Attention Mesdames et Messieurs...

Ah Ah Ah, I'm back !

Comme vous le savez, je suis parcimonieux de mon temps livré sur la toile. Deux raisons principales guident mon raisonnement ; d'une part, j'estime qu'internet n'est qu'un salmigondis de ragots et de commentaires écervelés, donc lorsque j'y mets les pieds, c'est bien pour en rajouter au bordel ambiant. D'autre part, quand nul fait d'actualité n'a retenu mon attention, je ne souhaite pas vous soumettre une description plate de mes journées de métrosexuel parisien.

Et pourtant Dieu sait qu'il m'arrive de vivre et de m'émerveiller régulièrement, dans ma vie de tous les jours de métrosexuel parisien, des traits caractéristiques des humains. Tiens, hier midi, planté au coeur de Paris, dans un restaurant thaïlandais (sic), je lisais un article de Marianne sur Barak Obama. Tout absorbé par ma lecture, en dégustant un délicieux poulet au gingembre, mes oreilles ne firent qu'un tour (plus vite que mon sang) aux dires de la table d'à côté.

Cinq gars dissertaient sur l'histoire de France à bâtons rompus. Soudain, le doute s'empara d'un des convives : "Napoléon, c'était avant ou après la Révolution française ?" J'eus grand peine à retenir mon énervement, vu l'énormité de la question. Mes baguettes tremblèrent jusqu'à ce qu'un gars moins crétin que les autres assura à l'assemblée (après s'être gratté la tête, histoire que ses neurones marchent plus vite) que Napoléon était né après la Révolution, contrairement à Lady Oscar.

Lady, Lady Oscar, tu vivais sous la révolution.

Lady, Lady Oscar, personne n'oubliera jamais ton nom. [1]

Revenons au héros (anonyme) du jour. Cet homme a réussi à se rappeler que Napoléon est arrivé après la Révolution ! On ne lui demandait pas non plus si le 18 Brumaire était avant ou après le homard Thermidor. Quand même ! Certes, nous avions eu des Empereurs avant la Révolution française. C'est vrai qu'on pourrait penser qu'après la Révolution, c'en fut fini des rois et des empereurs. On pourrait.

N'empêche qu'hier, cette découverte d'un flagrant délit d'inculture française chez des blancs-becs bien de chez nous, voilà qui fit frémir ma représentation du monde, au sens de Schopenhauer, bien entendu !

"Aucune vérité n'est donc plus certaine, plus absolue, plus évidente que celle-ci : tout ce qui existe, existe dans la pensée, c'est-à-dire, l'univers entier n'est objet qu'à l'égard d'un sujet, perception que par rapport à un esprit percevant, en un mot, il est pure représentation. Cette loi s'applique naturellement à tout le présent, à tout le passé et à tout l'avenir, à ce qui est loin comme à ce qui est près de nous ; car elle est vraie du temps et de l'espace eux-mêmes, grâce auxquels les représentations particulières se distinguent les unes des autres. Tout ce que le monde renferme ou peut renfermer est dans cette dépendance nécessaire vis-à-vis du sujet et n'existe que pour le sujet. Le monde est donc représentation." Schopenhauer, Le monde comme représentation.

Cet homme-là, notre maillon fort (pas Schopenhauer), lit-il Wikipédia ?

Rien n'est moins sûr. Car le débat dériva sur l'épouse de Napoléon, et j'appris de la bouche du plus éclairé de la tablée qu'elle était autrichienne et s'était faite psychanalysée par Freud ! C'est fou de découvrir comment vingt ans d'éducation des masses par TF1 ont fait comme ravages.

Pour remettre les points sur les i, je rappelle que Joséphine Bonaparte, née Beauharnais, était née en Martinique, ce qui en fait une Autrichienne pur sucre, et qu'elle est morte en 1814, soit 42 ans avant la naissance de Freud.

"Docteur, éduquer la populasse me donne la nausée."

Je crains que notre historien du jour ait mal digéré une fiction d'Arte. Il y a un an, la chaîne de la culture diffusait Princesse Marie, où Catherine Deneuve incarnait Marie Bonaparte, arrière-petite nièce de Napoléon Ier et amie du premier psychanalyste. Finalement Sarko 1er a bien raison de vouloir dézinguer la télévision publique : ça ne sert à rien la culture, surtout quand on n'a rien compris !

Je me demande parfois comment naissent les légendes urbaines. Cette fois, j'ai la réponse : les légendes naissent dans les restaurants thaïlandais.