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[Critique] THE DIRT

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] THE DIRT

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Note: ★★★★★

Titre original : The Dirt

Origine : États-Unis

Réalisateur : Jeff Tremaine

Distribution : Douglas Booth, Daniel Webber, Machine Gun Kelly, Iwan Rheon, Leven Rambin, David Costabile, Rebekah Graf, Courtney Dietz, Tony Cavalero, Christian Gehring…

Genre : Biopic/Drame/Adaptation

Date de sortie : 22 mars 2019 (Netflix)

Le Pitch :

Los Angeles, Sunset Trip, 1981. Nikki Sixx, ancien bassiste du groupe London, fait la rencontre de Tommy Lee, un jeune batteur aussi jovial qu’incontrôlable. Rapidement, les deux musiciens recrutent le guitariste Mick Mars sur petite annonce. À la recherche d’un chanteur, ils finissent par tomber sur Vince Neil, alors frontman d’un groupe de reprises. Ensemble, ils forment Mötley Crüe, le groupe de heavy metal le plus bruyant et le plus outrancier que le monde ait connu…

La Critique de The Dirt :

Mai 2001. The Dirt, l’autobiographie de Mötley Crüe, sort en librairie aux États-Unis. Tommy Lee, Vince Neil, Nikki Sixx et Mick Mars, aidés par l’écrivain Neil Strauss, y racontent l’incroyable ascension de leur groupe au début des années 80. Mais le livre n’est pas seulement une success story. Tout y passe : la déchéance, les parties fines dans les chambres d’hôtel complètement ravagées, la drogue et les tragédies ayant émaillé l’existence de ces quatre amis lâchés sur une autoroute, sans aucune limitation de vitesse et sans ceinture de sécurité… Il a fallu 10 ans à Mötley Crüe pour parvenir à faire exister le film adapté de ces fameuses mémoires. Un projet qui a commencé à ressembler au genre d’Arlésienne que le monde de la musique enfante parfois dans le chaos. Mais comment blâmer les producteurs frileux devant un tel truc ? Parce qui si The Dirt devenait un long-métrage, il fallait absolument qu’il colle au bouquin et donc à la vie du Crüe. Il fallait qu’il aille vite, qu’il tape fort et qu’il fasse mal.

Quand le casting fut annoncé, après plusieurs années de silence, les choses se sont néanmoins rapidement enclenchées. Netflix était sur le coup, Jeff Tremaine, réalisateur attitré de Jackass, également, et Nikki, Mick, Vince et Tommy, dégagés des obligations du groupe (ils ont donné leur ultime show en 2015), plus que jamais motivés. Netflix justement, offrit toute la liberté de mouvement nécessaire au bon déroulement des opérations. Chez Universal, Warner ou n’importe quel autre mastodonte, Mötley Crüe n’aurait pas pu livrer le film qu’il nous ait été donné de voir aujourd’hui. Impossible. Surtout pour une exploitation en salle. On voit ce que ça a donné avec Bohemian Rhapsody qui, s’il demeure un excellent biopic, émouvant et vibrant, élude les parties les plus scandaleuses de la vie de Freddie Mercury et des siens. The Dirt est d’ailleurs déconseillé aux moins de 18 ans. Un avertissement qui en dit long sur le respect qu’il porte à l’œuvre originelle et à ses personnages, ces quatre types aussi timbrés que géniaux, au centre d’une authentique tragédie rock and roll.

The-Dirt-cast

Theatre of Pain

La bonne nouvelle (une parmi d’autres) est que The Dirt le film, colle parfaitement à The Dirt le livre. Y compris dans sa narration. Chaque musicien prend à son tour la parole, brisant à plusieurs occasions le quatrième mur pour s’adresser directement à nous. Un procédé véritablement exploité. Tout spécialement quand la version des uns ne colle pas forcément avec celle des autres. Comme cette scène où est racontée la rencontre du groupe avec son manager, avant que Mick Mars n’intervienne pour dire que tout ce que nous venons de voir ne s’est pas du tout déroulé comme ça. Brillant. Le film fait ainsi preuve de beaucoup de minutie. Les trois scénaristes engagés ont très bien saisi l’essence du bouquin et si on pouvait craindre que certains événements importants sautent au profit d’autres, peut-être plus anecdotiques mais aussi plus spectaculaires, il n’en est rien. The Dirt exploite remarquablement bien sa durée (1h47) et effectivement, ça va vite, ça tape fort et ça fait mal. Très mal même.

Kickstart My Heart

Le film débute alors que le groupe se forme avec un flash back centré sur Nikki Sixx. Après tout, ce fut toujours lui le vrai leader du combo. C’est aussi le premier à prendre la parole. Il se concentre ensuite sur la montée en puissance de Mötley et passe aux tragédies. À la mort de Razzle, le batteur d’Hanoï Rock, à l’overdose de Sixx ou encore à la maladie incurable de Mick Mars. Les ruptures de ton sont nombreuses et parfaitement gérées. Les séquences de fêtes, avec sexe, alcool et drogues à profusion laissent peu à peu la place à quelque chose de plus viscéral. L’humanité de ces musiciens surdoués mais incroyablement barjots, est soulignée au fil de séquences parfois déchirantes. Tout spécialement en ce qui concerne Vince Neil. Résultat, The Dirt pousse tous les potards dans le rouge, à tous les niveaux, avant de faire preuve d’un sérieux à toute épreuve, sans que cela n’apparaisse brutal. Au contraire même. Le schéma est certes classique, montée puis violente descente et remontée, mais la façon dont il est ici illustré et raconté , force en permanence le respect. Tout spécialement quand on est fan du groupe, qu’on a lu le livre et qu’on attendait le film.

