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Ciné-Journal #12 : le sourire du Joker

Publié le 04 avril 2019 par Franck Lalieux @FranckLalieux

Évènement de la journée, la diffusion d'une première bande-annonce pour le Joker de Todd Philips et Joaquin Phoenix. Le projet - atypique dans le cadre d'une production intense autour d'adaptations de comics interchangeables et désespérément sans idées, tous plus fades les uns que les autres - a de quoi titiller le cinéphile amateur du personnage. Lancé sous le patronage prestigieux d'un Scorsese à la production qui depuis s'est finalement désisté, la volonté du réalisateur de Very Bad Trip de centrer un film entier sur le Clown Prince du Crime, ennemi de la chauve-souris de Gotham, en exposant ses traumas et sa vie minable de comédien raté a de quoi faire saliver.

Ciné-Journal #12 : le sourire du Joker

Après nous avoir dévoilé une première affiche, figurant un Joker dans la posture lyrique d'un comédien ensanglanté s'apprêtant à saluer son public après une représentation triomphale, ne restait plus qu'à découvrir un aperçu de l'ensemble en mouvement pour se faire une petite idée de la direction esthétique prise par l'équipe, au sein d'un film libre de tous les canons de " l'univers cinématographique DC " et jouissant d'un budget inférieur à tout ce qui a précédé.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le long métrage semble avoir digéré une certaine parenté avec deux oeuvres de Scorsese. Arthur Fleck, appelé à devenir le Joker, semble être un Travis Bickle perdu dans un Gotham en proie à la violence et qui le rejette. Un parcours psychologique qui l'amènera à franchir toutes les barrières qui, en règle générale, nous contiennent pour bien nous comporter en société.

De manière plus évidente encore, le film semble faire écho à un autre film du duo Scorsese/De Niro : La Valse des Pantins. Dans ce film De Niro incarne un comédien raté, persuadé d'être un grand talent comique, qui va jusqu'à kidnapper l'animateur vedette d'une émission de télévision, incarnée par Jerry Lewis, afin que ce dernier ne l'invite dans son show. Une bonne partie de cette bande-annonce de Joker nous montre Arthur Fleck tenter d'être un clown de rue, de faire du stand-up jusqu'à s'inviter sur une grande scène, introduit par... Robert De Niro.

Les passerelles entre toutes ces oeuvres sont, dans ces courts passages en tout cas, évidentes et montrent bien que l'ambition du film se situe ailleurs que de ne refaire qu'un énième film de super-héros ou de super-vilain de plus. La photographie est magnifique, assez contrastée, dans la lignée finalement de ces thrillers urbains des années 70. Et Joaquin Phoenix crève l'écran, maigre et inquiétant, au rire parfaitement travaillé.

On remarquera que pour rythmer cette bande-annonce, le cinéaste, les monteurs, ou le studio..., ont choisi une version du morceau Smile chantée par Jimmy Durante, acteur, humoriste et compositeur mort en 1980 (le film se déroule dans les années 80). Smile est à la base un morceau sans paroles de Charlie Chaplin composé pour illustrer la romance dans son chef-d'oeuvre Les Temps Modernes. On lui ajouta plus tard un texte et des artistes comme Nat King Cole l'interpréteront. L'observateur attentif aura d'ailleurs noté qu'Arthur Fleck, à un moment donné, se fait refouler de l'entrée d'un bâtiment (le Wayne Hall) qui affiche en façade le visage de Chaplin pour, justement, une re-sortie du film Les Temps Modernes.

Malgré cet enthousiasme, on ne saura être trop prudent en anticipant le résultat final. Il ne s'agit que d'un film de Todd Philips, pas d'un Scorsese (au hasard), mais l'homme sait être bon technicien, et gageons qu'avec ce matériau il puise suffisamment d'inspiration pour transcender sa technique.

On notera aussi que Batman n'est pas tout à fait absent du film, puisque Bruce Wayne apparaît sous les traits de Dante Pereira-Olson (qui incarnait, dans A Beautiful Day de Lynne Ramsay, le personnage de Joaquin Phoenix dans ses jeunes années), le jeune garçon qui se fait tirer une grimace par Arthur Fleck.

En tout cas, les réactions sur les réseaux soulignent souvent le caractère atypique du projet. Certains ne savent pas le situer par rapport aux autres films de super-héros de la marque et restent dubitatifs, quand d'autres regrettent une énième " origin story ", comme s'il fallait absolument lire ce film à travers une grille de lecture formatée au film standard de super-héros. Symptomatique d'un paysage cinématographique arrivé à saturation sur ces personnages, ne se contentant que de variations sur les mêmes recettes. Il serait pourtant malavisé d'appliquer à ce Joker les sempiternels canons en vigueur du film de super-héros. Ni " origin-story ", ni spin-of, ni prequel, sequel, reboot ou que sais-je, seulement l'étude d'un personnage - certes emblématique - et de ses traumas, des traumas d'une société peut-être, dans la foulée, mais aussi du rejet et de la folie qui guette au coin de la rue. Un beau programme qui se suffit à lui-même.

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