Jean-Marc Notelet : un style unique, hors mode et hors normes, furieusement original et souvent démentiellement bon. Un passionné passionnant.
Jean-Marc Notelet est un aventurier. Aller chez lui est une aventure. Un déjeuner en son restaurant planqué dans une petite rue du XVIIème arrondissement n’est pas un repas de tous les jours. Avec lui, on sait mais on ne sait pas. On sait que ca va être unique, original, parfois bancal souvent génial. Un fou de cuisine, de ses saveurs et de ses odeurs.
Il voulait être footballeur. Vu l’ambiance aujourd’hui dans ce sport d’adolescents attardés qui se la jouent, il a bien fait de changer de voie. De toute façon, il avait un fatum puisque son grand-père était restaurateur, alors le petit gars du Nord va être cuisinier. Il passe par les maisons prestigieuses de Marc Meneau et de Gérard Boyer à Reims, étudie en même temps la chimie et arrive dans sa première vraie place au Fouquet’s Paris. En ce temps-là, voyant l’ampleur du désastre, il repart ouvrir le Troyon, un mignon petit bistrot comme il y en avait quelques-uns de recommandable dans la capitale. Petit succès, un petit fond, et il fonde sa première affaire. Le Caïus, du nom de son grand-père… fatum.
Il cherche sa voie et la trouve vite. Elle sera faite de voyages, de rêves, de goûts étranges venus d’ailleurs mais toujours pensés et dosés. Un style, unique, hors mode et hors normes parfois mais furieusement original et souvent démentiellement bon. Un passionné passionnant.
Il a relooké sa salle, plus droite, plus rectiligne, un peu sombre mais agréable cependant et le petit enclos du fond est plus lumineux. Devant vous, et changeante en partie chaque jour et en totalité chaque semaine, une ardoise. Choix vaste et riche : cinq entrées, cinq plats, cinq desserts. On en choisit un de chaque. Parmi les cinq, dans chaque catégorie, il y en a un avec supplément. Cette semaine-là, le foie gras à la presse dans les entrées (+ 7 €), l’Entrecôte normande « uniquement saignante » dans les plats (+ 18 €).
Le Foie gras justement, parlons-en. Belle pièce généreusement servie. Du fond et du caractère et surtout pas de trucs bizarres, sucrailleux, autour. Nature et sans fioritures, avec du gras comme il se doit. La vérité du produit, la voila. Une tranche de bon pain grillé et le tour est joué.
Les Asperges vertes viennent du Loiret (ce n’est pas loin), finies au sautoir donc un peu trop al dente, servies dans un démentiel beurre fouetté et agréablement parfumé au curcuma, poivre, et agrumes. Equilibre subtil et délicatesse exemplaire.
Vu, revu, goûté, regoûté, fatigué et fatiguant, le ceviche est le passe partout des entrées crues et santé, légèreté. Soudain, juste servi dans un petit bol, on découvre le vrai monde. C’était donc ca le ceviche ? Ici, une dorade royale de fière allure, douce, du mou et du croquant, des herbes, des slices de jeunes radis, et une explosion de parfums. Une merveille inégalée.
Les plats ont un certain point commun : présentés en assiettes creuses car le chef aime les sauces, les jus, les mousses, et le fouetté. Elles sont légères, savoureuses, et viennent toujours rehausser le plat plutôt que l’envahir et le déranger.
Trois bons exemples. Trois réussites parfaites.
Un Dos de cabillaud saisi à la plancha, petit épeautre de Sault (en Provence), chorizo discret mais présent et jus goûteux. Un regret pour les trois feuilles de salade posées en chapeau qui sont aussi inesthétiques qu’inutiles.
Remarquable Filet de haddock, cuisson millimétrée, poireaux grillés, jus et agrumes. Une merveille da saveurs en harmonie, riches et belles.
Tiercé gagnant avec le Haut de cuisse de volaille au foin de Crau, épinards au sautoir, beurre au café. Etonnant, beau, grilloté à souhait, délicieux.
On se croyait tranquille ? Que nenni. Arrive le chef d’œuvre du repas : un simple dessert de grand-mère, comme on dit maintenant car la mode n’est plus aux mères mais aux grand-mères.
Un Clafoutis aux poires, une belle pièce entière servie en plat à gratin, à se partager à deux. Moelleux, doux, tiède presque chaud, moelleux, goûteux… une drogue dure. En tout cas, un clafoutis d’anthologie.
Jean-Marc Notelet a du caractère et un caractère. Tant mieux pour nous. Pas d’étoiles au Michelin alors que machin, truc, et choses… Etrange. Michelin, vous qui passez sans me voir….
6, rue d’Armaillé75017 Paris
Tél : 01 42 27 19 20
www.caius-restaurant.fr
M° : Charles de Gaulle – Etoile
Fermé samedi et dimanche
Menu-Carte : 45 €