Bien sûr cela a fait plaisir à 80 000 spectateurs au Stade de France et quelques millions d’autres derrière leurs télés de revoir la bouille des champions du monde 1998. Mais le culte de la nostalgie est-il vraiment une bonne idée ?
Soirée déambulateurs et bêtabloquants au Stade de France samedi soir, l’association France 98 rencontrait une sélection mondial de grands noms du football, jeunes retraités (ou sur le point de l’être). Au moins, derrière mon poste de télé, je m’en suis payé une bonne tranche. Ne serait-ce lorsque j’ai vu David Trezeguet fouler la pelouse du SDF avec le maillot bleu : La voilà son dernier match en bleu ! Au coup d’envoi, je prends le pari avec moi-même qu’il ne marque pas ce soir-là ! Hop, j’ai gagné, j’avoue c’était facile.
Sinon on a revu Lilian Thuram jouer au football et sur le côté droit de la défense (comme à la bonne époque) et n’a pas fait de crise cardiaque sur le terrain…
Honneur oblige, 10 des 11 titulaires du 12 juillet 1998 débutaient le match de charité 10 ans plus tard. Barthez dans les buts, une défense à quatre qui allait de l’avant : Thuram, Desailly, Blanc (qui était suspendu il y a 10 ans) et Lizarazu. Trois milieux plus ou moins défensifs avec Franck Leboeuf juste devant la défense (en lieu et place d’Emmanuel Petit absent, son bouquin n’a pas dû ravir tout le monde), Karembeu et Deschamps. Zidane ayant toute latitude pour faire le spectacle, tout comme youri Djorkaeff. Stéphane Guivarc’h ayant pour seul but d’enfin marquer un but au SDF… Bah non pas là non plus en fait.
Une sélection mondiale qui a de la gueule !
En face Arsène Wenger et Hristo Stoitchkov (l’ancienne gloire du Barça et de la Bulgarie) se sont concocté un 4-4-2 où Zuberbühler (gardien suisse), Fernando Couto, Hierro, Song et Le Saux constituaient les lignes arrières. Les quatre milieux étaient très offensifs avec Karpine, Boban, Nakata, Davids. Deux attaquants avec Zola et Butragueno, ce qui aurait fait un beau duo, il y a 20 ans. Du moins c’était les équipes au coup d’envoi. Thuram ne jouera qu’un quart d’heure (remplacé par Candela) et Guivarc’h sort pour Dugarry. Voilà l’idée. Côté « reste du monde », on citera Dominique Casagrande (qu’est-ce qu’il foutait là d’ailleurs ?), Franck De Boer, Gianluca Festa, Jari Litmanen, Moussa Saïb, Leonardo, Martin Jorgensen, Sonny Anderson, Pedro Miguel Pauleta (dont le but a dû faire sonner une demi-douzaine de fois le portable de son agent samedi soir), Pierre Van Hooijdonk, Davor Suker (qui a triplé de volume mais fait un festival dans la « défense » des bleus pour le troisième but) et Faycal Mobarak. Chez les bleus, vous pensez bien qu’il fallait faire le nombre avec Vincent Candela, Bernard Lama, Lionel Charbonnier, Robert Pires, David Trezeguet, Alain Boghossian et Bernard Diomède (qui a mis une jolie patate). Ainsi que des Guest star et les recalés du stage de Tignes 1998 : Ludovic Giuly (qui a annoncé reprendre à Rome le 20 et donc pas à Paris), Johan Micoud, Marc Keller, Nicolas Anelka, Martin Djetou, Sabri Lamouchi, Pierre Laigle, Claude Makélélé, tous membres de l’association France 98.
