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Salima Louafa : Chairs d'argile

Par Gangoueus @lareus
Salima Louafa : Chairs d'argile
On peut se demander pourquoi Salima Louafa a choisi ce titre. Surement à cause de ce que  représente l’argile : un matériau peu poreux, malléable dans certaines circonstances et parfois cassant. On peut effectivement penser que nombre des personnages de ce roman Chairs d'argile portent cette fragilité…
L’écrivaine marocaine propose un premier roman engageant dont l’intrigue commence quelque part en région parisienne (plus loin encore si on veut rigoureux, aux Antilles françaises) avec Quentin, un Don Juan en quête perpétuelle de reconnaissance. Celle des femmes semble acquise. Celle de son milieu professionnel est moins évidente. Travaillant dans le management d’une boîte de BTP française, il s’attend à avoir un poste de direction quand son responsable l’expédie au Maroc pour suivre un projet important… Notre homme entretient une relation tendue avec sa femme Alice, qui ne s’inscrit pas dans les standards très élevés en termes de canon de beauté, mais partage son existence. Elle nourrit des névroses qu’elle ne partage pas avec Quentin. L’absence d’enfant est un enjeu particulièrement délicat. Alors qu’elle et Quentin sont sur le point de rupture, le Maroc est une opportunité qu’Alice accepte après moult hésitations…
Cette première phase est très riche sur le traitement de la psychologie des personnages. Je trouve que l’écrivaine narre bien son sujet, décrit assez bien la frivolité de Quentin et le caractère hystérique d’Alice qui surprendra tout lecteur, en mode M. Jekyll / M. Hyde.
Le deuxième volet du roman se passe au Maroc, à Casablanca. Il porte sur l’intégration très rapide de cet expatrié. Naturellement, je ne vais pas vous raconter toute l’histoire. Salima Louafa y décrit un milieu marocain très élitiste fonctionnant comme un miroir aux alouettes. Les rencontres que font Quentin et Alice se révèlent complexes dans le contexte qui est le leur. Quentin cède aux avances de Maria d’une gynécologue particulièrement séduisante. Il ne sait malheureusement pas dans quoi il s’est embarqué alors qu’Alice recueille et protège une petite fille mutilée.
Salima Louafa : Chairs d'argile
Je retiens deux choses marquantes : la capacité de Salima Louafa de naviguer entre les genres, à savoir la romance, l’intrigue policière et le portrait d’une société. Elle peut à la fois aborder l’extrême pauvreté des petites gens de Casablanca et de dangereux trafics d’organe perpétrés par des réseaux mafieux… Une écriture agréable à lire. On pourra toutefois reprocher à ce texte de soumettre le lecteur à trop de passerelles (France/Maroc, romance/ polar, multiplicité des cercles d’intérêt). L’exercice n’est pas simple. Je trouve qu’elle parle remarquablement bien de séduction, de sensualité, de jeux de pouvoir et qu'elle porte une critique franche sur certaines « réussites » de l’élite de son pays. Un dernier point très délicat touche aux rapports entre marocains et certains subsahariens… La fiction met le doigt sur de funestes réalités.Salima Louafa, Chairs d'argileEditions Afrique Orient, Première parution en 2017En lice pour le Prix Orange du livre en Afrique 2019

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