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Markus Akesson, biographie & galerie

Publié le 03 mars 2019 par Thierry Grizard @Artefields

Markus Akesson, expose, à partir du 13 janvier 2018, ses dernières œuvres à la galerie Da End, sous le titre de " Let me sleep through the light " qui synthétise assez bien sa démarche qui se situe entre onirisme lunaire, perméabilité des plans de réalité et pollinisation symbolique, tout ceci sous une lumière catatonique qui fait surgir l'étrange et l'inquiétude.

Markus Akesson, surréaliste, hyperréaliste, néo-symboliste ou disruptif ?

Markus Akesson, (né en Suède, 1975), pour employer un terme à la mode, est un artiste peintre disruptif mais dans une manière des plus classique, en ligne droite des hyperréalistes avec une touche plus affichée, moins lisse.
L'on pourrait tout aussi bien dire que Markus Akesson est un des héritiers du surréalisme ou des écoles belges, en particulier Delvaux, et plus contemporain Michael Borremans.

Peinture et dramaturgie

Il y a aussi de nombreuses corrélations possibles, assez naturelles, avec le cinéma issu de l'expressionnisme et le surréalisme. C'est surtout vrai des éclairages très spécifiques des compositions que l'artiste suédois élabore minutieusement comme des mises en scène cinématographiques. La source de lumière est fréquemment hors champ et puissante au point de " surexposer " le personnage principal, le plus souvent situé au centre de la toile. Elle semble d'ailleurs provenir du haut à droite (pour le regardeur), elle " tombe " sur le sujet, l'accable presque. Il émane dés lors de ce dernier un effet de lueur interne, le modèle diffuse tel un réflecteur. L'éclat, à la limite du blanc brûlé, des épidermes et des tissus procure un effet onirique supplémentaire. Rien n'est donc ici naturel, naturaliste, c'est une dramaturgie s'inspirant du Caravage comme du Réalisme Poétique d'un Marcel Carné mais aussi de réalisateurs cultivant l'étrange tel que David Lynch ou d'un Ingmar Bergman pratiquant la suspension à connotation allégorique, notamment dans " Le Silence ", ainsi que " Persona ".

Le temps en pleine lumière

A l'instar du Caravage, Markus Akesson arrête l'action dans un éclat de lumière donnant l'impression qu'elle a surgi de l'obscurité, que l'on assiste, au sens strict, à un événement stupéfié. Les récits de Markus Akesson ne donnent que rarement l'impression d'un avant et d'un après. C'est une peinture " d'idées " elliptiques, de scènes mentales plus que de narrations ou d'histoires dont le tableau serait un moment ou la synthèse par juxtaposition à l'image de la peinture gothique notamment. La temporalité est absente des scènes mentales que le peintre fait surgir de l'obscurité de l'imaginaire, du fantasme ou de lectures servant de prétextes.

Symboles et contamination décorative

Juxtapositions de sens, collisions d'univers et contaminations sémiotiques sont donc à l'œuvre dans les tableaux de Markus Akesson. Il y a par conséquent un certain nombre de symboles qui essaiment les actions suspendues de Markus Akesson et agissent tels des germes qui prolongent l'acte en des perspectives narratives ouvertes, lesquelles sont davantage des sollicitations du peintre au regardeur que des systèmes symboliques plus ou moins abscons offerts à l'interprétation. Les accessoires symboliques de l'artiste peintre sont empruntés à la littérature, aux légendes, mythes et l'histoire de l'art, on y retrouve des vanités sous la forme de crânes divers humains ou animaux, des tentures et vêtements aux motifs décoratifs végétaux très chargés, des suggestions de la forêt magique et de la vie animale surgissant parfois jusque sur le tapis d'un salon imaginaire. Toute cette thématique fait évidemment penser aux symbolistes que ce soit en littérature ou peinture, mais sur un mode plus léger, il n'y a pas de théorie sous-jacente, aucune téléologie ou eschatologique syncrétiste et fumeuse.
Le symbolisme d'Akesson est une sorte de motif décoratif suggérant l'étrange et invitant à la rêverie, la contamination des significations, les glissements sémiotiques et fantasmatiques les plus divers, c'est une ornementation " rocaille " à la Gustave Moreau.

Une palette aquatique

La palette récente de l'artiste suédois est dominée par des couleurs froides, plutôt morbides. Les bleus et verts liquides, spéculaires, dominent souvent avec pour contre partie des jaunes dorés ou crépusculaires. L'eau et les reflets sont omniprésents dans les scènes picturales de Markus Akesson, de même que les corps immergés ou flottant littéralement ou métaphoriquement. Les personnages de l'artiste peintre semblent toujours dériver de manière inquiétante dans des lieux qui leur sont étrangers. Ils sont bizarrement vêtus de kimonos, peignoirs aux étoffes luxuriantes, baroques, qui rappellent l'univers décadent et morbide d'Edgard Allan Poe, en particulier la fameuse nouvelle du " Portrait Ovale ". Le flottement généralisé de ces personnages pour la plupart féminins ou juvéniles va jusqu'à la représentation d'Ophelia modernes flottant dans une piscine aux bleus métalliques ou de jeunes enfants faisant la planche dans une eau aux jaunes boueux. La mort, la déréliction sont omniprésentes y compris dans les teintes qui suggèrent un univers lunaire ou de laboratoire dont on ne sait pas, des animaux empaillés représentés comme presque vivants ou des apprentis sorciers fantomatiques, qui est réellement de ce monde. L'ambiguïté est le maître mot qui inspire le travail d'Akesson.

Collisions visuelles

Les œuvres de Markus Akesson sont comme chez tous les artistes de l'imaginaire, du symbolique ou de l'énigme, des rebus qui se refusent à une interprétation immédiate, voire même depuis la libération du peintre de toute commande, des énigmes sans réel objet, qui demeurent muettes parce qu'elles sont davantage de l'ordre de l'obsession subjective que d'un récit ou une édification morale plus ou moins sincère et docile.
Le corpus de Markus Akesson est donc dans une certaine mesure une peinture narrative de la collision visuelle mais dont le sujet se rebelle obstinément. C'est probablement toutes ces "disruptions" qui fascinent dans le travail de Markus Akesson. Cette œuvre nous parle longuement et durablement mais on ignore de quoi !


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