[Critique] TRIPLE FRONTIÈRE
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Note:Titre original : Triple Frontier
Origine : États-Unis
Réalisateur : J.C. Chandor
Distribution : Ben Affleck, Oscar Isaac, Charlie Hunnam, Pedro Pascal, Garrett Hedlund, Adria Arjona, Sheila Vand…
Genre : Thriller/Action
Date de sortie : 13 mars 2019 (Netflix)
Le Pitch :
D’anciens soldats des Forces Spéciales unissent leurs forces pour mettre fin aux agissements d’un baron de la drogue sud-américain. L’occasion pour eux d’également récupérer une très importante somme d’argent…
La Critique de Triple Frontière :
Voir un réalisateur comme J.C. Chandor se frotter au film d’action a bien évidemment quelque chose d’excitant. Connu pour avoir réalisé le thriller Margin Call, qui dénonçait sans retenir ses coups les agissements des responsables de la crise de 2008, mais aussi le survival marin avec Robert Redford, All Is Lost et le drame urbain viscéral A Most Violent Year, Chandor n’était a priori pas l’homme de la situation pour un projet comme Triple Frontière. Mais c’est justement cela qui a d’emblée retenu l’attention. Comment Chandor allait se débrouiller avec les codes du genre ? Allait-il en profiter pour épaissir le propos où se focaliserait-il sur l’action pure et dure ? À l’arrivée, Triple Frontière fait excellente figure. Au niveau de la forme, mais, et c’est tant mieux, également au niveau du fond…
En territoire ennemi
Ce n’est pas la première fois qu’un film nous propose de suivre de gros bourrins dégueulant de testostérone dans une aventure à haut-risque. Récemment, Luc Besson nous a par exemple gratifié d’un truc du genre avec Braqueurs d’élite, qu’il a écrit pour Steven Quale. Mais bien sûr, J.C. Chandor n’est pas Luc Besson. Ici, dans Triple Frontière, il n’est pas uniquement question de 5 types armés jusqu’aux dents désireux de bousiller du méchant pour sauver la veuve et l’orphelin et se remplir les poches. Enfin pas complètement. Et ce que Chandor insuffle à cette histoire somme toute basique, change au final véritablement la donne. Parce que mine de rien, son Triple Frontière a plus de points communs avec ses précédents films qu’il peut en avoir avec Braqueurs d’élite ou n’importe quelle « bourrinerie » dans ce genre. Ici, Chandor continue de tirer à boulets rouges sur le capitalisme en illustrant la déliquescence d’un certain système. Comme dans Margin Call et A Most Violent Year mais de manière moins frontale. Devenus galériens un peu paumés depuis leur mise au rencard, les ex-soldats du film se retrouvent dans leur élément (« je ne me sens bien qu’avec un flingue à la main » affirme le personnage de Ben Affleck), sous un prétexte un peu fallacieux (débarrasser le monde d’un trafiquant de drogue) afin de remporter la mise. L’argent est au centre de la dynamique du film. Triple Frontière qui y va alors franchement pour traiter de la façon dont l’argent corrompt le cœur des hommes et de l’absurdité qui va avec. On retiendra notamment cette scène dans laquelle les personnages, gelés et démunis, décident de brûler une partie de leur butin pour se réchauffer. Une séquence renvoyant par ailleurs à la série Narcos qui racontait peu ou proue la même chose concernant Pablo Escobar pendant sa traque.
On observe aussi une évolution. À savoir que Chandor ne fait pas de surplace en se contentant de toujours aborder les mêmes sujets sous des angles différents. Les personnages du film, des anti-héros malgré tout attachants car victimes d’un système qui les a transformés en sorte de bourreaux, sont amenés à progresser. Malgré le conditionnement dont ils ont été victime et leur attachement à une morale qu’ils malmènent sans même parfois sembler s’en rendre compte. Et si Triple Frontière fonctionne à ce point, c’est justement parce l’écriture à véritablement été soignée. Solide, le scénario permettant en outre au réalisateur de faire parler la poudre. Car oui, Triple Frontière pense peut-être à voix haute et ne se gène pas pour s’inscrire dans un contexte terriblement actuel, mais il sait aussi foncer dans le tas. Au sens propre…
Tirs croisés
Parfaitement compétent dans l’action pure et dure, J.C. Chandor ne rejette pas les codes séculaires du genre mais les fait siens, se permettant parfois de petites incartades plus légères qu’il sait parfaitement intégrer à la sauce. Plusieurs séquences s’avèrent non seulement très efficaces mais aussi véritablement percutantes. Comme cette course-poursuite dans des champs, vers la fin, où quand les soldats se font tirer comme des lapins en pleine Cordillère des Andes. Et de la Cordillère parlons-en d’ailleurs. Triple Frontière sait parfaitement exploiter son environnement. La photographie, superbe, s’accorde à merveille à la mise en scène du réalisateur et à ses intentions. Il faut voir la progression de l’hélicoptère au-dessus de la jungle alors qu’au loin se dessine une barrière montagneuse spectaculaire pour se convaincre qu’on est en face d’un film visuellement très abouti.
Welcome to the jungle
Porté par une escouade d’excellents acteurs, Triple Frontière tape parfois vraiment fort. Personne ne tire la couverture à soi, même si le personnage de Pedro Pascal reste un peu en retrait et c’est dommage. Solide, Ben Affleck fait preuve d’une sobriété tout à fait à propos, en face d’un Oscar Isaac comme toujours impeccable, tandis que Charlie Hunnam et Garrett Hedlund, tout en restant dans leur zone de confort, assurent brillamment les arrières. Adria Arjona, même si son rôle est un peu léger, parvient également à tirer son épingle du jeu. Difficile aussi de ne pas reconnaître l’alchimie qui unit ces acteurs au sein d’une histoire vraiment cadencée pour leur permettre de briller à la fois dramatiquement parlant mais aussi dans l’action.
Finalement, seule la fin, un peu consensuelle au regard de tout ce qui a précédé, empêche Triple Frontière d’être un très grand film. Mais ne faisons pas les difficiles car ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir un tel mélange aussi équilibré, intelligent et efficace.
En Bref…
J.C. Chandor débarque sur Netflix et nous gratifie d’un film en forme de mélange des genres. Film d’action, survival, drame, satire… Triple Frontière est un peu tout cela à la fois, et à l’écran, en plus d’avoir de la gueule, le résultat sait marquer les esprits.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Netflix