Partager la publication "[Critique série] AFTER LIFE – Saison 1"
Note:Titre original : After Life
Origine : Grande-Bretagne
Créateur : Ricky Gervais
Réalisateur : Ricky Gervais
Distribution : Ricky Gervais, Tom Basden, Tony Way, Diane Morgan, Mandeep Dhillon, Ashley Jensen, David Bradley, Kerry Godliman, Paul Kaye…
Genre : Drame/Comédie
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 6
Le Pitch :
Tony est rédacteur dans le journal local d’une petite bourgade britannique. Tony vient de perdre sa femme et se noie dans le désespoir et le chagrin, songeant régulièrement au suicide. Mais Tony, pour l’instant, n’arrive pas à se suicider. Alors Tony profite de ce sursis pour faire et dire absolument tout ce qu’il veut. Au grand dam de ses proches, qui ne savent comment lui remonter le moral…
La Critique de la saison 1 d’After Life :
La nouvelle création de Ricky Gervais intervient un peu plus de 4 ans après la fin de Derek, sa précédente série. After Life que Gervais a donc non seulement créée, mais aussi écrite et réalisée, tout en jouant le premier rôle. Et si ce n’est pas la première fois que l’artiste occupe tous les postes stratégiques de cette façon sur une série ou un film de son cru, on est tout de même en droit de considérer After Life comme l’une de ses œuvres les plus importantes. C’est également à n’en pas douter la plus personnelle…
Continuer à vivre…
Chacun des 6 épisodes de la première saison (et peut-être unique) d’After Life commence par une scène durant laquelle Tony, le personnage incarné par Ricky Gervais, regarde l’une des vidéos enregistrées par sa défunte épouse. Sa femme qui lui donne des conseils pour continuer à vivre sans elle, en lui rappelant la nécessité de continuer à sourire, à se montrer bon avec les autres et à ne pas s’enfermer sur lui-même. Mais Tony ne peut pas s’empêcher de sombrer… Sombrer dans le chagrin, le cynisme, la mélancolie… After Life est une réflexion sur le deuil. Il s’agit probablement de l’œuvre la plus personnelle de Gervais car ici, il donne tout et se dévoile d’une manière tellement désarmante qu’il semble difficile de rester indifférent. Du début à la fin, After Life démonte les mécanismes du mélo en s’en appropriant les codes. Autrement dit, la série ne se montre pas tire-larmes mais s’avère tout de même terriblement émouvante dans sa façon d’exprimer des émotions fortes sans prendre de détours.
Remonter la pente
Le récit prend pied dans une petite bourgade anglaise. Une ville tout à fait charmante, dont les petites rues, les maisons aux façades bien entretenues et le caractère finalement presque trop propre, amplifie paradoxalement le discours que tente d’illustrer Ricky Gervais. Il nous donne l’impression que son histoire se déroule en vase clos, avec ses habitants occupant tous une fonction et ces endroits eux aussi alloués à l’expression d’émotions bien précises. Au milieu de cette dynamique Tony/Ricky avance avec rage, la colère au ventre et cette envie d’en finir, alors que le monde continue de tourner, alimentant de son absurdité son ressentiment et son désir de suicide. On sait Ricky Gervais très militant. Pour la cause animale notamment. Avec After Life, il en profite pour exprimer certaines de ses convictions. L’amour que Tony porte à son chien, au début le seul point d’ancrage restant après le décès de sa femme (« je voulais me tuer mais ma chienne avait faim et je devais la nourrir » dit-il en substance), illustre l’attachement de Gervais aux animaux, alors que nombre de séquences, très cyniques, où est soulignée la bêtise inhérente aux humains, font elles aussi écho à certains des combats que mène l’acteur au quotidien, sur les réseaux sociaux ou ailleurs. C’est aussi pour cela qu’After Life est son travail le plus intime. Car Ricky Gervais s’y dévoile comme jamais, en tombant le masque et en organisant, épisode par épisode, la déliquescence d’un cynisme que son personnage brandit tel un super-pouvoir en début de récit.
Une série courageuse
Sortir une série comme celle-là, aujourd’hui, pour un mec comme Ricky Gervais, est très courageux. Pourquoi ? Car il ose se mettre à nu donc et n’a jamais peur de jouer avec des codes que d’autres utilisent régulièrement pour sombrer dans la mièvrerie. Il y a aussi tout ce que Gervais exprime sur la société moderne, en filigrane, sans en avoir l’air. Ça aussi c’est courageux. À l’inverse des œuvres, peut-être plus américaines, dans lesquelles les bons sentiments vont souvent de pair avec la foi chrétienne, After Life, au contraire, rejette toute référence à la religion, sinon pour justement la critiquer. On sait Ricky Gervais athée et c’est ce qui rend aussi son discours et la façon dont il orchestre tout ceci, aussi déchirant. Parce que Tony n’agit pas pour flatter une puissance supérieure. Il vit le moment et si il décide de changer, mais encore faut-il y parvenir, ce n’est encore pas pour décrocher la rédemption vis à vis de Dieu, mais simplement pour tenter de s’améliorer en tant qu’être humain et, à son échelle, jouer un tout petit rôle dans l’amélioration du monde dans son ensemble.
Une démarche audacieuse donc, parfaitement mise en image, avec douceur mais aussi parfois une certaine malice, nourrie par un second degré bel et bien présent. Les acteurs sont tous remarquables. Tout le temps dans la nuance, jamais dans l’excès. À l’image de Ricky Gervais, dont la mélancolie habite chaque parcelle de cette histoire terriblement émouvante, alors que quelque-part, l’espoir et la lumière tentent de percer pour changer la donne. Triste, After Life l’est assurément. Mais elle est aussi surtout lumineuse. Et puis c’est drôle. Souvent. Un tour de force.
En Bref…
Ricky Gervais détourne les codes du mélo pour les faire siens et livre une série très émouvante, magnifiquement écrite et interprétée, intelligente, drôle et pertinente. 6 épisodes pour raconter une histoire qui touche en plein cœur, de bien des façons.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Netflix