
Il existe depuis 14 ans mais je crois que j'y suis allée pour la première fois il y a 7 ans, en 2012. Ce fut cette année les 10-11 et 12 mars autour de 140 invités (chefs, artisans, paysans, vignerons, sommeliers) conviés à partager leur passion de la cuisine avec les festivaliers. Car c’est ça l'esprit Omnivore : échanger ses bonnes recettes et ses impressions avant et après les master-class, dans les couloirs et les ascenseurs puisque la manifestation investit 3 étages. et il serait impossible de rendre compte de tout ce que j'y ai fait mais je vais tenter de restituer l'essentiel.
Forcément, d'année en année on attend beaucoup de ce festival. Des nouveautés, des partenaires motivés et motivants, des jeunes chefs sincères et enthousiastes et des grandes pointures aussi pour apporter un regard sur le long terme et assurer des démonstrations de leur savoir-faire. Ceux qui disent que c'est le Festival de Cannes de la gastronomie ont bien raison et j'avais très envie de consacrer une émission spéciale à cette manifestation. Ce n'est pas une journée que j'y ai passé mais deux, du matin au soir, et elle sera ré-écoutable en podcast à partir du site de Needradio.




On peut ainsi avoir envie d'acquérir l'assiette pliée à angle droit que l'on peut voir dans Top Chef. Son fabricant n'a pas le droit de communiquer à ce propos mais je n'ai pas l'interdiction de vous révéler qui c'est puisque je l'ai reconnue. Et il faut beaucoup de savoir-faire pour oser se lancer dans des techniques complexes comme les tasses carrées, sachant que les arêtes ne sont pas réalisables en porcelaine.


Grosso modo il y a deux types de choses à faire à Omnivore, rencontrer et discuter avec les producteurs ou les partenaires sur leur stand, et assister dans une salle plus ou moins grande à ce qu'on appelle une Scène, qui en fait est une sorte de master-class ou de démonstration, en général se terminant par une dégustation, puisqu'il s'agit tout de même de cuisine.
C'est un des grands plaisir d'Omnivore d'assister à des master-class dans ce grand auditorium au sous-sol de la Mutu, dans une salle immense et pourtant c'est très agréable d'y être dans la position intime d'une conversation entre amis, marquée par la convivialité et un certain humour témoignant que le meilleur régime alimentaire est ... bien entendu... omnivore.
Certaines démonstrations sont plus marquantes que d'autres. Je me souviens encore -il y a six ans déjà- de Pierre Sang, finaliste de Top Chef 2011 coupant des légumes à la mandoline tout en racontant sa manière de cuire un oeuf à 65° pendant une demi-heure, alors que des champignons de Paris rôtissaient dans une vieille cocotte comme le faisait sa grand-mère, avec des échalotes, et de l'ail compotée. On sentait presque l'odeur de noisettes rien qu'en l'écoutant évoquer ses plus anciens souvenirs de cuisine, engrangés depuis l'âge de 7 ans par cet auvergnat d'adoption.
Je me souviens aussi d'Adeline Grattard, chef du Yam'Tcha et de "sa" technique pour faire cuire une volaille en seulement 10 minutes, en la cuisant verticalement, de manière à ce que la graisse se loge dans la cuisse, qui est l'endroit le plus épais, et y bouillonne pour accélérer la cuisson. Cette façon de faire, inspirée du canard laqué, dispense de retourner la viande sur le flanc. Il n'y a même pas à surveiller.
Je n'oublierai jamais Florent Ladeyn et son estaminet (une étoile quand même) où le partage est élevé au rang de vertu. Les plats sont déposés en centre de table. Le pain arrive avec une incision pour donner envie au client d'intervenir en le rompant.

