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Pierre Kouassi Kangannou : La rue 171

Par Gangoueus @lareus
Philippe Kousssi Kangannou, auteur du roman Rue 171 aux éditions Eburnie.


L'exercice est périlleux. Mais, d'un point de vue de la fiction, totalement possible. Faire parler une rue. Plusieurs auteurs ont réussi à faire parler des animaux pour dire un fait, raconter une expérience humaine. Je pense à Nganang, Mabanckou ou Waberi. Mais faire parler une rue, il fallait tenter la démarche. C'est Pierre Kouassi Kangannou qui nous propose une telle approche...

Haut personnage, Kouassi Kangannou est d'abord un haut fonctionnaire ivoirien, sous-préfet en exercice. Il est également un homme de lettres qui livre avec La rue 171 son second roman. Un édité chez l’éditeur ivoirien Eburnie. Cet auteur revendique l'influence du nzassa dans son écriture. Les experts de cette approche artistique ivoirienne me corrigeront mais ce genre est une sorte d'abolition des frontières entre les genres ou alors un patchwork de plusieurs genres dans une seule œuvre littéraire. Ainsi Le silence du chœur de Mohamed Mbougar Sarr serait un roman nzassa par exemple. La rue 171 s'inscrit un peu dans cette démarche artistique. Puisque ce roman tente de créer une nouvelle voix, celle d'une rue. Si cette rue s'exprime dans une forme assez classique, très éloignée du parler ivoirien des grandes villes comme le nouchi, j'imagine, le fait même qu'elle parle et recompose tous les discours qu'elle entend, porte l'hétérogénéité des discours ivoiriens

Rue 171 ou discours pluriels ivoiriens

Le projet de Kouassi Kangannou porte une pluralité de discours et d’attitudes souvent antagonistes. Celle des élites et des illettrés, celle des puissants et des pauvres, celle des nouvelles religions et des anciennes croyances locales. Il y a aussi un discours sur l'histoire du pays des sept merveilles qui ressemble étrangement à une trajectoire de la Côte d’Ivoire. La rue entend tous les bavardages de celles et ceux l’empruntent et elle restitue leurs mots, les maux qu’ils portent avec beaucoup d’humour, de joie. On sent que cette rue est ensoleillée, fréquentée, passante, loin d’être un cul de sac. On y voit l’avenir de ces élèves, ces lycéens. On y pressent la fuite vers l’Europe. On contemple le développement de système « D » de populations précarisées. Kouassi Kangannou a dû se poster à des coins de rue, dans des maquis, des cybercafés pour entendre toutes ces voix.

Rue 171 ou la monochromie d’une langue


En faisant parler une rue, Kouassi Kangannou s’est lancé dans une aventure délicate et complexe. Car ce n’est pas une rue parisienne ou montpelliéraine qui parle. C’est la rue d’un quartier populaire africain où les langues sont multiples. Le français, le créole citadin (genre rouchi en Côte d’Ivoire), les langues ethniques. De ce patchwork de langues, il n’est pas question dans ce roman. Au-delà de l’humour, le style de Kouassi Kangannou est très classique, avec peu de variation avec les autres genres. C’est une critique un peu sévère. Mais, elle fait perdre un peu la crédibilité de la voix de cette rue. Je chipote. Parce que le texte est très bien écrit, engageant et habité par l’amour de l’écrivain pour cette rue.Philippe Kouassi Kangannou, La rue 171Editions Eburnie, première parution en 2017, en lice pour le Prix Orange pour l'Afrique

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