J’ai lu ce roman parce que j’en ai entendu parler sur des blogs et que les thèmes féministes et sociaux abordés par ce roman (écrit en 1948) me paraissaient très intéressants.
Effectivement, Raymond Guérin (1905-1955) prend parti dans ce roman pour l’avortement – qui était à l’époque puni de la prison – et contre le pouvoir arbitraire des hommes, l’injustice de ce monde masculin et sa violence contre les femmes : violence physique dans le couple, violences institutionnelles établies par le droit, violences morales exercées par la société.
L’auteur nous présente successivement trois femmes – des sœurs, jeunes, et d’un milieu social modeste – qui ont fait des choix de vie différents et qui représentent trois statuts féminins de ce milieu de 20ème siècle : Clara, qui a choisi d’être placée comme bonne à tout faire, qui vit librement sa vie amoureuse mais qui est bientôt arrêtée pour avortement ; Jacquotte qui choisit la voie honorable du mariage mais qui souffre d’une santé fragile et dont le mari demande bientôt le divorce ; et Louison, qui vit entre plusieurs amants et suit plutôt la voie de l’immoralité.
Ce livre est bien sûr un plaidoyer pour les femmes, une dénonciation de la condition féminine mais aussi ouvrière de l’époque, mais, au-delà de cet aspect de « littérature engagée », il s’agit surtout d’un livre très agréable à lire, avec un style simple et vivant, proche du langage parlé, et l’emploi de beaucoup d’expressions populaires savoureuses, qui nous replongent dans la France de l’après-guerre mieux qu’un livre d’histoire.
On est ému, touché, choqué, par ces trois destins féminins, avec peut-être une préférence pour Clara, qui est d’ailleurs le chapitre le plus développé.
Je conseillerais ce livre à ceux et celles qui se sentent concernés par les causes féministes et par la vie quotidienne au 20ème siècle, mais aussi aux lecteurs qui aiment les belles écritures.
Extrait page 60 :
Et voilà que maintenant cette vieille toquée remettait ça sur le tapis ! Je l’aurais bouffée. Une communion solennelle à vingt-trois ans, à quoi est-ce que ça ressemblait ? Mais comment faire pour y couper ? Il n’y avait qu’un moyen. C’était de lui raconter un peu la vie que j’avais eue avant d’entrer à son service. Mais ça, j’ai pas osé. Je crois bien qu’elle se serait trouvée mal si je l’avais fait.