Live Wire

À la réalisation Jeff Tremaine impressionne. Que ce soit dans la direction d’acteurs ou dans cette faculté à pénétrer les coulisses d’un authentique mythe heavy metal sans se défaire d’une énergie constante et d’une justesse absolue. Parfois proche du documentaire, The Dirt vise juste et se montre plus qu’immersif. La reconstitution du Strip et des concerts aurait pu souffrir du caractère modeste de la production mais non. On y croit, les astuces déployées par le réalisateur et les responsables de la production design font mouche et à la fin, on s’y croirait vraiment. Que ce soit quand le groupe enflamme la scène, quand Tommy Lee déboule pour s’enfermer dans une cage qui tourne à 360 degrés au-dessus des autres musiciens ou quand le Crüe se retrouve au Rainbow . En cela, la séquence qui voit Tommy Lee résumer une de ses journées types, fait partie des choses le plus réussies et les plus enthousiasmantes vues dans un film du genre depuis des lustres.

Et puis il y a les acteurs. Machine Gun Kelly fait un Tommy parfait. Même gueule, même carcasse, même folie. Parfait ! Dans le rôle de Mick Mars, Iwan Rheon assure comme une bête et fait oublier qu’au fond, il ne ressemble pas vraiment à son modèle. Un peu comme Daniel Webber, dont le Vince Neil est à la fois pathétique, flamboyant et émouvant. Seul un grand acteur pouvait à ce point capturer l’essence d’un tel personnage sans le faire passer soit pour le dernier des cons, soit pour une espèce d’idole intouchable et forcément trop lisse. Douglas Booth pour sa part, fait un Nikki Sixx solide. En permanence sur la brèche, il a tout compris, aidé par le Sixx original et rend justice au talent et à la prestance du bassiste songwriter. Enfin, on peut aussi souligner que Rebekah Graf, qui campe Heather Locklear, ressemble vraiment à Heather Locklear. Le genre de détail important pour donner un surplus d’authenticité.

Saints of Los Angeles

Il y a de grandes chances que The Dirt passe un peu inaperçu auprès du grand public. En France tout particulièrement. C’est assez injuste par rapport à un mastodonte comme Bohemian Rhapsody, encore lui, car The Dirt se montre profondément honnête envers son sujet et son public. On peut affirmer qu’il a réussi l’impossible et demeure à ce jour l’un des seuls biopics du genre qui ose y aller franco. Dès la scène d’ouverture, Tremaine et son équipe semblent le crier haut et fort : « oui, l’interdiction aux moins de 18 ans est justifiée. Oui, nous avons fait un film sur Mötley Crüe et non sur Muse, Coldplay ou n’importe quel autre groupe de pisse-froid. » Imaginez plutôt : les mecs ont choisi d’illustrer le passage le plus hardcore de la tournée avec Ozzy Osbourne. Si vous savez de quoi on parle ici… et bien vous savez. Si ce n’est pas le cas, dites-vous que tout ce que vous voyez à l’écran est vrai. Tout. Alors probablement que la réalité fut pire, dans bien des cas, mais il faut vraiment louer The Dirt pour cela. Il faut aussi saluer Mötley Crüe. Comme Brian May et Roger Taylor, Sixx, Lee, Mars et Neil ont participé à la production. Ils ont mis du pognon sur la table et ont supervisé le tournage, surtout Lee et Sixx, assumant un passé houleux, au risque de se prendre une nouvelle fois par la tronche des seaux de merde. Car il en fait des couilles pour sortir un film comme celui-là à notre époque. Il en faut du courage pour s’exposer de la sorte dans notre société phagocytée par une bien-pensance bien souvent gangrenée par une hypocrisie crasse. À l’heure où cette critique est publiée, des articles commencent à fleurir sur la toile pour critiquer le film et donc le groupe. Mais Mötley Crüe est au-dessus de tout ça. Après tout, à eux quatre, ces cinglés ont changé pas mal de choses, prenant un max de plaisir au passage, avant de perdre un nombre dangereusement élevé de plumes, voire carrément la raison. Aujourd’hui, le film est là et bien là. Il n’est pas passé par la case cinéma et c’est dommage mais ce n’est pas grave non plus. Un film important dans l’histoire du biopic rock et, n’ayons pas peur des mots, du heavy metal. Pour ce qu’il représente, pour ce qu’il raconte et pour ce qu’il réussit.

En Bref…

Jeff Tremaine raconte la trajectoire fulgurante de Mötley Crüe avec une énergie, une inventivité et une pertinence ahurissantes. Porté par un casting massif, rythmé par les tubes du groupe, visuellement superbe, fou, furieux, outrancier, scandaleux, mais aussi galvanisant, surprenant, audacieux et émouvant, The Dirt est plus qu’un grand film rock. C’est le film que Mötley Crüe méritait.

@ Gilles Rolland

The-Dirt-Motley-Crue
Crédits photos : Netflix

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