Les éditions le Castor Astral publient Toute minute est première, suivi de Tout derniers poèmes, une anthologie de poèmes de Marie-Claire Bancquart. N’ayant plus la force de réaliser ce travail, Marie-Claire Bancquart en a confié le projet à Claude Ber. Elle a pu le superviser avant sa disparition ce 19 février 2019.
Cette édition, qui vient compléter le Poésie/Gallimard (Terre énergumène) récemment paru, permet de découvrir l’unité et la diversité de l’œuvre de Marie-Claire Bancquart, autour de quelques-uns des grands thèmes qui la traversent de part en part, méditation sur la mort, célébration du sensible, expérience essentielle du corps.
Hors du plan
Feuille infime du buis. Un peu de pluie sur elle :
ses nervures
grossies
décalées hors du plan.
A la surface de la goutte
notre maison gonflée
en miroir de sorcière
au bord
minuscule
tu marches
Monde impossible et vrai
collé avec la feuille
sur une lèvre de statue
Elle sourit
connaissant
ce qui la sépare de nous
pour toujours
/
Onze heures du matin, sans toi, septembre
Tout fait semblant
voitures dans la rue
créatures minces, araignées, insectes, sur le balcon.
La clef tourne, les œufs se cassent.
On peut même penser à Ulysse, au Talmud, à Venise.
La vérité, pourtant, c’est qu’on se tient
sur un rebord très approximatif des choses._
/
ça triste
autour de toi ?
ça déjà meurt ?
Écoute un peu chanter ta plèvre
avec le vent,
commence un feuillage d’amitié avec l’arbre,
prends-toi pour une paraphrase de l’automne.
Opération vitale
réussie,
tu ne seras plus l’étranger des germes.
/
Ne descends pas
plus profond
que la douleur
elle a des paliers où se reposer
parfois elle révèle une infime partie du corps, jusqu’alors
inconnue de toi
mais plus bas
c’est insaisissable.
Tu serais pris au piège
d’un grand claquoir
tu seras
aplati
annulé.
Prends garde.
/
Et ces deux poèmes extraits de la séquence « Tout derniers poèmes ». Le deuxième est l’ultime texte du livre.
Ce sont mes « Tristes » que j’écris,
non ceux de l’exil et de l’expatriation ordonnée
à Ovide,
mais ceux du corps souffrant qui souvent connaît
l’exil d’un lit dont il est interdit de sortir.
/
Tout à l’heure, je ne serai plus, tu ne seras plus.
La vraie douleur c’est que de jour en jour ce jour approche, mais ce qui persiste, c’est notre ignorance à son propos.
Demain, ou dans une semaine, un mois...
Et sous la terre des incroyants ne règne que le silence, ou peut-être le bruit d’une brisure par tel qui était un animal minuscule.
– Mais le « n’y sera plus » ne masque rien, car dans aucun langue, me semble-t-il, ce bruit n’existe.
Ah, serre-moi tant que tu peux, musicien. Tu as rempli de caresses mon existence qui s’en va.
Marie-Claire Bancquart, Toute minute est première suivi de Tout derniers poèmes, anthologie préparée par Claude Ber et supervisée par l’auteur, préface de Claude Ber, Le Castor Astral, 2019, 160 p., 15€, pp. 29, 67, 77, 119, 194 et 208. Sur le site de l’éditeur.
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