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Alto braco

Publié le 08 mai 2019 par Lorraine De Chezlo
ALTO BRACOde Vanessa Bamberger
Roman - 240 pages
Editions Liana Levi - janvier 2019
Brune est une femme parisienne. Après le décès précoce de sa mère, elle a été élevée par ses deux grand-mères, Douce et Granita (Annie), au dessus du bistrot qu'elles tenaient, en bonnes aveyronnaises. Douce vient de mourir et elle voulait être enterrée à Lacalm, dans l'Alto Braco, là-bas sur l'Aubrac d'où vient la famille Rigal. Alors ce sera pour Brune l'occasion d'un retour, pour elle qui a perdu tous ses souvenirs des vacances qu'elle y passait enfant. L'occasion d'une immersion dans ces paysages rudes, son climat exigeant, sa population attelée au travail, à la rentabilité et aux valeurs régionales. Une immersion au sein d'une économie basée sur l'élevage, et la ripaille carnée qui tient au corps.
L'Aubrac, c'est cette région non administrative, qui s'élève à la croisée de la Lozère, le Cantal et l'Aveyron. Chaque week-end, Brune y est de retour. Elle nous parle peu de ses semaines de travail en crèche à Paris, de sa relation amoureuse avec un homme marié, de ses amitiés. Mais elle décrit les week-ends en Aubrac comme des périodes où le temps s'étire, avec une histoire familiale qu'elle découvre à travers une enquête familiale, des alliances passées, des mariages arrangés, des échanges femme contre terre d'estive, des décès, des transmissions, un rapport à la terre, à l'alimentation. Sa grand-mère partie, Brune se retrouve auprès de Granita, sa grande-tante, sa seconde grand-mère. Entre affection, reproches, non-dits, elles se redécouvrent, s'apprécient, se respectent, s'admirent.
Extrait :"Au milieu de la place se dressait le célèbre taureau de bronze, onglons plantés sur un grand socle de pierre noire, chignon et mufle au vent, l'air féroce. Le symbole de la race, la curiosité et la fierté de la commune. La vache avait toujours été le totem de l'Aubrac, son tracteur, son garde-manger, sa bourse. Cependant c'était le taureau qu'on glorifiait. De même qu'on disait viande de bœuf alors qu'on mangeait de la vache, on parlait de bœufs dressés et non de femelles. La misogynie valait aussi pour les bovins."
Vanessa Bamberger nous offre des descriptions impressionnantes de cette région, met des mots sur les paysages embrumés, les terres arides et sonnantes, les petites maisons de pierre sur les puechs, les croix qui s'érigent au milieu de nulle part, les bars où se rassemblent les éleveurs pour discuter primes ou satisfaction du naufrages de migrants. Car l'Aubrac vit de l'élevage, de ses techniques génétiques, de ses méthodes diverses, de l'engraissement des bêtes en Italie, de la recherche d'un positionnement haut de gamme. Sans concession, sans trop de jugement moral, Alto Braco dresse aussi et surtout le portrait d'un milieu, d'une terre, d'un écosystème humain et bovin.Avec ses nombreux niveaux de lecture, ce roman est un livre riche, avec la complexité des liens d'une famille française, à la fois commune et atypique, avec la richesse d'un monde post pastoral tant décrié tout en étant mal connu.Un très beau roman, instructif également, à tel point qu'il fait toujours douter sur sa nature autobiographique et documentaire.
L'avis de Nicole Grunlinger - Mots pour mots
L'avis de Cornelia - Déambulations littéraires et culturelles

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