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L'effort comme voie ?

Publié le 18 février 2019 par Anargala
L'effort comme voie ?


Les approches non-dualistes sont connues pour ne par requérir d'effort. Celui-ci est, au contraire, dénoncé comme une forme de crispation enracinée dans l'ego, le faux Moi, qui lui-même est alimenté par l'aveuglement. 

La conscience crée spontanément. Elle s'oublie dans ses créations, s'identifie à un personnage, puis fait des efforts pour doter ce personnage de ses propres qualités - éternité, plénitude, liberté, etc. Comme ça ne marche pas vraiment, il faut vraiment faire des efforts. Mais ces efforts n'aboutissent jamais et ne font que nourrir le cercle vicieux.

Dans les approches non-duelles traditionnelles, l'effort joue un rôle. Mais une fois notre vraie nature reconnue, il disparaît en même temps que l'ego.

Il y a cependant une exception : le shivaïsme du Cachemire. Dans cette tradition, l'effort est à la fois dénoncé comme vain, notamment l'effort yogique du "yoga de l'effort" (hatha), mais d'un autre côté, l'effort est pointé comme notre vraie nature elle-même !

Que signifie cette bizarrerie ?

L'effort (yatna) est pointé comme notre essence même. Elle n'est pas un accident dans le ciel de l'absolu, mais sa nature même. Les efforts personnels ne sont que des manifestations incomplètes de cet effort. Quand il est tourné vers les objets, dans l'oublie de l'Effort sous jacent, alors l'effort mène à la souffrance, il l'entretient. Faire un effort pour ceci ou pour cela, pour devenir riche, pauvre, calme ou plus énergique, sera toujours voué à un échec relatif, car tous ces efforts sont fondés sur l'oubli de notre Vrai Visage et sur l'identification inconsciente à un Moi factice. 

Mais si ces efforts se retournent vers l'Effort primordial, alors "je me reconnais comme Effort" à la racine de tout effort, je suis Energie, je suis Pouvoir, "je suis" est l'Être, la Vie et le Mouvement, et alors l'Effort devient la voie.

Au-delà de fixer toute mon attention dans les buts apparents et immédiats de l'effort, je plonge dans l'Effort que je suis, indépendamment des buts extérieurs. Si je me sens "speed", je plonge dans cette ébullition, ce feu, cette vie, ce jaillissement antérieur à toute pensée, à tout mouvement extérieur, à la réussite et à l'échec.


Comme dit Shiva dans ses Sûtras, "L'absolu est l'élan", et "L'effort est la réalisation". Nous réalisons alors, nous reconnaissons notre propre force, la "force du Soi" (sva-bala). Comme nous coïncidons alors avec la source de tout, nous ne ressentons plus d'effort. Le corps ressenti ne fait plus qu'un avec le flot de la vie. Si vous allez à contre-courant, il y a effort contre effort. Si vous fait corps avec le courant, avec l'effort de l'eau, vous ne ressentez plus d'effort.

C'est ce qu'enseignaient les Stoïciens, à un niveau plus mental : nous sommes comme des chiens attachés à une charrette. SI nous résistons, nous souffrons, et nous suivons quand même la charrette. La sagesse consiste à suivre la charrette, c'est-à-dire à apprendre à aimer son Destin. 

Dans le Tantra de la Félicité ultime (Paramânandatantram), Shiva offre cette instruction d'éveil et de méditation :

Contemple toujours cette énergie

qui te porte quand tu dis
"Je dois absolument le faire !"
C'est la réalisation du Soi. (XXIV, 126)
Voilà une simple, directe, précise, typique du Tantra non-duel authentique. Prendre l'obstacle comme moyen. Le stress devient la vie intérieure.

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