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Les Boîtes en carton

Publié le 06 avril 2019 par Adtraviata

Les Boîtes en carton

Quatrième de couverture :

Les Boîtes en carton, qui fit connaître Tom Lanoye en Flandre, est l’histoire d’un gamin issu d’un milieu populaire qui, lors d’un voyage scolaire organisé par une caisse d’assurance, au début des années soixante, tombe amoureux d’un des garçons qui participe à l’excursion. L’homosexualité approchée sans tabou fit le succès du livre mais, au-delà de cette relation aujourd’hui encore sulfureuse dans un pays catholique, l’auteur brosse une galerie de portraits criants de vérité, souvent cruels et hilarants. Avec cet art de la caricature et du burlesque qui a enchanté les lecteurs de La Langue de ma mère,Tom Lanoye parvient à nous faire revivre cette période de l’après-guerre avec ses poncifs et son euphorie, et cette région, la Flandre, qui faisait, alors, complètement partie de la Belgique.

« Ceci est la relation d’un amour banal et de son pouvoir dévorant. » Ainsi commence Les Boîtes en carton, roman largement autobiographique de Tom Lanoye, tout comme La langue de ma mère. Si, dans cet opus, l’auteur explique comment ses parents ont accueilli son homosexualité, ici il raconte comment celle-ci s’est révélée à lui quand il était enfant.

« Ceci est la relation d’un amour banal et de son pouvoir dévorant. Il m’est tombé dessus au début des années septante dans la très laide ville provinciale de P. L’objet de cet amour : celui que je puis maintenant, depuis trois ans à peine, qualifier de gars parfaitement ordinaire, mais qu’avant cela j’ai appelé dans mon for intérieur de tous les noms que le monde ait jamais inventés pour désigner tout ce qui est inaccessible et ardemment désiré, tout ce qui vous défie et déchire, tout ce qui est beau et dingue à la fois. Son vrai nom était Z.

Je l’ai rencontré pour la première fois à l’âge de dix ans. Je m’en souviens avec précision, notre rencontre eut lieu lors d’un voyage organisé par la caisse d’assurance maladie. Pas que Z. ou moi fussions incurables ou même très légèrement tubards. C’était un voyage offert à un prix ridiculement bas à tous les garçons de dix ans dont les parents étaient assurés contre maladies et mutilations. Officiellement parce que l’organisation espérait que ces enfants grandiraient dans la prospérité et la santé éclatante. En réalité parce que cette caisse, qui avait pour nom Mutualités Chrétiennes, était engagée dans une concurrence forcenée avec l’autre caisse, celle des sans Dieu, les Mutualités Socialistes. »

Tom, le narrateur, construit son roman en quatre parties, quatre boîtes en carton qui ont jalonné son enfance et son adolescence : la valise en carton fournie par la Mutualité chrétienne pour son premier camp de vacances en Ardennes à l’âge de dix ans, l’année où il rencontre Z. (l’occasion pour Tom de parler des femmes de sa vie : sa soeur aînée qui l’adorait, Wiske l’amie de la famille devenue sa presque soeur, sa marraine Pit Germaine et sa magnifique logorrhée verbale et bien sûr, Josée, sa mère chérie), la deuxième valise lors du camp en Suisse à quatorze ans, alors que Tom explore jusqu’à plus soif les joies et les douleurs du « plaisir solitaire » (il y a des scènes à hurler de rire – épatant ce qui se passe dans la tête d’un jeune ado) ; la boîte à photos et la boîte à archives du collège catho où Tom et Z. se retrouvent dans la même classe (on est dans les années soixante et les curés font semblant d’évoluer avec leur temps) et nouent une amitié qui sera source d’éblouissements et de douleurs profondes pour notre écrivain en herbe : c’est aussi le temps des blagues potaches, des profs marquants (des curés sobrement surnommés le Boche le Jap et Mussolini, ce dernier étant  la plume du mouvement flamingant, tous éveillant leurs étudiants à la littérature flamande et universelle), le temps d’un voyage scolaire en Grèce qui cristallisera toutes les attentes de Tom.

C’est un roman qui évoque une tranche d’histoire de la Flandre et de la Belgique, un roman d’initiation, de formation, humaine, amoureuse et littéraire, un roman qui m’a parlé (il y avait une de ces valises en carton à la maison, ma mère y rangeait les boules et les guirlandes de Noël, moi aussi je suis allée en colonie de vacances avec la Mutualité chrétienne – à la mer, les Wallons allaient à la mer, les Flamands en Ardenne – et en Suisse l’année de mes quatorze ans) et dont la fin m’a touchée par le lien qui unit Tom Lanoye à ses lecteurs et par son humour.

« Les autres profs détestaient la dernière heure de la semaine, le vendredi de trois heures dix à quatre heures, parce que les élèves étaient remuants, qu’ils avaient la tête ailleurs, pensant déjà au weekend. C’était justement à cette heure-là que Mussolini consacrait chaque semaine à la lecture de prose. Nous étions envoûtés. Le weekend pouvait attendre. On se tassait sur son banc, on écoutait, on brûlait et on tremblait comme une feuille. Des chapitres entiers du Château de Kafka y passaient, et Crime et châtiment de Dostoïevsky, L’éveil de la glèbe de Knut Hamsun, La Vie et la mort dans le séchoir de Stijn Streuvels, Le Nez et Le Journal d’un fou de Gogol, Mussolini qualifiait L’étonnement de Hugo Claus de chef-d’oeuvre intemporel. Il nous en a lu les vingt premières et les vingt dernières pages. On n’y pigeait rien mais on en était tout retourné. Le lendemain, on allait à la bibliothèque, mais le livre était déjà en prêt. Alors on allait l’acheter à la librairie, il était sur l’étagère du dessous, déjà abîmé. On le lisait, on ne comprenait toujours rien, mais on poursuivait jusqu’à ce que la dernière page soit tournée. C’était beau comme un coup de marteau parfait, ça chantait, c’était dur, c’était vrai. C’était une chose comme il n’en avait jamais existé auparavant. Pas sous cette forme, pas dans cette langue, pas dans ces images; ça n’existait que dans ce livre. Et rien de ce qui existait en dehors de ce livre n’était aussi bouleversant. »

Tom LANOYE, Les Boîtes en carton, traduit du néerlandais (Belgique) par Alain van Crugten, Editions de la Différence, 2013

Les Boîtes en carton

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