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Profondeur du mal-être

Par Carmenrob

Quand la sonde ne rencontre que de l'absence

De tous les romans d'Henning Mankell que j'ai eu le bonheur de lire, Profondeurs me semble le plus sombre. Le personnage principal, Lars Tobiasson-Svartman, hydrographe, est aussi glaçant que la Baltique qu'il sonde, à la recherche des routes maritimes où pourront se camoufler les navires suédois en cas d'urgence. Nous sommes en 2014. La guerre est imminente. La Russie et l'Allemagne jouent au chat et à la souris au large des côtes de la Suède qui vacille entre engagement et neutralité. Alors Lars plonge sa sonde, son objet fétiche, et mesure la profondeur des fonds marins, comme il mesure toute chose. Un véritable trouble obsessif compulsif, doublé d'une violence à peine contenue, d'une absence aux autres et à lui-même.

Profondeur du mal-être

La plus grande distance à laquelle je dois me mesurer, c'est celle qui me sépare de moi-même. Où que je sois, la boussole pointe de toute part vers l'intérieur de moi-même.

Toute ma vie j'ai usé de faux-fuyants et de détours pour essayer d'éviter de me retrouver face à moi-même.

Je ne sais pas du tout qui je suis, et je ne veux pas le savoir.

Lars est marié à Kristina Tacker qu'il croit aimer, bien qu'il soit conscient de sa fragilité et de la précarité de leur union.

Sa vie est un lent naufrage, pensa-t-il. Un jour, elle m'entraînera avec elle vers le fond. Un jour, elle ne sera plus le couvercle posé sur le gouffre où je vacille.

Or, voilà qu'un jour, en sondant les échancrures de la côte, il aborde une petite île d'allure sauvage et y découvre une veuve, Sara Fredrika, qui y subsiste à la force de ses bras et de son désespoir. Lars devient obsédé par cette femme. Commence alors une relation épisodique qui entraîne tous les personnages dans une dangereuse spirale.

La marque des grands

Par son style limpide et efficace, par l'habile évocation de détails qui n'ont rien d'anodin, par l'attention portée au choix des mots, Mankell crée une atmosphère angoissante qui nous étreint du début à la fin du récit. Comment arrive-t-il malgré tout à nous inspirer une certaine sympathie pour ce personnage odieux à bien des égards ? Peut-être parce que l'auteur sait aussi nous en dévoiler l'extrême vulnérabilité et sa lutte intérieure contre la redoutable menace du monde extérieur.

Si vous aimez les romans faisant la part belle à l'intériorité des personnages plutôt qu'aux rebondissements, ce livre vous plaira.

Henning Mankell, Profondeurs, Seuil, 2008, 344 pages

D'autres critiques chez Télérama, chez Mediapart et Radio-Canada


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