Cette revue annuelle de littérature et de réflexion initiée par Hubert Haddad s’engage à parler du monde d’une manière décentrée, nomade, investigatrice, loin d’un point de vue étroitement hexagonal, avec pour premier espace d’enjeu l’Afrique et la Méditerranée.
C’est autour du nom prestigieux d’Apulée – auteur berbère d’expression latine qui, avec l’Âne d’or ou les Métamorphoses, ouvrit au IIe siècle une extraordinaire brèche de liberté aux littératures de l’imaginaire – que se retrouvent ici écrivains et artistes venus d’horizons divers. Romanciers, nouvellistes, plasticiens, penseurs et poètes des cinq continents ont la part belle pour dire et illustrer cette idée de la liberté, dans l’interdépendance et l’intrication vitale des cultures.
C’est avec le numéro 2 de cette revue, paru en 2017, que nous aurons, cette année, notre rendez-vous mensuel.
Nicolas Kurtovitch
Cette poignée de main (extrait)
(À propos de la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou en 1988)
« La poésie est une arme chargée de futur », écrit le poète espagnol, Gabriel Celaya. Il y avait, il y a dans cette poignée de main de la poésie, en ce sens qu’il a fallu aux deux hommes opérer un formidable dépassement de soi, un dépassement du présent, une remarquable projection dans l’avenir, pour oser ce geste public, sachant bien qu’il y aurait des incompréhensions. Sur le moment il leur était impossible d’évaluer l’ampleur et la force des réactions qu’allait entraîner cette poignée de main. Nous savons aujourd’hui ce qu’il en a été moins d’un an plus tard. La pratique de la poésie est un dépassement de soi, un dépassement de ses certitudes, de ses propres espoirs même. Il s’agit de voir ce qui n’est pas visible, d’entendre ce qui est encore silencieux, il s’agit de lire le monde et la vie autour de soi en ne s’attardant ni sur l’évidence, ni sur le « plus bruyant », en restant disponible à ce qui s’y dit sans se soumettre au prisme déformant de sa propre pensée discursive.
(photo : le Mont Panié, Nouvelle Calédonie)