Ce qui m'a surprise dans son annonce c'est le sous-titre de
"vraie-fausse conférence scientifique" qui semble minimiser le travail accompli, tant du point de vue de la recherche, hyper documentée, de sa justesse (je ne pense pas qu'on puisse mettre quoique ce soit en doute) que sur le plan artistique, en réduisant la performance de la comédienne à une pseudo conférence.C'est un moment de théâtre, de chant, de danse ... très complet que nous offre le trio composé de Didier Girauldon et Constance Larrieu avec Jonathan Michel.
La comédienne a relaté la genèse du projet au cours d'une rencontre (animée par le psychanalyste, grand amateur de théâtre, David Rofé-Sarfati) après la représentation. Elle voulait travailler sur les pièces de Sarah Kane mais changea d'avis lorsque son professeur de l'ERAC (Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes) lui donna le livre de Wilhelm Reich, médecin et psychanalyste, précurseur des thérapies corporelles, élève puis dissident de Freud. Comme elle a eu raison!
Si le livre, paru en 1927 en Allemagne, a été censuré (il sera réédité en Amérique en 1942) la situation n'a pas considérablement évolué puisque la communication du spectacle a été censurée sur Facebook. On peut s'en étonner mais l'orgasme est redevenu un gros mot.
Cet ouvrage a de quoi passionner et Constance y voit très vite un sujet pour le théâtre. Elle va s'y atteler pendant des mois et, suivant la suggestion de Jonathan, filmera régulièrement son ressenti au fil de deux ans de recherche en noir et blanc, sous des angles peu flatteurs, dont on ne sait pas si c'est uniquement par pure maladresse même si elle dit n'avoir aucune compétence en la matière. Le résultat est en tout état de cause ... jouissif et il faut saluer le travail de montage, dont vous aurez un aperçu dans la bande-annonce qui mérite d'être vue, notamment pour l'extrait d'une des nombreuses interventions du Dr Pierre Desvaux. Lui a-t-on dit qu'il a des talents comiques manifestes ?
Le spectacle commence d'ailleurs, et c'est logique, par un morceau de cette vidéo dont la drôlerie détend l'atmosphère.
C'est la première fois qu'elle se livre à un monologue. Sa forme, associant plusieurs médias, rend le spectacle polymorphe, sérieux, intelligent, et jouissif, ce qui est un minimum pour traiter un tel sujet.
La mise en scène est astucieuse, avec par exemple l'emploi de ballons noirs ou blancs qui évoquent les démonstrations que Reich faisaient en public avec des vessies de porc.
Si la comédienne a raison de pointer que les pratiques culinaires se sont améliorées avec la diffusion des épisodes de Top chef on pourrait souhaiter qu'elle ait sa part d'influence (positive) dans les pratiques visant à la recherche du plaisir. La séance de sophrologie orgastique qu'elle nous offre en anglais est un moment grandiose. Et le discours final, brandissant un néon comme un drapeau, est un morceau de bravoure exhortant à lutter pour le droit à une vie sexuelle heureuse.
Impossible de tout dire (et surtout Constance le fait mieux que quiconque) mais on peut déjà
on peut déjà la remercier d’avoir lu pour nous le livre du psychanalyste, d'avoir repris et approfondi chaque élément de sa recherche et de l'avoir si bien ... digéré. Voilà un spectacle qui mérite la prescription thérapeutique !La fonction de l’orgasmeRecherche théâtrale de Didier Girauldon, Constance Larrieu et Jonathan MichelSur une idée de Constance LarrieuInspirée par les écrits de Wilhelm ReichMise en scène de Didier Girauldon + Constance LarrieuAvec Constance LarrieuCollaboration artistique et vidéo Jonathan MichelCréation sonore et musicale David BichindaritzLumières Stéphane LaroseCostumes Fanny Brouste et Hélène ChancerelAu Théâtre de la Reine BlancheDu 4 au 18 mai 2019 (relâche le 14 mai)2 bis passage Ruelle - 75018 Paris
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Jonathan Michel (janvier 2015)