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Temps glaciaires

Publié le 04 février 2019 par Adtraviata

Temps glaciaires

Quatrième de couverture :

« Adamsberg attrapa son téléphone, écarta une pile de dossiers et posa les pieds sur sa table, s’inclinant dans son fauteuil. Il avait à peine fermé l’œil cette nuit, une de ses sœurs ayant contracté une pneumonie, dieu sait comment. — La femme du 33 bis ? demanda-t-il. Veines ouvertes dans la baignoire ? Pourquoi tu m’emmerdes avec ça à 9 heures du matin, Bourlin ? D’après les rapports internes, il s’agit d’un suicide avéré. Tu as des doutes ? Adamsberg aimait bien le commissaire Bourlin. Grand mangeur grand fumeur grand buveur, en éruption perpétuelle, vivant à plein régime en rasant les gouffres, dur comme pierre et bouclé comme un jeune agneau, c’était un résistant à respecter, qui serait encore à son poste à cent ans.— Le juge Vermillon, le nouveau magistrat zélé, est sur moi comme une tique, dit Bourlin. Tu sais ce que ça fait, les tiques ? »

C’est parce qu’une simple témoin lambda d’une chute a bien tourné la question sept fois dans sa tête que le commissaire Adamsberg et sa brigade s’intéressent à une série de suicides qui vont vite s’avérer crimes maquillés en suicides. Tous liés à la désagréable aventure vécue par un groupe de touristes sur un îlot islandais dix ans plus tôt. Mais les personnes assassinées faisaient aussi partie d’une Association qui non seulement étudie les écrits de Robespierre, mais rejoue les scènes et discours de la Révolution liés au célèbre Incorruptible. Vous vous doutez bien que l’enquête d’Adamsberg, « une pelote d’algues » compacte et indétricotable, mettra en lumière les liens entre le groupe islandais et le groupe robespierriste, mais ce ne sera pas sans détours, atermoiements, échec apparent et même un sérieux risque de fracture au sein de la brigade. Sans compter une improbable convocation par l’afturganga islandais.

Ca faisait longtemps que je n’avais retrouvé le commissaire Adamsberg (je peux même avouer que je lui ai été infidèle, depuis le temps que j’ai acheté le bouquin et que je l’ai laissé traîner sur un bout d’étagère) et ça m’a fait bien plaisir de le retrouver, lui et sa bande de collègues, Danglard Retancourt, Veyrenc en tête, sans oublier les Froissy, Estalère, Noël, Voisenet et autre Mordent. En fait ils sont tous complètement givrés, ces flics, et Fred Vargas nous promène dans une intrigue légèrement capillotractée mais après tout c’est sa marque de fabrique et sans cela, son « pelleteux d’nuages » d’Adamsberg n’existerait pas, ni ceux qui croient en lui ni ceux qui doutent, ni ceux qui détestent son inaction apparente ni ceux qui le suivraient partout pour le protéger.

Evidemment on retrouve le goût de l’auteur pour l’Histoire avec cette fois le décor de la Terreur révolutionnaire et ses ramifications dans le présent, édifiantes. Côté géographie, les ramifications islandaises font… froid dans le dos. Et toujours l’humour, la dérision, la fantaisie avec rien de moins qu’un sanglier apprivoisé, qui s’appelle Marc comme… marcassin.

Adamsberg, j’ai failli être infidèle comme Danglard mais… je t’aime (et Danglard aussi, de plus en plus !!!)

« –  Qu’est-ce que tu foutais, nom de Dieu ?
– On a dû s’arrêter deux fois, dit Danglard. Le commissaire pour un arc-en-ciel presque parfait et moi pour une étonnante grange templière. »

« Elle (Retancourt) portait sur son bras le gros chat blanc de la brigade qui, amorphe, reposait sur elle comme un linge propre plié en deux, détendu et confiant, ses pattes ballotant d’un côté et de l’autre. Retancourt était l’être préféré du chat, autrement nommé La Boule, boule qui pouvait atteindre quatre-vingts centimètres en extension. Elle s’apprêtait à aller le nourrir, c’est-à-dire le porter à l’étage où l’on déposait sa gamelle, car le chat – en parfaite santé – refusait de monter l’escalier lui-même et de se nourrir s’il n’avait pas de compagnie. Il fallait donc attendre près de lui qu’il ait avalé sa portion, puis le redescendre pour le poser sur son lieu de prédilection, la photocopieuse tiède qui lui servait de couche. »

« – Je vous en prie, Danglard, dit Adamsberg en décollant une boule de gratteron, ne prenez pas l’habitude de dire des choses déraisonnables. Ou bien à nous deux, nous n’irons pas loin.

-Je comprends, dit Danglard après un silence.

Adamsberg avait raison, songea-t-il en poussant la porte. Son influence était sournoise comme une inondation, et il devait, c’est exact, y prendre garde. Se tenir loin des berges glissantes de son fleuve. »

« – A propos d’habits, dit Adamsberg, est-ce vous, Danglard, qui nous avez hier soir photographiés en tenue de députés du XVIIIe siècle ? Et qui avez diffusé ces images sur les portables de tous les agents de la brigade ?
– Parfaitement. Je nous trouvais très honorables.
– Mais tous ont ri.
– Le rire est une défense contre ce qui impressionne.
Vous avez, je vous le signale, beaucoup plu. Froissy est tombée amoureuse de vous dès 9 h 20 du matin. Cela perturbe la vision habituelle qu’ils ont de vous. Hommes ou femmes.
– Très bien, Danglard. Et qu’est-ce que j’en tire ?
– De l’ambiguïté.
Adamsberg avait l’habitude de rester sans réponse aux répliques se son adjoint. »

Fred VARGAS, Temps glaciaires, Flammarion, 2015

P.S. Je suis fan et je n’ai aucune objectivité, j’assume !


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