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Féminisation, le débat en... 1891 (5)

Par Pmalgachie @pmalgachie
Des féminins, s. v. p.  Mme Gagneur, la romancière bien connue, vient d’avoir la singulière idée d’écrire à M. Jules Claretie, chancelier de l’Académie française, pour demander à la docte et vénérable Assemblée de féminiser certains mots restés jusqu’à présent exclusivement masculins, comme : auteur, écrivain, orateur, docteur, administrateur, sculpteur, partisan, témoin, confrère, sauveur, etc. Mme Gagneur a, sans doute, de bonnes intentions el Mme Astié de Valsayre lui saura gré de défendre les intérêts du beau sexe, même sur le terrain de la littérature. Mais où celle femme d’esprit se trompe du tout au tout, c’est quand elle se figure que l’Académie peut décréter que tel mot « exclusivement masculin » aura désormais un féminin, parce que la bonne vieille du Pont des Arts l’aura ainsi décidé. Voyez-vous MM. Marmier, Camille Rousset et Doucet, Gaston Boissier et un certain nombre d’autres Mazade voulant nous obliger à dire dorénavant une témoine, une administrateuse, une consœur ? Ce que ça serait amusant ! Non, madame. L’Académie n’a pas qualité pour former des mots, ni pour leur donner droit de cité. Son rôle se borne à constater leur existence. L’Académie est une chambre d’enregistrement. Et voyez comme elle enregistre vite, le dictionnaire en est à la lettre A et pas encore au mot « auteur ». Ce que Mme Gagneur devrait faire pour arriver à ce qu’elle désire, c’est plutôt de s’adresser à la Société des Gens de Lettres dont elle fait partie, aux associations de la presse et du public. Quand par suite d’un emploi fréquent, conséquence naturelle de la manifestation d’une idée qui se présentera souvent, un mot courra la rue, sillonnera le journal et s’implantera dans le livre, que dame Académie le veuille ou non, ce mot sera français, et sa classification dans le dictionnaire n’ajoutera rien ni à sa qualité intrinsèque ni à sa force d’expression. Tel est le mot doctoresse par exemple, qui est accepté et qui est, en même temps que caractéristique, harmonieux à l’oreille. Le goût public n’a pas hésité à adopter ce féminin pour désigner la femme-médecin, plutôt que « médecine » par exemple, qui aurait prêté à une fâcheuse équivoque. Maintenant, s’il faut regretter que la langue française ne se soit pas montrée assez galante avec le beau sexe, voyons, madame, est-ce que vous ne pouvez pas vous consoler avec l’éternel féminin ? Quolibet. Le Tintamarre, 2 août 1891 Féminisation, le débat en... 1891 (5) Ce dossier a pris des proportions imprévisibles et sa publication intégrale risque de faire déborder ce blog. Il deviendra donc, dès ce vendredi 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, un petit livre (moins de 100 pages) numérique dont voici déjà la couverture, en attendant le lien renvoyant vers la page qui lui sera consacrée incessamment sur le site de la Bibliothèque malgache.

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