.

Le thème de l'infanticide, ici abordé, connaît un épilogue heureux, l'enfant n'est pas mort, la belle est sauvée.

Place à la valse, entêtante, 'Mil-hent-dall ar vuhez - The labyrinth of life' avant d'entamer l'obscur 'Marc'h-Eon (Cheval-Écume) ' , un poème déclamé sur fond sonore minimaliste, kanoun et ambiance sonore confectionnée par le beatmaker ayant samplé cloches, vagues, remous marins , vent et échos divers.

A te donner la chair de poule!

Pas plus rigolo, 'Ar marv gwenn - La mort blanche' traite des victimes du grand froid, l'incantation est soutenue par un mélange inattendu: cornemuse et kanoun antiques épousant les éléments trip hop ou industriels concoctés par le magicien des machines.

Imagine Charles Dickens rencontrant l'Ankou et Boris Karloff, l'angoisse!

Denez s'éclipse avant le terme du morceau, le tonnerre gronde!

Il revient pour interpréter une marche illustrant les mariages en Basse Bretagne ,' Son Alma Ata', pratiquée pour se rendre de l'église au bistrot.

En verve, il nous narre la dernière qu'il a entendue au Café des Sports, présente la troupe et entreprend l'ultime sermon de la playlist, l'échevelé 'E garnison!'.

Hop, hop, hop, fait-il.....clap, clap, clap, réplique la salle!

Le rappel est inévitable, le public est debout.

C'est en solitaire que le sosie de J L Aubert ( dixit une voisine) revient et propose, a capella, une dernière complainte sombre et lumineuse à la fois.

Fin d' un concert mémorable.

Sur scène à Pont-l'Abbé le 27 janvier.

Prochain événement à La Passerelle: 'A love Supreme', la vision chorégraphique de Anne Teresa De Keersmaeker, basée sur le chef-d'oeuvre de Coltrane.

Denez à La Passerelle Saint-Brieuc, le 18 janvier 2019
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