J'ai aussi des souvenirs de Pierre Hermé reconnaissant qu'il ne reste pas campé sur ses positions. Lui qui n'appréciait pas le jasmin a changé d'avis sur les conseils d'un ami. Il insiste sur le fait qu'il faut du temps pour mémoriser les arômes et affiner ses choix, ce que disent tous les grands cuisiniers aussi. C'est Guy Martin qui me l'a appris : il faut gouter 15 fois avant de savoir si on aime ou non.
Je me souviens aussi de Gérard Vives sur la Scène artisan. Gérard est un spécialiste des épices. Il a créé le Comptoir des Poivres, épice roi selon ce fin gourmet qui est aussi cuisinier. Michel Rostang comme Alain Senderens figurent parmi ses clients fidèles. Il est tout de même utile de rappeler que, sauf si on pratique des cuissons à basse température il faut attendre le dernier moment pour poivrer. Qu'il est préférable de choisir une mouture plutôt grosse qu'ultra fine parce qu'il ne perdra alors pas sa puissance aromatique.
Il avait amené un poivre long qui a séduit nos nez par sa fraicheur, son coté végétal, citronné, à peine mentholé, boisé et même cacaoté. Il apprécie les poivres chargés en essence et va les débusquer aux quatre coins de notre planète.
Gérard Vives recommande un poivre pour une recette, à l'instar d'Apicius. Ainsi le poivre long sera un allié précieux en pâtisserie. C'est le poivre blanc qu'il convient d'employer pour le "fameux" steack au poivre. Il nous a encouragé à mener nos propres expériences, par exemple en torréfiant des baies de Setchuan avant de les écraser et de comparer les notes aromatiques en faisant l'opération inverse.

Six scènes avec 140 invités ... Le planning est forcément complexe et le choix hasardeux même si il faut rendre hommage aux organisateurs le planning a été respecté à la minute près, et nous n'avions jamais connu cela à Omnivore.




J'ai assisté à une rencontre entre Guillaume Sanchez (28 ans seulement, pâtissier de formation, depuis un an à la tête de Neso), Christophe Saintagne (qui est passé par le Plaza, le Crillon, le Meurice, et depuis trois ans chef du restaurant Papillon), et Christophe Pelé (ancien de Bigarade, chef du Clarence). On leur a demandé d'explorer les nouveaux codes et les nouvelles frontières de la haute cuisine. Ils ont été d'accord pour dire que la haute cuisine est nécessairement bonne, sincère et généreuse, et pouvant s'exprimer dans un plat aussi simple (d'apparence) que le sandwich, pourvu qu'il soit travaillé de manière intelligente avec des produits d'exception et de saison, en véhiculant un message.
Il ne suffit pas d'apprendre le métier dans des maisons d'exception qui ont reçu toutes les récompenses. Il faut savoir ensuite inscrire sa cuisine dans son époque, héritière d'une tradition mais en ayant aussi intégré les nouvelles pratiques. S'adapter est une nécessité incontournable.

Il insistera sur la fin de la perte en cuisine et bien entendu sur l'emploi des produits de saison.
Ils n'ont pas tous le même point de vue sur le dressage. C'est rarement bon parce que c'est beau. C'est l'inverse. Alors qu'un autre chef aura le besoin viscéral de rendre ses assiettes esthétiques.
Par contre ils sont assez d'accord sur le fait qu'une étoile ne facilitera pas la création en raison des contraintes qu'elle impose. Et surtout ils vont être tous d'accord pour estimer que le sourcing est essentiel.
J'y ai suivi aussi une très intéressante interview de Jean-François Piège, disant que la vie c'est des opportunités, on les prend ou on les prend pas. La liberté c'est décider de ne pas faire, peut-être. Cet homme qui n'a jamais envoyé de CV de sa vie a déroulé son cursus et la philosophie de chacun de ses restaurants pour conclure que la cuisine est un terrain de jeu. L'important c'est ce que vit la personne qui vient s'asseoir.












En matière de jus de fruits était présent (depuis 2014) Alain Millat qui est selon moi, la référence dans le domaine. Chaque produit est la résultante de 3 données qui ne varient pas : une variété, un producteur, une région. Le gourmet peut choisir entre Jus de Raisin blanc Sauvignon, Raisin rosé Cabernet, Raisin rouge Merlot, Raisin Rouge Syrah, Tomate jaune (qui vient de Marmande), Tomate rouge (qui vient de Marmande aussi), Tomate noire de Crimée (qui vient de la Drôme), ou encore Tomate Verte.
On pouvait déguster les 3 derniers de la gamme qui cette fois sont des recettes de citronnade : citron-gingembre, citron-passion et citron-litchi, bio et sans sucre ajouté, évidemment sans aucun additif, de couleurs naturellement différentes, et dont j'aurai l'occasion de reparler plus en détail.

Et le (petit) miracle Omnivore c'est de pouvoir déguster une glace à la monarde, quelques mètres plus loin, parmi les créations de Terre adélice qui a aussi une glace au persil totalement surprenante. C'est une marque implantée dans l'Ardèche et qui a une forte éthique. Ce n'est pas dans leurs produits qu'on trouvera de l'air pour augmenter le volume.
Le visiteur a l'embarras du choix, entre toutes les variétés de beurre de jean-Yves Bordier (quel souvenir que son beurre au yuzu, créé en 2012!), le dernier chocolat de Valrhona, le Tulakalum, un 73% de cacao, avec des fèves du Belize, des olives de Kalamata de Kalios, dirigée par les frères Chantzios qui sourcent les meilleurs produits du terroir grec pour les chefs et épiceries fines, des olives, des huiles d'olive, mais aussi des fruits à coque, des miels, des gressins et des herbes des montagnes.






