Jusqu'ici je n'avais jamais lu d'ouvrages signés Anne WIAZEMSKY, et pourtant plusieurs fois sa prose apparemment simple, le ton intime des quelques pages feuilletées ici et là m'avaient attiré.
L'auteur, je l'ignorais, est la petite fille d'un certain François Mauriac, patriarche des Lettres françaises dans leur héritage fin-dix-neuvièmiste. Le jeune Mauriac était un fervent admirateur de Barrès, le vieux Mauriac butta contre la modernité de Sartre. On peut donc résumer en disant que François Mauriac a incarné la perpétuation d'une certaine tradition littéraire nationale, cultivée mais bien pensante, authentique mais imbibée de religion, inventive mais bornée.
Je n'évoque pas ici la généalogie de l'auteure pour le plaisir, ni pour l'ornement, mais parce que le respectable grand-père a quelque chose à voir avec ce dont il s'agit ici. Anne Wiazemsky a 17 ans ; une amie la présente à Robert Bresson ; il la trouve à son goût et la débauche tout un été pour tourner Au hasard Balthazar.
Le récit est au passé. Les souvenirs tissent un fil narratif chronologique, sans remous ni révélation. Les événements ne sont pas tournés en événementiel, les sentiments de la jeune héroïne ne sont pas particulièrement exacerbés (ceux de Bresson le sont parfois). Bref ça pourrait être très plat tout ça.
Et pourtant il y a vraiment quelque chose dans le ton, dans l'écriture de Wiazemsky qui parvient à nous intéresser à ses souvenirs sans nostalgie, à ses amours sans affect, à tout ce qu'elle découvre enfin sur le cœur humain, sans tomber dans la sentence. Dans le regard d'une lycéenne, les décisions des adultes apparaissent parfois désordonnées, souvent injustes. Mais eux ne changeront pas : c'est elle qui va grandir cet été là. Non pas devenir une femme, comme elle le croit après avoir pour la première fois fait l'amour avec un homme, mais devenir écrivaine (d'abord en tenant un journal quotidien).
C'est le récit des quelques semaines pendant lesquelles Anne Wiazemsky s'est ouverte à sa propre sensibilité. J'aimerais beaucoup lire un autre livre de cette auteure pour retrouver ce ton juste et délicat avec lequel elle se livre au lecteur. Alors Canines ? Des filles bien élevées ? Un autre ? Si vous avez des conseils à me donner, je suis preneur.
209 pages, coll. Folio - 5,80 €