Partager la publication "[Critique] ROCKETMAN"
Titre original : Rocketman
Note:Origine : Grande-Bretagne
Réalisateur : Dexter Fletcher
Distribution : Taron Egerton, Jamie Bell, Richard Madden, Bryce Dallas Howard, Steven Mackintosh, Gemma Jones, Stephen Graham, Tate Donovan…
Genre : Drame/Biopic
Date de sortie : 29 mai 2019
Le Pitch :
Reginald Dwight vit avec sa mère et sa grand-mère. Son père lui, ne passe que de temps en temps et se montre relativement indifférent quant à son rôle au sein de la famille. Passionné par la musique, le petit garçon ne tarde pas à développer un talent hors du commun, qu’il s’empresse d’exploiter en se produisant sur les petites scènes autour de chez lui. Un jour, bien des années plus tard, il est repéré et commence à grimper une à une les marches vers le succès. Sa rencontre avec Bernie Taupin, un parolier de génie, sera déterminante et va le conduire à devenir Elton John, l’une des rock stars les plus influentes que le monde ait connu. Histoire vraie…
La Critique de Rocketman :
On le sait, c’est Dexter Fletcher qui est venu à la rescousse de Bohemian Rhapsody quand Bryan Singer a pris la porte. Un remplacement discret ayant néanmoins permis à n’en pas douter au biopic de Freddie Mercury de devenir l’énorme carton au box office que l’on connaît désormais. Aujourd’hui, Fletcher est de retour avec un film centré sur la vie et l’œuvre d’Elton John, un autre mastodonte du rock and roll anglais. L’occasion pour lui de pleinement illustrer, à sa guise, la trajectoire fulgurante de l’artiste et pour nous d’assister au genre de spectacle qui nous fait tant aimer le cinéma. Et la musique. Parce que bien sûr, ici, elle tient une place prépondérante…
Vers les étoiles
Contrairement à Rami Malek, Taron Edgerton interprète dans Rocketman toutes les chansons d’Elton John. Un peu comme le faisait déjà Joaquin Phoenix dans Walk The Line ou Val Kilmer dans The Doors. Mine de rien, cela fait une grande, voire une énorme différence. L’acteur s’appropriant encore plus sa partition pour totalement se métamorphoser devant la caméra audacieuse de Dexter Flectcher et ainsi rendre hommage de la plus belle des manières à Elton John. Présent dès la première minute du long-métrage, Taron Edgerton ne cesse de bouffer l’écran avec une énergie absolument prodigieuse (par pitié filez-lui un Oscar). Parfois, et c’est particulièrement troublant, il devient littéralement Elton John sous nos yeux. Comme pendant ce montage hyper réussi durant lequel le chanteur est assis au piano devant des millions de personnes, changeant de costume au grès des inclinaisons de la musique. Une scène clé car totalement symptomatique du travail abattu par les forces en présence. Taron Edgerton donc, a parfaitement compris Elton John. Sa musique, ses faiblesses, ses immenses forces, son talent et sa sensibilité. Il faut vraiment rendre hommage à cet acteur. On pourrait dire qu’il se révèle ici plus que jamais mais ce serait oublier que malgré son jeune âge, Edgerton a déjà fait pas mal de chemin. Cela dit, Rocketman représente une forme d’accomplissement pour cet héritier des plus grands noms de la profession. Émouvant, puissant, chantant et dansant parfaitement, il ne se contente pas de faire le maximum. Il donne simplement le meilleur. Bien évidemment, ce genre d’interprétation galvanise d’autant plus. Autour de lui, tout le monde est au diapason. Alors certes, certains rôles sont attendus car au fond, Rocketman embrasse la dynamique narrative classique du biopic. Mais ce n’est pas grave tant l’originalité se situe ailleurs. Nous y reviendrons.
Que ce soit Jamie Bell, prodigieux de bout en bout, Richard Madden ou Bryce Dallas Howard, tous œuvrent pour porter le film vers les sommets, en adéquation avec la formidable histoire qu’il nous conte sans s’économiser.
Your Song
Si Rocketman adopte une structure plutôt prévisible, la mise en forme elle, est totalement audacieuse. Dexter Fletcher ayant souhaité faire du film une sorte de comédie musicale. Une sorte seulement car si Rocketman est traversé de morceaux de bravoure chantés et dansés, il sait se montrer raisonnable et n’embrasse pas totalement les codes du genre. Le truc, c’est qu’ainsi, il devient à l’image du personnage dont il nous conte le succès et les tourments. Si Bohemian Rhapsody était un peu trop sage par rapport à l’exubérance de Freddie Mercury, Rocketman lui, rend extrêmement bien justice à Elton John, à son outrance, à sa fantaisie et à son génie. Il suffit de voir les numéros rythmés par des tubes comme Rocketman, Saturday Night’s For Fighting ou encore la fabuleuse séquence du Troubadour, avec la magistrale interprétation de Crocodile Rock, pour s’en convaincre. La magie prend alors le dessus, la musique passe au premier plan au diapason d’une mise en scène inspirée. Autant de grands moments contribuant à faire du biopic un vrai grand et généreux morceau de cinéma. Le genre qui s’insinue par tous les pores de notre peau pour nous donner envie d’applaudir à tout rompre et de nous lever pour bouger en rythme avant de se rasseoir, heureux.
Don’t Shoot Me I’m Only The Piano Player
Écrit avec justesse pour croquer la vie d’Elton John avec exactitude mais aussi ce recul indispensable aux meilleurs biopics, Rocketman sait bien sûr se montrer extrêmement émouvant plus qu’à son tour. La relation d’Elton avec son père, sa rencontre avec l’incontournable Bernie Taupin, l’auteur des paroles de ses hits et son meilleur ami, sa façon d’assumer sa personnalité extravagante dans un monde enclin à la critique et au rejet sont autant de choses que Dexter Flectcher et son équipe s’échinent avec talent à retranscrire à l’écran de manière à favoriser l’émergence d’une émotion à fleur de peau et au final aussi dévastatrice que possible. Et puis Rocketman, là encore contrairement à Bohemian Rhapsody, ne cherche pas à éluder des pans entiers de la personnalité d’Elton John. La drogue, les excès en général… Tout y passe. Y compris le caractère colérique de la star. Le métrage sait aussi magnifiquement aborder la question de l’homosexualité. Avec beaucoup de subtilité, sans trop en faire mais en soulignant bien la détresse qu’à un moment clé, le chanteur a tenté de camoufler derrière le fard et les paillettes. Quand son orientation sexuelle est devenue problématique aux yeux de certains de ses proches notamment. Concernant Elton John, on ne saurait ainsi trop lui rendre hommage pour ne pas avoir fait pression sur la production pour que le film donne une image policée de lui, même si au final, malgré tout, il en ressort bien sûr gagnant. Mais bon, on parle quand même ici d’Elton John. L’un des plus grands génies du rock and roll. Une bête de scène au centre d’un film plus ambitieux que la grande majorité des œuvres du genre.
En Bref…
Rocketman est un film galvanisant, puissant et émouvant. Une œuvre qui sait saisir en réinventant la grammaire du biopic en permanence, grâce à l’acuité d’un réalisateur en état de grâce et à l’investissement d’un acteur incroyable de bout en bout. Porté par une musique absolument prodigieuse (les tubes d’Elton John sont repris avec une inventivité renouvelée), Rocketman est à la fois un drame éloquent et un vrai feel good movie. Le temps n’en finit plus de filer dès lors que retentissent les premières notes. On en ressort alors extatique, la tête pleine des chansons d’une rock star ici parfaitement à sa place. Chef-d’œuvre.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Paramount Pictures France