Partager la publication "[Critique] US"
Note:Titre original : Us
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jordan Peele
Distribution : Lupita Nyong’o, Winston Duke, Elisabeth Moss, Tim Heidecker, Shahadi Wright Joseph, Evan Alex…
Genre : Horreur/Épouvante
Date de sortie : 20 mars 2019
Le Pitch :
Les Wilson décident de passer quelques jours sur la côte. Un soir, un groupe fait brutalement irruption dans leur maison. Les Wilson qui ne tardent pas à s’apercevoir que leurs assaillants leur ressemblent traits pour traits…
La Critique de Us :
Personne n’aurait misé sur Jordan Peele en tant que nouveau maître de l’horreur. Évoluant dans un registre comique, Peele a pourtant pris son monde à revers en livrant en 2017, le tétanisant Get Out. Un vrai film d’horreur, perturbant au possible mais aussi très virulent dans sa manière d’aborder des problématiques inhérentes à l’administration en place à la Maison Blanche. Moins de deux ans plus tard, le réalisateur revient à la charge avec Us, un nouveau trip d’épouvante, toujours réalisé sous la houlette du producteur Jason Blum, d’après un scénario totalement original qu’il a également signé. Alors, Us, nouveau classique instantané du genre ?
Us and Them
Précédé de trailers pour le moins énigmatiques, Us a su conserver un certain mystère concernant son pitch jusqu’à sa sortie en salle. Une bonne chose. C’est donc sans trop savoir où Jordan Peele va nous amener que l’on suit cette famille bien sous tous rapports pendant ses vacances sur la côte californienne. Cela dit, l’introduction, très efficace, a su nous titiller suffisamment pour nous persuader que les choses ne tarderont pas à déraper. Dans sa première partie, Us confirme le talent de Peele et s’avère sur bien des aspects exemplaire. Débutant comme un home invasion pas si classique, il prend ensuite à revers, avec ses sosies tueurs s’exprimant uniquement par des grognements pour le moins inquiétants et se transforme en une sorte de slasher frénétique. Derrière la caméra, Peele fait preuve d’une maestria certaine, en évitant tout d’abord d’avoir recours à des effets opportunistes puis ensuite en organisant, grâce à d’habiles mouvements de caméra, la montée en puissance d’une angoisse bien réelle. Mais Peele s’évertue à tabler sur un humour assez problématique. Car oui, Us sait aussi être drôle. Pas un problème en soit si ce n’est que les rires cassent un peu cette montée en puissance et empêchent la peur de s’installer durablement. On se dit au début que cela ne va pas durer mais si, ça dure. Notamment à cause du personnage du père, au départ très sympathique mais au bout d’un moment un peu usant car toujours dans un décalage un peu hors-sujet.
Inversion des rôles
Cette volonté de toujours garder une bonne vanne à portée de main empêche Us de véritablement atteindre sa cible. On peut ainsi dire qu’il a constamment le cul entre deux chaises lors de sa première partie. Après, quand la situation est plus ou moins claire et que le concept, au passage pas si redoutable, est dévoilé, le film se fait plus sérieux mais se pose alors un autre soucis. Confiant dans ce qu’il a écrit, Peele y va franchement et se montre un peu plus brouillon dans son exécution. Dans son écriture aussi mais au fond, c’est logique. On apprécie la recherche d’originalité et la faculté de Us à surprendre en embrasant plusieurs genres, rappelant La Quatrième Dimension (que Peel est d’ailleurs en train de remaker) et les écrits de Stephen King ou Richard Matheson. Mais justement, n’est pas King ou Matheson qui veut et Peele, bien souvent, se prend les pieds dans le tapis, croulant sous le poids d’ambitions démesurées et d’une prétention de plus en plus tangible. Surtout qu’en l’occurrence, si on peut choisir de voir ici une allégorie sur le vivre ensemble et sur l’Amérique d’aujourd’hui, il faut quand même bien chercher la satire. Beaucoup moins malin, mais paradoxalement plus frontal que Get Out, Us brouille les pistes mais ne le fait pas de manière très convaincante.
Cauchemar éveillé
Alors dit comme ça, on pourrait croire que Us n’est pas un bon film. Il convient donc de mesurer cette critique pour se focaliser sur les qualités. Car le film, qui aurait pu être autrement plus tétanisant et donc convainquant, parvient néanmoins à toucher au vif sur certains points. On saluera en premier lieu ces scènes qui, entre deux traits d’humour, font monter la pression en flèche. Us sait se montrer brutal et sauvage et c’est quand il embrase totalement le style horrifique que Peele marque le plus de points. La mise en scène est aussi bien sûr convaincante, à défaut d’être virtuose en permanence. Il y a ensuite Lupita Nyong’o. En portant Us sur ses seules épaules, elle se montre à la fois terriblement charismatique mais aussi remarquable d’intensité. Y compris quand son personnage est confronté à son double, la peur se lisant dans les yeux de l’actrice alors qu’en face, elle parvient dans un même élan à composer avec les traits d’une femme sortie d’on ne sait où, habitée d’une rage parfaitement incarnée. Rien que pour elle, pour sa présence et la complexité de son jeu, Us vaut le déplacement. Pour le reste, difficile d’être totalement conquis tant Peele échoue à plusieurs reprises à totalement illustrer ses idées. Jusqu’à ce dénouement, définitivement bancal, bien qu’efficace au premier abord…
En Bref…
Us n’est ni aussi malin, ni aussi complexe, ni aussi effrayant ou concerné que Get Out. On est ici en face d’un home invasion un peu prétentieux, au mieux efficace et sauvage, au pire bancal et ampoulé. Heureusement, tout du long, Lupita Nyong’o fait des pieds et des mains pour incarner la peur. Si Us parvient parfois à susciter quelques frissons, c’est aussi grâce à elle.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Universal Pictures International France