Les éditions Joca Seria publient Mes beaux habits au clou de Langston Hughes, dans une traduction de Frédéric Sylvanise.
Mort du Filou : ta chanson d'un clodo
Ah, c'est dur d'trouver un copain
Qui soit toujours près d'vous
Pour vous v'nir en aide
Quand z'avez pas l'sou.
C'était un ami à moi.
Ils l'appelaient l’Filou
Passqu'il était noir de peau
Qu'il avait tailladé sa copine
Et tiré sur un homme, en plein dans l'dos.
Mon ami à moi.
Mais quand j'avais faim
Et rien à manger,
I' m'achetait du pain d'maïs
Et d’la viande en civet.
Mon bon ami à moi.
Et quand les flics m'attrapaient
Et m'mettaient en prison
Si l'Filou l'avait d'l'argent
J'étais libéré sous caution
Oh, mon ami à moi.
La nuit qu'il a été r'froidi
J'me t'nais sur l'pavé
Quelqu'un passe
Et m'dit ton pote s'fait tabasser
Mon ami à moi.
Mais quand j'suis arrivé
Et qu'j'ai vu l'ambulance
Un gars m'a dit
I' va pas en réchapper.
Mon meilleur ami à moi.
Quant à ceux qui l’ont r’froidi,
Qu’leurs âmes brûlent en enfer,
J’vais prendre mon flingue
Et en faire du gruyère.
Mon ami à moi.
Death of Do Dirty: A Rounders’ Song
0, you can't find a buddy
Any old time
'Ll help you out
When you ain't got a dime.
He was a friend o' mine.
They called him Do Dirty
Cause he was black
An' had cut his gal
An' shot a man in de back.
Ma friend o' mine.
But when I was hungry,
Had nothin' to eat,
He bought me corn bread
An' a stew meat.
Good friend o' mine.
An' when de cops got me
An' put me in jail
If Dirty had de money
He'd go ma bail.
0, friend o' mine.
That night he got kilt
I was standin' in de street.
Somebody cornes by
An' says yo' boy is gettin' beat.
Ma friend o' mine.
But when I got there
An' seen de ambulance
A guy was sayin'
He ain't got a chance.
Best friend o' mine.
An' de ones that kilt him, —
Damn their souls, —
I'm gonna fill ‘em up full o'
Bullet holes.
Ma friend o' mine.
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Rieurs
Chanteurs du rêve,
Conteurs d'histoires,
Danseurs,
Grands rieurs entre les mains du Destin,
Mon peuple.
Plongeurs,
Garçons d'ascenseur,
Femmes de chambre,
Joueurs de dés,
Cuisiniers,
Serveurs,
Jazzmen,
Nourrices,
Dockers,
Noceurs,
Auteurs de revues,
Comédiens de cabaret,
Et musiciens de cirque
Des chanteurs du rêve, tous,
Mon peuple.
Des conteurs d'histoires, tous,
Mon peuple.
Danseurs
Et Dieu ! Quels danseurs !
Chanteurs
Et Dieu ! Quels chanteurs !
Chanteurs et danseurs
Danseurs et rieurs.
Rieurs ?
Oui, rieurs ... rieurs ... rieurs
Rieurs aux éclats entre les mains
du Destin.
Laughers
Dream-singers,
Story-tellers,
Dancers,
Loud laughers in the hands of Fate—
My people.
Dish-washers,
Elevator-boys,
Ladies' maids,
Crap-shooters,
Cooks,
Waiters,
Jazzers,
Nurses of babies,
Loaders of ships,
Rounders,
Number writers,
Comedians in vaudeville
And band-men in circuses—
Dream-singers
My people.
Story-tellers all,—
My people.
Dancers—
God! What dancers!
Singers—
Gad! What singers!
Singers and dancers
Dancers and laughers.
Laughers?
Yes, laughers… laughers… laughers—
Loud-mouthed laughers in the hands
Of Fate.
Langston Hughes, Mes beaux habits au clou, Traduit de l'anglais (États-Unis) par Frédéric Sylvanise, Joca Seria, 2019, 149 pages, 13,50 €,, pp. 46/49 et 118/119
Sur le site de l’éditeur
Mes beaux habits au clou compte parmi les œuvres américaines majeures des années 1920. Ancrée dans la culture et le parler populaires noirs, elle donne ses lettres de noblesse au blues comme genre poétique à part entière. Tournant le dos aux formes traditionnelles, imposant une langue profondément américaine, Langston Hughes s’inscrit dans la lignée d’un Walt Whitman, érigé en modèle absolu, en même temps qu’il conçoit son recueil comme un manifeste pour toute une génération de jeunes écrivains noirs soucieux de ne pas complaire à la bourgeoisie de Harlem. Ses poèmes, récits de cœurs brisés, de misère et de malheur poisseux, gardent l’esprit du blues autant que la lettre. Ici, on rit pour ne pas pleurer, pour continuer à vivre malgré tout.
Langston Hughes (1902-1967), un des principaux animateurs du mouvement de la Renaissance de Harlem dans les années 1920 et 1930, est un poète, dramaturge, essayiste et romancier africain-américain. Il a également été le traducteur de Federico García Lorca en anglais. Nul n’a poussé aussi loin que lui l’exercice d’écriture de blues et de poèmes inspirés par le jazz : son influence sur la littérature américaine a été considérable.