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La Plage de Scheveningen, de Paul Gadenne

Par Etcetera

La Plage de Scheveningen, de Paul Gadenne
J’ai lu ce roman car il m’a été conseillé par Goran, du blog Des livres, des films. Sans ses conseils, je n’aurais sans doute jamais lu Paul Gadenne (1907-1956), écrivain et poète français, mort de la tuberculose à 49 ans.

Ce roman se déroule juste après la deuxième guerre mondiale, en 1944, pendant l’Epuration. Le héros, Guillaume Arnoult, est écrivain et il cherche à retrouver une femme qu’il a aimée et qu’il n’a plus revue depuis la guerre. Cette femme, Irène (un prénom qui signifie « la paix » en grec), l’a abandonné sans un mot d’explication, et Guillaume voudrait comprendre les raisons pour lesquelles elle l’avait mal jugé. Au moment où il retrouve Irène, il apprend qu’un de ses proches amis de jeunesse, Hersent, a été arrêté pour collaboration avec les nazis. Hersent sera bientôt condamné à mort, à la grande stupeur de Guillaume, qui ne peut comprendre un tel verdict.
La plus grande partie du roman se déroule au bord de la mer, dans une chambre d’hôtel où Guillaume et Irène discutent durant toute une nuit de veille. Il veut la faire parler d’elle, la comprendre, mais il parvient surtout à s’expliquer à lui-même son sentiment de culpabilité, son idée que le mal est en chaque homme.

Mon avis :
La construction de ce roman est assez complexe, mêlant passé et présent, dialogues et réflexions philosophiques, dans de multiples va-et-vient entre intériorité et extériorité du héros.
L’écriture est d’une grande beauté, très littéraire, raffinée, concise, sensible, capable d’une extrême profondeur, mais aussi habile dans les descriptions de paysages ou de personnages.
Paul Gadenne défend un point de vue chrétien dans son approche du Bien et du Mal mais nulle part il n’assène de certitudes sur Dieu ou sur des dogmes, il se situe plutôt dans une recherche de la vérité, du côté de l’ignorance et du mystère.
Un livre qui, selon moi, mérite des relectures car il ne se laisse pas appréhender entièrement du premier coup, et recèle des zones d’ombres et des symboles à décrypter.
Paul Gadenne me donne en tout cas l’impression d’être un immense écrivain, qui mériterait plus de notoriété.

Extrait page 306

Il y a des doutes que l’esprit refuse d’examiner, mais c’est une victoire qui lui coûte. Ces gens, cette vie végétative, puissante et morne, cette insouciance animale, était-ce là ce qui avait été sauvé à si grand prix ? Était-ce donc pour ces épiciers, ces charcutiers repus, qui avaient attendu la paix derrière des remparts de cervelas, que l’on continuait à mourir ? une idée abominable s’empara de lui. Il eût préféré mourir dans la peau d’un traître avéré plutôt que de vivre dans la peau de ces gens. Hélas, cette lenteur de la vie quotidienne, cette insignifiance des gestes, cette sourde rumeur de train roulant dans la nuit, cela recouvrait l’agonie d’Hersent dans sa prison. Guillaume s’était juré de ne pas le plaindre, mais il continuait à ne pas comprendre.

J’ai lu La Plage de Scheveningen de Paul Gadenne dans la collection L’imaginaire Gallimard.


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