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Au grand lavoir

Publié le 14 avril 2019 par Lorraine De Chezlo
AU GRAND LAVOIRde Sophie Daull
Roman - 245 pages
Editions Philippe Rey - août 2018
Lui, il est agent d'entretien d'espaces verts à Nogent-Le-Rotrou suite à une réinsertion concluante à sa sortie de prison. Elle, elle a perdu sa mère assassinée il y a bien longtemps, puis sa fille décédée il y a trois ans, et est en tournée de promotion pour la sortie de son livre. A la télé, il l'a reconnue. Elle va venir dédicacer son ouvrage mardi soir à Nogent-Le-Rotrou ; il lui reconnaît le même visage que sa mère, qu'il a sauvagement tuée trente ans plus tôt. Il sera au rendez-vous malgré les nuées de mouches qui bourdonnent dans l'horreur de ses souvenirs.
C'est vertigineux, c'est extrêmement poétique, et c'est violemment cru. C'est tout cela  la fois, c'est complexe et c'est humain, cela se lit d'une traite. Roman présenté par le comité de lecture de ma bibliothèque municipale, je pensais que Sophie Daull y raconterai sa propre quête de l'assassin de sa mère, comme une traque sur quelques jours. Mais à la lecture, je n'y ai pas cru. J'ai lu ce roman comme la mise en abîme du roman sur une romancière et son personnage peut-être fictif, peut-être réel.
Extrait :
"Alors j'irai au grand lavoir là-bas, où la mémoire se récure contre le granit rugueux, où la langue se rince au torrent qui mousse comme un savon d'encre, où la fiction fait Javel. Je regarderai l'eau crasseuse s'écouler dans une grande synovie de mots et je laisserai sécher les éclaboussures au soleil de leur consolation. Grande lessive."
Comment, autrement que par le roman, expliquer ainsi le désir d'une victime indirecte de se confronter, se faire violence, s'identifier, se mettre dans la peau de l'assassin, le créer ? L'envie de laver le passé par les grands moyens, en construisant un personnage que l'on excusera pas, dont on ne comprendra pas le geste, mais qui vivra, autre part, ailleurs… Comment pour une fille orpheline vivre sans la peur et la rancœur au ventre à l'annonce de la remise en liberté de l'assassin condamné à perpétuité, après la peine de sureté de dix-huit ans ? Comment l'appréhender sans provoquer la rencontre ? Un roman singulier, fort, qui choque mais qui est un bien bel hommage à l'écriture et ses libertés, salvatrices ou réparatrices.
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