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Ndeye Fatou Kane : Vous avez dit féministe ?

Par Gangoueus @lareus
Ndeye Fatou Kane : Vous avez dit féministe ?
Il n’est pas bon actuellement, quand on est homme de prendre position sur certains sujets. On a d’ailleurs plus intérêt à faire profil bas. J’ai lu un essai, je vais le commenter sans autre forme de procès. Un texte très actuel proposé par Ndeye Fatou Kane...
C’est le troisième texte publié par l’auteure sénégalaise. Un ouvrage dans lequel Ndeye Fatou Kane tente de présenter plusieurs prises de paroles de femmes et d’un homme sur le féminisme aujourd’hui, ses enjeux, ses différentes formes d’expression. Suivons donc Ndeye Fatou Kane dans sa présentation :

Paroles d’essayistes et de romancières.

Ndeye Fatou Kane choisit 4 femmes de lettres francophones : Simone de Beauvoir, Awa Thiam, Mariama Ba et Chimamanda Ngozi Adichie. Elle essaie de mettre en exergue le discours de ces femmes en présentant soit le s axes principaux du propos de Simone de Beauvoir, soit le contexte de la production littéraire d'une auteure majeure (Mariama Ba), les positionnements singuliers d’Awa Thiam ou de Chimamanda Ngozi Adichie sur des problématiques ou des violences qui impose cette radicalité. Le premier réflexe du lecteur que je suis après cette présentation, c’est de se procurer et d’avoir un avis personnel sur Le 2ème sexe de la féministe française, d’aborder La parole aux négresses et de traiter les essais et comprendre les interventions de plus en plus féministes de l’écrivaine nigériane Chimamanda N. Adichie. A propos des développements de Simone de Beauvoir, Ndeye Fatou Kane rappelle le contexte de la production de ses positions pour le moins radicales. Ce travail de contextualisation est engageant et permet de situer des sentences assimilant le mariage à un espace similaire à la relation d’un client avec une prostituée. Les analyses de Simone de Beauvoir sur la condition de la femme de son époque font énormément écho à des problématiques actuelles où les rapports de domination dans un espace où le capitalisme renforçait(ce) la position de l'homme au détriment de celle qui n’était (est) pas directement au service d’une société de production.
Avec Awa Thiam, on est sur une approche beaucoup « locale » se déterminant par une dénonciation des processus de mutilation de la femme dans les sociétés traditionnelles et urbaines d’Afrique de l’ouest et d’Afrique de l’est. Ici, tant le sujet que la forme sont intéressants à analyser et à redécouvrir (l'ouvrage date de 1977).
J’ai une lecture très romantique de Mariama Bâ. J’aime sa subtilité et l’efficacité avec laquelle, elle a su rendre universelle certains sujets aussi complexes que la polygamie ou le mariage mixte - du point de vue de la femme - dans une société sénégalaise extrêmement conservatrice et frileuse sur ces thèmes. Ndeye Fatou Kane rappelle le travail de la critique Mame Coumba Ndiaye qui donne une idée très  précise du positionnement dans sa société de Mariama Bâ, loin d’être une romancière enfermée dans une tour d’ivoire et donnant des leçons derrière les mots. On comprend que Mariama Bâ est plus proche d’Aïssatou que de Ramatoulaye. Ses choix de vie se sont inscrits dans l’expression d’une liberté toujours entretenue et défendue.
Chimamanda Ngozi Adichie est quant à elle adepte d’un happy féminism, un féminisme heureux. Posture qu’elle défend dans une lifestyle et une attitude loin des clichés touchant certaines représentantes du féminisme occidental. On comprend pourquoi Ndeye Fatou Kane est aussi proche de l’écrivaine nigériane. Les questions qui conduisent ces deux femmes à aborder le féminisme sont les mêmes. On lit entre les mots et les lignes que Adichie est tout de même dans un entre-deux très intéressant, permettant de faire face au déni et aux tentatives de discrédit de nombreuses femmes nigérianes qui la renvoient à ses références occidentales supposées, et une démarcation des aspects discutables d’un féminisme occidental...
Ndeye Fatou Kane : Vous avez dit féministe ?
Je suppute. Parce qu’il faut que je lise ces auteures. Peut être que l’analyse de Ndeye Fatou Kane aurait gagné à avoir plus de profondeur.

Paroles d’un sociologue Jean-Aimé Dibakana Mouanda

Il y a quelque chose de paradoxal dans cet ouvrage. Tout d’abord, la contribution du sociologue congolais n’est pas annoncée. Pourtant elle est centrale par la qualité de l’analyse proposée sur la question du féminisme contemporain, son actualité et surtout ses variantes incompatibles avec certaines pratiques culturelles et conceptions du groupe, du collectif en Afrique centrale. Cette prise de parole masculine au coeur d’un ouvrage ouvertement féministe est un pari osé. Jean-Aimé Dibakana Mouanda est également un excellent romancier qui déploie de remarquables personnages féminins dans ses ouvrages. Je pense particulière à La brève histoire de ma mère, roman paru aux éditions Acoria il y a quelques années. L’homme de lettres congolais dans sa contribution tente de répondre à trois questions : « Le féminisme sert-il (encore) à quelque chose ? », « Les valeurs féministes sont-elles universelles? » , « Le féminisme ne dessert-il pas les femmes ? » . Chacune, chacun appréciera la démarche de Jean-Aimé Dibakana Mouanda et ses arguments.
Un livre qui donne envie de découvrir d’autres ouvrages et d’approfondir la thématique abordé, selon moi, a réussi une partie de sa mission. C’est le cas de ce travail proposé par Ndeye Fatou Kane.  
Ndeye Fatou Kane, Vous avez dit féministe ?Editions L'Harmattan Sénégal, première parution en 2017

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