Nostalgie quand tu nous tiens…
Au-delà de la Nostalgie de ce bel été 1998, on a bien pu se rendre compte que les souvenirs déforment les faits et l’on s’interroge tout de même sur la pertinence de l’argument de Canal + (Stéphane Guy et Éric Besnard en tête) de penser que « c’est en 1998 que les sportifs Français ont pris conscience que la France pouvait gagner ». Yannick Noah, Les Champions d'Europe de football 1984 (Euro et J.O), l’équipe de France de Handball 1995, l’équipe de France de Rugby 1997 et 1998 (deux grand chelems consécutifs), l’Olympique de Marseille 1993, le PSG 1996, Carole Merle, Jean-claude Killy, Alain Prost, Bernard Hinault, Laurent Fignon (et bien d’autres) ont certainement apprécié. Il est hyper prétentieux d’appeler les adversaires des bleus « reste du monde » comme on l'a pas mal entendu. Limite démago…
En France, on a une grande tendance à fêter les victoires passées, une façon de se dire que c’était mieux avant. De se mettre des œillères sur l’avenir. D’autant que le contexte de l’élimination prématurée des Bleus à l’Euro 2008 fait tache d’huile.
Champion de la récupération pseudo politique, Charles Biétry qui annonçait en lever de rideau qu’alors, tout frais Président du PSG, il avait proposé durant l’été 98 à Aimé Jacquet d’entraîner l’équipe. Mémé qui, bien sûr, avait refusé ! Cela a tout de même valu une brève sur l’Équipe.fr.
À l’instar du culte de la défaite qu’avait engendrée la finale des Verts à Glasgow en 1976. Il y a tout de même une différence notoire : la victoire.
Mais vera-t-on 30 ans après un événement aussi colossal au Stade de France ? Il y a deux ans, la bande à Platini s’était bien réunie pour marquer le coup. C’est à peine si les vainqueurs de Bruxelles ont fait un dîner pour se remémorer la victoire du PSG en Coupe des Coupes 1996. Concurrence verte oblige…
En 2003, Eurosport avait fait une opération spéciale pour marquer les 10 ans de la seule victoire française en Coupe des clubs Champions avec rediffusion du match et plateau télé « remember » avec Basile Boli, Didier Deschamps et Fabien Barthez… Quel intérêt ? Comparer ce qui n’est pas comparable ?
Sponsorisé par Orange et Canal +
Absent (de même que Vieira et Henry qui avaient des mots d’excuses), Emmanuel Petit était lui en pleine promotion de s’autobiographie aidée dans une librairie monégasque. Arguant n’avoir reçu l’invitation qu’il y a deux semaines (!), l’homme du 3-0 contre le Brésil se met à l’index de France 98 estimant que cette association à but non-lucratif est à côté de ses pompes et ne sert plus que des intérêts particuliers : « Au début, le but de l'association était simple, redonner de l'amour, aider des gens en détresse morale ou en souffrance physique. Il y a eu un impact conséquent, magnifique. Pour les sinistrés des inondations du Gard ou par rapport à AZF, par exemple. Et puis, ça s'est ensuite réduit à des matches ou tournois événementiels sponsorisés par Orange et Canal +, qui a six champions du monde sous contrat. Ça permet à certains joueurs d'entretenir leur image, de gagner de l'argent. On a dévié de la trajectoire initiale. Il y a un mélange des genres, à la base, c'est une association à but non lucratif ». On ajoutera que Canal+ avait avant le match diffusé son émission « Les Spécialistes » spécial Brésil – France du 12 juillet 1998. Autour de Lionel Rousseau : Aimé Jacquet, Didiers Deschamps, Christophe Dugarry, Zinédine Zidane, Bixente Lizarazu et Marcel Desailly ont décortiqué le match avec un rapport de 1 à 3 entre l’intéressant et les blagues de vestiaire. Que des consultants de Canal + et donc pas de Franck Le Boeuf (M6), Emmanuel Petit (l’ÉquipeTV) ou de Christian Karembeu (France 2), pourtant tous titulaires il y a 10 ans. La question de Petit sur France 98 qui servirait à « des intérêts particuliers » mérite d’être débattu.
Champions du Monde 1998 : Que sont-ils devenus ?