"La dernière fois qu'ils ont annoncé 40 cm, on a eu 5 cm, il n'y a pas de quoi s'énerver" a dit un collègue.
"En plus, les gens avaient tant paniqué avec les annonces de tempêtes qu'ils avaient tous pris congé et les routes étaient désertes". a ajouté un autre.
La météo est toujours une approximation. C'est pour cela qu'on parle des prévisions. Ça a légèrement plus de valeur qu'une prévision sur l'issue du prochain match des Canadiens, mais beaucoup moins qu'une promesse. Cette fois, la météo prévue visait juste. On annonçait 30 à 40 centimètres de neige à partir de l'heure du souper mardi soir.
En effet, en quittant l'entrepôt le dernier mardi, il était 17h30. Tout le monde avait quitté tôt. Nous étions tous sous la promesse que nous serions fort probablement en congé le lendemain. On nous avait d'abord dit qu'on devait préparer toutes nos commandes de service sur la route comme d'habitude, ce que nous avons fait. Comme si nous aurions une journée normale. Et comme la plupart avait eu leur confirmation qu'ils n'entraient pas travailler mercredi, ils en avaient profité pour se pousser rapidement, avant le début de la tempête prévue en fin de journée, et aussi pour étirer le moment de congé.
Puis, on nous as dit qu'une décision final serait prise vers 5h du matin, hier.
En effet, en quittant l'entrepôt, de gros flocons peuplaient le pare-brise de ma voiture. Le simple trajet habituel de 20 minutes de retour à la maison devenait une randonnée de 30-35 minutes. Prudence et manque d'assurance bordant le chemin. Facilement une quinzaine de centimètres étaient tombés en fin de soirée.
Mon oreiller à fait de la musique à 5h18, mon téléphone me confirmait que personne n'entrerait travailler.
Ça ne changeait pas grand chose pour moi. J'allais être réveillé de toute manière. Mon cadran biologique me réveille toujours autour de 5h00-5h30, jour de semaine comme week-end. Ça ne changerait pas ce matin-là. De plus, je sauvais Monkee d'une mission qu'on lui avait confié d'aller porter, assister et ramener sa soeur d'un rendez-vous chez l'orthodontiste vers 7h30. Rendez-vous que je pouvais maintenant assister à sa place.
L'amoureuse avait eu la brillante idée, la veille, de nous suggérer, à notre fils et moi, de garder nos voitures, des berlines, sous le toit du stationnement du complexe d'achats où se trouve aussi sa banque, son lieu de travail. Pour la nuit. Nous n'avons pas été seuls à avoir cette idée. Elle est venu nous y rejoindre et nous sommes repartis à trois dans sa voiture. Une 8 cylindres. Idéale pour des conditions hivernales.
Hier matin, un texto confirmait aussi à Monkee qu'il avait autant congé que moi et sa soeur par rapport à sa journée. J'ai appelé l'orthodontiste car rien ne serait plus insultant pour Punkee que de la réveiller vers 6h40 pour l'amener là où un orthodontiste ne se serait peut-être pas rendu lui-même en raison de conditions météos rendant les routes impraticables. Ils étaient bien ouverts. Au grand dam de Punkee.
Comme prévu, les routes étaient désertes. On avait bien suivi les conseils de la veille et du matin, disant de rester chez soi, si possible.
Je ne le dirai jamais assez, nous avons une chance immense d'avoir 4 saisons si découpées qu'on ne puisse jamais les confondre. Notre hiver, mal aimé, est beau. Surtout des jours comme hier. Nous souffrirons tous du travail accumulé aujourd'hui, mais hier, le décor était tout simplement époustouflant.
J'en ai vu des gens sacrer sur la neige à tasser de leurs voitures, mais cette neige, je l'avais déblayée des escaliers chez nous, elle était non seulement très facile à tasser, mais fort sympathique dans la générosité du flocon tombé du ciel. Ma fille et moi avons croisé des moins chanceux, pris dans la neige, en avons aidé 2 à se sortir du pétrin. C'est un amusement dont je ne me lasse pas. Aider les gens pris dans la neige. Souvent de mauvaise humeur. Je viens rééquilibrer tout ça. Souvent, ce sont des gens d'origines étrangères, peu familier avec nos conditions météos et ses aléas. J'ai toujours ma pelle sur la banquette arrière.
Les trottoirs n'étant pas déneigés encore, les piétons devaient marcher dans la rue. Je doute que bien des pays vivent souvent des choses du genre. Par surpopulation, oui, partager la route avec les pétions, mais en raison de quelque chose venu du ciel, pas tant. Les pays nordiques, bien sur.
On a croisé bien des pelleteurs. J'en ai été un, une partie de la journée, entre l'écoute de The Servant de Joseph Losey et de quelques épisodes de You, sur Netflix, avec mes ados. On a crois un carambolage à trois voitures. Un accident, à deux. Une femme confuse face à sa souffleuse. C'est rare une femme aux commandes d'une souffleuse. Je crois que c'était la première fois que j'en voyais une. Elle paraissait ne par la comprendre sa souffleurs. Elle m'a regardé quand on est passé près d'elle en voiture. Il n'aurait pas fallu qu'elle me demande de l'aide à ce moment-là. J'aurais été terrible sur le sujet.
J'aurais sorti ma pelle, comme un vieux sort son harmonica en tapant du pied à Noël si il sent le silence le gagner.
C'était pas grand chose, mais c'était une formidable journée pour moi. Très jolie. Très poétique.
J'ai trouvé amusant que l'hiver soit un élément de décor du film de Losey. Nous avons 4 mois et demi de ce décor.
Bien que nos hivers soient maintenant parfaitement inégaux et instables, je m'en régale encore comme on savourerait une bonne crème glacée. Comme une gourmandise assumée.
La météo prévue visait juste.
Notre hiver est une richesse que tout le monde ignore.
Je sais, je suis contre le sens du vent sur le sujet, pas nécessaire de me rappeler.