Ce sont tous de très bons produits dont j'avais eu l'occasion de parler sur le blog, et qui appartiennent à notre patrimoine.









Il y a dans les allées un côté très international. On entend parler toutes les langues. Des chefs viennent du monde entier. De plus, un pays est chaque année mis à l'honneur. Après la Belgique en 2018, c'est le tour des Pays-Bas (où est d'ailleurs installé Koppert Cress) et ce fut une révélation pour moi que d'apprendre que ce pays compte plus de 100 étoiles au Michelin depuis 10 ans.



En terme de tendance culinaire en terme de plats et de recette, ce n'est peut-être pas à Omnivore qu'il faut se rendre mais à Taste of Paris au Grand Palais. J'ai tout de même relevé que Guillaume Sanchez (encore lui) disait que la fermentation est au coeur de sa cuisine, parce que c'est sain et c'est un exhausteur de goût incroyable.

Parmi les chefs il y a des français, j'en ai cité plusieurs au début de l'article, mais on rencontre aussi des grands noms de la scène internationale. Comme par exemple le Suédois Jacob Holmström, le pâtissier québécois Patrice Demers et la pâtissière mexicaine Sofia Cortina (cheffe de Hotel Carlota, Mexico) qui a piloté une master-class en français, s'il-vous-plait.


On peut être élégant et subtil sans ajouter beaucoup de choses. Il n'y a pas besoin de colorant au Mexique car les fruits sont naturellement très colorés. Elle travaille bien sur les churros, l'arroz con leche (le riz au lait), les desserts qui appartiennent à l'héritage espagnol mais en raison du diabète et de l'obésité, deux fléaux au Mexique, elle réduit le sucre, allant même jusqu'à créer un dessert sans sucre. Elle nous a fait goûter le mamey (sorte de papaye un peu molle) et incité à respirer l'odeur de son noyau, qui si on le casse, dégage un parfum d'amande amère.
Elle saupoudre de gruau de cacao sur sa tarte de crème brulée de mamey tout en commentant les diapositives qu'elle a préparées. Et attaque son dessert-signature, un vacherin-meringue-sorbet corrosol décliné dans des tonalités de blanc, avant de râper de la lime du Yucatan. Elle peut le décliner avec des cactus d'été, le pitahaya ou fruit du dragon dans un jeu délicat d'acidité.

Il m'a peut-être manqué de fortes émotions comme celles que j'ai relaté au début de l'émission. Je ne suis pas la seule à le dire, le départ de grands partenaires historiques d'Omnivore se ressent. Je ne citerai que l'absence de la Bourse Badoit, qui sans faire de mauvais jeu de mots apportait de l'effervescence au festival. Beaucoup de jeunes venaient s'y renseigner avant de finaliser leur dossier d'ouverture de restaurant pour se donner le plus de chance pour remporter une belle somme d'argent, 10 000 €, mais surtout un coaching d'un an en cuisine, en gestion et en communication.
Néanmoins les deux jours ont été riches d'échanges et de découvertes, ou de confirmations.
Il y a un leitmotiv que j'ai entendu plusieurs fois et que je tiens à vous donner. Beaucoup de chefs ont tenu à remercier publiquement leur épouse pour son soutien au quotidien. C'était à chaque fois très touchant, et applaudi chaleureusement.
Cette année, le focus était annoncé sur la cuisine responsable, les racines et les territoires d’agriculture et d’élevage et il a bien été respecté. Je me souviens de Claire Damon disant : il faut consommer moins, c'est évident, si on veut que ça dure ... Je n'utilise que l'amande de Provence, ça nous aura couté un point de rentabilité. J'ai supprimé l'attaché de presse.
Le festival a permis aussi de satisfaire la curiosité de ses visiteurs et de partager des expériences. Je ne pouvais pas restituer en un article ce que j'ai fait en deux jours. J'espère que je vous aurai donné l'envie d'y faire un tour l'an prochain. Cela reste un moment très important pour tous les passionnés de cuisine, qu'ils soient d'un coté ou de l'autre des fourneaux.