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Barracoon de Zora Neale Hurston

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete
Barracoon de Zora Neale Hurston

Barracoon désigne les bâtiments utilisés pour le confinement des Africains destinés à être vendus et exportés vers l'Europe et les Amériques. Ces bâtiments allaient du modeste " abri à esclaves " aux imposantes " maisons d'esclaves " ou " châteaux d'esclaves ". Les captifs y restaient souvent confinés pendant des mois entiers.
En 1927, la jeune anthropologue Zora Neale Hurston, qui va devenir l'une des plus grandes écrivaines noires du XXe siècle part rencontrer en Alabama Cudjo Lewis. A 86 ans, Cudjo est l'ultime survivant du dernier convoi négrier qui a quitté les côtes du Dahomey pour l'Amérique. Pendant des mois, Zora va recueillir sa parole, devenir son amie, partager ses souffrances et des fiertés. Le témoignage de Cudjo restitue comme nul autre la condition, la vie d'un esclave : de sa capture en 1859 par un village voisin à sa terrifiante traversée, de ses années d'esclavage jusqu'à la guerre de sécession, jusqu'à son combat pour son émancipation.
Un témoignage unique d'une sincérité et d'une précision bouleversante..

Ce livre qui raconte l'histoire poignante du dernier esclave américain a été interdit de publication pendant plus de 70 ans, car le mythe des Africains pauvres et exploités, qui capturaient et vendaient leurs compatriotes aux esclavagistes, était pour beaucoup un sujet tabou.

L'auteure Zora Neale Hurston retrace avec beaucoup de soin l'histoire d'Olualé Kossola appelé peu de temps après son arrivée en Alabama, Cudjo Lewis. Il a vécu comme beaucoup de gens de son peuple, la traite négrière, les atrocités commises par ceux de son propre peuple et par les Américains . Trop d'entre eux ont été enlevés, traumatisés, enchaînés, affamés et entraînés dans d'autres terres que les leurs. Il raconte son existence précaire dans le navire qui l'a conduit jusqu'à ses nouveaux maîtres, puis les baraquements (maisons) dans lesquels lui et d'autres esclaves ont vécu par la suite. Il finira par parler de sa vie après cette période sombre, le jour où il fut émancipé, sa joie d'être enfin libre malgré la peine qu'il ressent de ne pouvoir retrouver son pays.

La typographie ici est différente de beaucoup d'autres livres, on retrouve pas mal de paradigmes, il manque des mots dans la plupart des phrases dites par Kossola, en effet, Zora retranscrit chacun de ses propos avec ses mots à lui, elle a voulu dans son récit être aussi proche de la vérité qu'il en est possible. On comprend à travers ces lignes le quotidien de cet homme qui a vécu l'horreur, mais qui est parvenu à conserver une partie de lui-même même s'il a souffert au point d'être annihilé.

Ce récit répond à beaucoup de questions. Comment les esclaves ont-ils été traités par " les noirs " et " les blancs " ? Comment étaient-ils traités par leurs maîtres ? Mais surtout, quels comportements les esclaves avaient-ils les uns par rapport aux autres ?

Barracoon m'a ouvert les yeux sur beaucoup de choses, à savoir que les Africains n'ont pas connu l'horreur qu'en Amérique mais aussi dans leurs propres pays. J'ai déjà eu l'occasion de regarder des séries qui traitent de l'esclavagisme comme Nord et Sud ou plus récemment Racines (qui retrace sur plusieurs générations l'histoire de la famille de Kunta Kinte). J'ai trouvé beaucoup de ressemblances entre cette série et ce livre, mais il y a une différence entre regarder une série qui est inspirée de faits réels et lire un livre qui retrace la vie bien réelle d'un esclave. Ici, on plonge dans l'horreur et le désarroi, j'y ai ressenti la douleur et les blessures visibles et invisibles infligées par des maîtres cruels et vicieux (pas tous, certains ont été bons). Leur vie ne leur appartenait plus, ils vivaient selon le bon vouloir de leur maître, ils étaient comme des machines, s'ils ne produisaient pas suffisamment ou pas assez vite, ils étaient torturés, affamés voire tués.

Ce livre est un concentré d'émotions, même soixante-sept ans après les faits, Kossola conserve pratiquement tous ses souvenirs et les partage avec Zora . J'ai beaucoup apprécié ma lecture dans le sens où ce mémoire ne ment pas, rien n'est embelli ou censuré. L'une des phrases marquantes dans ce documentaire pour moi, a été écrite par Alice Walker, celle-ci dit : " Dans le fait que même quand le cœur souffre, le bonheur peut exister l'instant d'après. " Ces quelques mots retracent à eux seuls la vie de plus de centaines de milliers d'esclaves.

Barracoon de Zora Neale Hurston


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